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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Le beau Serge... Ma toute première passion platonique...

J'aime les passions longues et qui traversent patiemment et en droite ligne tous les courants de la vie, comme de bons nageurs, sans dévier.
Flaubert, Correspondance (mai 1853).

Je viens de découvrir ce jour que ses deux filles, Cécile et Agathe, ont consacré une page Facebook au talent de leurs parents....

Serge a été mon pygmalion, mon mentor...

Ma première passion platonique...

Retour sur les années 70...

 

On était début octobre 1971…

Paris connaissait sa plus grande grève des transports publics de tous les temps…

Nous étions tellement jeunes mariés.

Nous habitions au 9, rue du Puits de l’Ermite, Paris Ve. Oui, la rue de la mosquée. Près de la place Monge. A deux pas de la rue Mouffetard.

Un mini studio tout blanc au premier étage. Avec une jolie cheminée et des étagères bibliothèques.

Nous dormions sur un convertible.

Je cuisinais dans une kitchenette cachée dans un placard.

Chaque matin, nous étions réveillés par les rires des employés du bougnat Marcillac dont le petit entrepôt de boulets Bernot se trouvait juste en-dessous notre studio.

Mon Langellier avait trouvé son premier travail parisien dans une imprimerie rue Jean-Jacques Rousseau dans les halles.

J’avais décroché un très bon job à l’agence de pub Publicis Conseil.

Si ce n’était pas le bonheur, ça lui ressemblait sacrément !

Et puis…

Et puis il y eut cette grève des transports.

Chaque matin, je prenais le métro à Place Monge direction Etoile.

Le premier jour, je suis partie à pied.

Et, comme toutes les autres, j’ai fait du stop Rue de Rivoli.

Un homme s’est arrêté.

Et il m’a véhiculée jusqu’à l’Etoile.

Etais-je jolie ?

Sans doute.

Mais j’avais surtout beaucoup de charme, le reste de l’histoire va le prouver.

Nous étions en vue de l’Arc de Triomphe quand l’homme m’a proposé de me véhiculer dans le sens inverse le soir même.

Rendez-vous au Drugstore.

J’étais toute fière de mon exploit !

Aussi quand Jean Cailloux, le directeur du personnel pour lequel je bossais, m’a demandé comment j’avais pu venir…

Je lui ai raconté l’auto-stop. L’homme. Qui m’avait comparée à Albertine Sarrazin.

Jean cligna des yeux et appela son chef du personnel.

« Sur nos 750 collaborateurs, nous devons bien compter quelques voisins de Liliane. »

La phrase de Grapotte résonne encore à mes oreilles : «Je vous ai trouvé un bon père, bon époux ! »

Oui, un directeur artistique qui habitait près de chez moi !

Il l’avait joint aussitôt et j’étais priée de faire de même.

Ce que je fis.

L’homme me demanda de monter jusqu’à son bureau pour qu’il puisse me reconnaître place Monge le lendemain matin.

Ce que je fis derechef.

Le bureau était immense.

Il y avait une foule d’assistants dessinateurs (parmi lesquels Jean-Baptiste Mondino, si, si…) et, de l’autre côté du bureau, de l’autre côté du bureau un homme, une pipe à la bouche, les santiags négligemment posées sur son bureau.

Il se dégageait beaucoup de prétention de ce spectacle.

Je le détestais au premier coup d’œil.

Un Charles Bronson relookée par la Western House.

Mais j’acceptais le rendez-vous du lendemain matin.

Je me souviens très exactement comment j’étais vêtue.

Une jupe longue noire, un petit corsage roumain rebrodé de coton bleu caché par un long gilet noir. Avec des petites chaussures subtilement rétro.

J’avais, à l’époque, la chance de pouvoir racheter les vêtements très mode de Françoise, une vendeuse de chez MG Store, un des magasins mode de la rue Bonaparte. La meilleure amie de Chouket.

En rachetant ses fringues, j’étais tombée amoureuse de son parfum d’Estée Lauder « Youth Dew ». Et je ne jurais que par lui.

Ce qui fit dire, plus tard, à Jean-Pierre Charton que je sentais le placard américain...

Peu gracieux et même un tantinet bourru, l’homme me demanda de le suivre jusqu’à son garage.

Une Mercédès noire nous y attendait.

LA voiture de Pierrot Le Fou !

Nous avons pris la voie sur berges.

Il me fit rire.

Et je riais.

« Quand tu ris, on dirait les battement d’ailes d’oiseaux qui s’envolent… »

Il avait 42 ans. J’en avais 24.

Il était l’un des directeurs artistiques le plus « in » de l’agence.

Il a pris son temps.

Il a pris le temps de m’apprivoiser.

A la nouvelle année 1972, chaque service de l’agence recevait une somme d’argent pour organiser un pot. Et chaque collaborateur avait le droit d’inviter deux autres collaborateurs hors service.

Je déclinais le nom de Serge et celui de son rédacteur Jean-François Poussard.

Mes bonnes copines du service du Personnel ont bien rigolé ! Jamais deux hommes du service Création n’accepteront de se mêler à des employés d’un service administratif.

Et c’est le contraire qui se produisit.

Quand Serge me regardait, j’avais l’impression que mon corps rentrait sous terre.

Quand il passait devant moi à la cantine, je cessais de manger. L’un de mes copains, Jean-Michel, déclara, malin : « La première fois qu’il passe tu cesses de manger, la seconde, tu vomis, c’est ça ? »

Je ne connaissais aucuns des symptômes de la passion.

J’étais très amoureuse de mon mari.

Et il n’y avait aucune place pour autre chose.

C’est du moins ce que je me disais.

L’été 1972, nous passâmes nos vacances à La Louise avec nos cousins et ce fut fort joyeux.

