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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Les dimanches de Louveciennes. Lazareff et Bleustein-Blanchet...

"Les Sorgues ne sont pas n'importe quel couple, reprit Wence, comme s'il ne s'était rien passé. Ils reçoivent des gens d'argent, vois-tu, des gens de pouvoir, des généraux - ça pourrait toujours te servir, je ne sais pas si tu suis mon regard ? Et souventes fois, il vient chez eux des gens qui, dans la même après-midi, iront prendre le café ou le thé ailleurs. Soit à Verderonnes, chez Anne-Marie, soit pour jouer au gin à Marnes, chez Marcel, soit à Vilennes, soit à Milly chez Jean, soit chez l'autre Marcel à Vilennes aussi, soit à Louveciennes chez le petit homme et sa femme."
Philippe Labro.

La première villa entre l'entrée de l'île et l'avenue Briens, récemment rebaptisée Les Cerisiers, recevait de nombreux et célèbres visiteurs, lorsqu'elle était louée, au milieu du XXe siècle, par Pierre Lazareff.

Il était un camarade de Marcel Bleustein, pas encore nommé Blanchet, depuis l'école communale de la rue de Clignancourt ; tandis que, dans la cour de récréation, Marcel se bagarrait avec Jean Moncorgé (le futur Gabin), Pierre rédigeait avec son frère un bulletin intitulé Le Coq Gaulois, révélant ses talents de journaliste.

Françoise Giroud a décrit les réceptions que le patron de presse, pionnier de l'information télévisée, organisait avec son épouse, fondatrice du magazine Elle :

La vie quotidienne dans le sillage des Lazareff était une fête. Ils recevaient beaucoup dans leur maison de Villennes, à la bonne franquette. […]

La "russité" d'Hélène, son désordre naturel l'emportaient toujours sur la sophistication. Planait sur ces déjeuners quelque chose d'éphémère, de provisoire, comme si, une fois les invités égaillés, des huissiers allaient venir saisir les meubles. Directeur d'un grand journal, Pierre Lazareff n'avait jamais l'air installé, où qu'il fût, mais en transit. Il recevait la cour et la ville, personnel politique changeant au fil des régimes, écrivains, artistes, jolies femmes pour la décoration, chiens perdus aussi - bon comme il était, il en recueillait toujours au milieu de ses têtes d'affiche. L'émulsion se faisait bien. C'était très gai.

Dans son ouvrage Les dimanches de Louveciennes, Sophie Delassein apporte des précisions.

Du temps où ils habitaient avenue Foch, suivant l'exemple de leurs amis Marcel Bleustein-Blanchet et Marcel Dassault, le couple louait une maison de campagne à Villennes, en Seine-et-Oise, à 40 kilomètres de Paris. Bâtie sur l'île de Rêve, la bâtisse à colombages, de style normand, donnait sur la Seine. Les dimanches midi, à Villennes, se retrouvaient souvent les politiques Felix Gaillard et François Mitterrand, mais aussi Marcel Dassault, André Rousselet ou Maître Robert Badinter qui y avait rencontré sa future épouse, Elisabeth, la fille de Marcel Bleustein-Blanchet. « On avait une vie formidable, raconte ce dernier. Tout Paris espérait être invité chez Pierrot, Marcel ou moi. On recevait des amis d'amis qui les amenaient pour rencontrer les gens qu'il fallait voir et qui détenaient les pouvoirs, les grands noms de la Résistance que nous avions tous faite, les Chaban-Delmas, les Comiglion-Molinier. Nous côtoyer, c'était pour certains, qui durant la guerre ne s'étaient guère engagés, une façon de se dédouaner.»



Pierre y recevait sans cérémonie sa maîtresse Carmen Tessier. Hélène y logeait son amant, Jean Chevalier, photographe à Elle. Dans une maison voisine, vivait Marlon Brando qu'Un tramway nommé désir n'avait pas encore révélé. Sur l'Ile de Rêve, il venait en voisin, accompagné de Roger Vadim, de Daniel Gélin et des frères Marquand.

 

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Il n'avait qu'un mot à la bouche, «Quoi de neuf, Coco?», tenait que «le premier devoir d'un journaliste, c'est d'être lu», et vendait régulièrement «France-Soir» à plus d'un million d'exemplaires par jour - tout en inventant «Cinq Colonnes à la une» pour ne pas perdre son temps.

Sa femme, elle, l'avait séduit en pariant sur le succès d'un éléphant nommé Babar, avant de lancer, en 1945, un magazine qui a beaucoup œuvré pour le droit à l'avortement, l'avènement du prêt-à-porter et le sacre de Brigitte Bardot. C'était «Elle». Pour raconter les vies mêlées de Pierre et Hélène Lazareff, ces «voraces de l'existence», il fallait de l'estomac, et partager leur passion sans bornes pour l'information.

Ça tombe bien, ce n'est pas ce qui manque à Sophie Delassein, dont l'œil ne pétille jamais tant que lorsqu'elle vous parle d'une enquête en cours. Avec de tels personnages, qui ont employé des plumes comme KesselCocteau ou Saint-Exupéry, et chez qui se bousculaient MitterrandSaganPompidou et Juliette Gréco, sa biographie pourrait n'être qu'un art du name-dropping, et rester passionnante. En faisant défiler l'histoire du XXe siècle à l'arrière-plan de ces deux vies très peuplées, elle montre, remarquablement, que leurs trajectoires sont aussi une grande leçon de journalisme.

 

Grégoire Leménager

Chaque dimanche, entre la Libération et le début des années soixante-dix, Pierre et Hélène Lazareff recevaient le Tout-Paris des lettres et de la politique dans leur belle maison de Louveciennes. C’est là qu’on lançait Françoise Sagan ou que l’on organisait la chute d’un gouvernement ; c’est là que battait le cœur mondain de la France des « Trente Glorieuses » ; et c’est là que régnaient le directeur de France Soir et son épouse, directrice-fondatrice de Elle. Ce livre revisite, pour la première fois, l’histoire de ce couple légendaire et libre. De Paris à New York, de la Russie à Louveciennes, on suivra ainsi l’épopée tumultueuse de cet homme et de cette femme, de leurs amours agitées, de leur passion pour un journalisme qu’ils vont, chacun dans son style, réinventer… Vie privée, vie publique, vie politique se mêlent alors dans une ambiance électrique. On y entend l’actualité qui vibre et les rotatives qui tournent… Dans cette anatomie professionnelle et sentimentale d’un couple, Sophie Delassein retrace un double parcours hors normes. Elle y ressuscite surtout deux amoureux qui se voussoyaient, qui se quittèrent souvent tout en se retrouvant, et dont le destin reste indissociable de celui de la presse moderne.

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