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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Yasmina Khadra : Ce que le jour doit à la nuit...

Si tu veux faire de ta vie un maillon d'éternité et rester lucide jusque dans le coeur du délire, aime ... Aime de toutes tes forces, aime comme si tu ne savais rien faire d'autre, aime à rendre jaloux les princes et les dieux .. car c'est en l'amour que toute laideur se découvre une beauté.

Algérie, années 1930. Les champs de blés frissonnent. Dans trois jours, les moissons, le salut. Mais une triste nuit vient consumer l'espoir. Le feu. Les cendres. Pour la première fois, le jeune Younes voit pleurer son père.

Confié à un oncle pharmacien, dans un village de l'Oranais, le jeune garçon s'intègre à la communauté pied-noire. Noue des amitiés indissolubles. Et le bonheur s'appelle Émilie, une " princesse " que les jeunes gens se disputent. Alors que l'Algérie coloniale vit ses derniers feux, dans un déchaînement de violences, de déchirures et de trahisons, les ententes se disloquent. Femme ou pays, l'homme ne peut jamais oublier un amour d'enfance...

 

"Mon oncle me disait : "Si une femme t'aimait, et si tu avais la présence d'esprit de mesurer l'étendue de ce privilège, aucune divinité ne t'arriverait à la cheville."

Oran retenait son souffle en ce printemps 1962. La guerre engageait ses dernières folies. Je cherchais Emilie. J'avais peur pour elle. J'avais besoin d'elle. Je l'aimais et je revenais le lui prouver. Je me sentais en mesure de braver les ouragans, les tonnerres, l'ensemble des anathèmes et les misères du monde entier."

Yasmina Khadra nous offre ici un grand roman de l'Algérie coloniale (entre 1936 et 1962) - une Algérie torrentielle, passionnée et douloureuse - et éclaire d'un nouveau jour, dans une langue splendide et avec la générosité qu'on lui connaît, la dislocation atroce de deux communautés amoureuses d'un même pays.

Salué dans le monde entier comme un écrivain majeur, Yasrnina Khadra est l’auteur, entre autres, de À quoi rêvent les loups, Les Hirondelles de Kaboul, L’Attentat (Prix des libraires 2006) et Les Sirènes de Bagdad. Son Œuvre est traduite dans trente-quatre pays. L’Attentat est en cours d’adaptation à Hollywood, et les Hirondelles de Kaboul sera porté prochainement à l’écran par le cinéma français.

Extraits

"Je me sentais seul.
Je pensais à relancer de façon concrète les recherches pour retrouver ma mère et ma soeur. Dieu ! qu'elles me manquaient ! J'étais infirme, sans elles, et inconsolable. Il m'était arrivé, au gré des conjonctures, de retourner à Jenana Jato dans l'espoir de forcer une bribe d'information susceptible de m'orienter. Là encore, je me trompai de distances. L'heure était à la survie. Aux priorités. Aux furies en gestation. Qui se souviendrait d'une misérable femme flanquée d'une fille handicapée ? Les gens n'avaient pas que ça à faire. Il y avait trop de monde qui débarquait nuit et jour, à Jenane Jato. Le coupe-gorge de naguère, tapi derrière les broussailles et les huttes, se muait en vrai quartier, avec ses ruelles tapageuses, ses charretiers acrimonieux, ses boutiquiers sur leurs gardes, ses hammams pleins à craquer, ses chaussées asphaltées et ses échoppes tabagiques."

"J’ai énormément aimé cet homme. Aussi loin qu’il m’en souvienne, au plus profond des convictions du vieillard que je suis devenu, aucun être ne m’a renvoyé ; avec une aussi splendide clarté, ce que j’estime être la plus accomplie des maturités : le 𝑑𝑖𝑠𝑐𝑒𝑟𝑛𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 - cette valeur, si orpheline de nos jours, qui grandissait mon peuple du temps où l’on ne donnait pas cher de sa peau."

"Nous sommes seuls au monde. Nous nous serrons très fort, comme autrefois nous serrions à bras-le-corps nos songes, persuadés qu'au moindre relâchement ils nous échapperaient. Nos carcasses usées jusqu'à la moelle se soutiennent, se maintiennent debout dans la tornade de nos gémissements. Nous ne sommes plus que deux fibres à vif, deux fils électriques dénudés menaçant de se court-circuiter, deux vieux mioches subitement livrés à eux-mêmes et qui sanglotent sans retenue devant des inconnus."

"Je tourne en rond autour d'un abîme, funambule sur le fil du rasoir, volcanologue halluciné au bord d'un cratère en ébullition ; je suis aux portes de la mémoire, ces infinies bobines de rushes qui nous archivent, ces grands tiroirs obscurs où sont stockés les héros ordinaires que nous avons été, les mythes camusiens que nous n'avons pas su incarner, enfin les acteurs et les figurants que nous fûmes tour à tour, géniaux et grotesques, beaux et monstrueux, ployés sous le fardeau de nos petite lâchetés, de nos faits d'armes, de nos mensonges, de nos aveux, de nos serments et nos abjurations, de nos bravoures et nos défections, de nos certitudes et nos doutes ; bref, de nos indomptables illusions ...."

 

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