Mais chaque fois que je croisais cet homme et son regard, le ventre me montait à la bouche.

Puis il y eut l’incendie de l’agence, le 27 septembre 1972.

J’étais à la terrasse du Pub Winston et je notais les noms des collaborateurs. Tous nos dossiers avaient brûlé.

Serge se fraya un passage dans la foule et ne manqua pas de se faire remarquer.

C’est vrai que j’étais différente. Très différente dans ma petite veste de chez Marithé et François Girbaud en velours côtelé bleue marine. Au col subtilement relevé.

Le comité d’entreprise de l’agence nous proposa un week-end à Londres pour la modique somme de 100 Francs par personne. Nous nous y sommes précipités. Avec mon meilleur ami Philippe. Un fort beau brun.

Jean-François Poussard le remarqua et le dragua avec succès.

Quand ils arrivèrent le premier matin pour le breakfast, je venais de comprendre l’homosexualité de Philippe.

Serge me raconta, longtemps après, qu’il avait été persuadé que j’étais la maîtresse de Poussard. Et que cela l’avait beaucoup contrarié.

On ne prête qu’aux riches…

Il m’avoua qu’avec mon physique sensuel à la « Ginette Leclerc », j’appartenais à la série des sorcières rousses…

Celle que l’on brûle car elles sont trop sensuelles et qu’elles respirent le sexe (sic).

Septembre/Octobre 1972.

Je venais de découvrir dans ce week-end chez les Brits la jolie famille de Serge : sa femme et ses deux filles.

J’ai mis alors toute mon intelligence pour enquêter sur lui.

Je savais qu’il était peintre du dimanche.

Avec son look tourmenté, je l’imaginais peindre des marines avec des quantités de bateaux échoués.

Quelle ne fut pas ma surprise quand j’ai finalement découvert que Serge peignait naïf !

L’été 1973, ce fut Plestin-les-Grèves avec le cousin avocat.

Serge pensa illico que Poussard était du voyage. Poussard devait en jouer auprès de lui…

Et puis, et puis arriva l’année 1974.

Mon Langellier avait intégré une imprimerie en autogestion « Ere Nouvelle ». Un creuset de la nouvelle Typographie. Avec Gérard Blanchard.

Il était devenu responsable de nuit. Et nous nous croisions juste une heure le soir au studio.

Je déjeunais tous les midis dans un petit café près de l’agence, « Le Newton » où se croisaient les collaborateurs de Publicis et les photographes de l’agence Gamma, juste à côté. Depardon, Marie-Laure de Daecker, Francolon, Simon...

Serge y venait avec de jolies filles. Et je le méprisais encore un peu plus chaque jour. Le traitant mentalement de frimeur et de dragueur à la petite semaine.

C’est en ce début juin 1974 que je tombais de mes hauts talons compensés en sortant du restaurant Bigard à Chaudon. Bilan : double entorse.

C'est à l'Ascension 1974 que l'on m'oublia sur une chaise-longue dans le jardin de Chaudon et que j'ai bronzé rouge avec mes premiers coups de soleil !

C’est en ce début juin 1974 que Jean Cailloux décida de demander à Serge de conduire notre voiture Coccinelle pour que je puisse assumer mon job auprès de lui.

Je me souviens encore de la voix de Serge qui m’avait jointe à la boutique de fleurs de mes parents : « Il a quoi ce mec ? Il est fou de vous ??? »

De son côté, mon Langellier l’avait croisé et il était tombé illico sous le charme.

L'ange lié. Le premier dessin offert par Serge de Filippi...

 

Le premier matin où il a conduit ma voiture, j’ai vomi dans ma salle de bains avant de sortir..

Trop d’émotions.

Je ne savais toujours pas ce dont je souffrais.

Qui déclencha l’invitation au Petit Journal pour aller écouter des groupes de jazz. Est-ce que ce fut Jean Cailloux ou Serge, je ne sais plus.

Mais je me vois encore entre les deux hommes.

Tachycardie à tous les étages.

Serge avait bien compris que j’étais seule le soir. Sa famille était en vacances.

Il m'a offert ma toute première litho : La Louise.

Alors se produisit ce qui devait se produire.

Je l’invitais à diner au studio.

Mon Langellier m’avait poussé à le faire, déclarant que « j’étais trop sauvage ».

Si je fus émue dans cette soirée, il le fut aussi.

Je passais et repassais un disque de Billie Holiday « the man I love ».

J’étais très bronzée et je portais une longue tunique hippie blanche rebrodée de bleu. Sur un pantalon blanc.

Le diner se déroula sans encombre.

Et puis, au moment de partir, Serge m’a pris dans ses bras et m’a longuement embrassée.

Et il était doué le bougre !

Quel baiser !

Et ce fut tout.

Le lendemain matin, je me suis trompée dans mes flacons de beauté et j’ai enduit mes cheveux de monoï !!!

Je portais une longue robe mexicaine bleu dur avec des sandales assorties en cuir marron.

Je ne savais plus où j’en étais.

J’étais terrorisée.

Cet été 1974, nous sommes descendus à Collioure.

J’étais tellement triste. La sœur de maman, ma tante Germaine, qui était toujours chez nous, venait de mourir à l’asile de fous de Villejuif.

Seuls les déjeuners avec mes potes photographes et avec Serge me calmaient.

Francolon me taquinait régulièrement : « Tu attends encore ton Gabin ??? On peut pas s’asseoir !!!»

A l’automne, j’étais jolie. J’avais minci. Je faisais coiffer mes cheveux rebelles par Maniatis. Et j’avais toujours ce petit air perdu qui plaisait tant aux hommes.

Alors Serge a décidé de m’inviter ailleurs.

Ce fut la cantine russe sous le musée du Trocadéro.

Je me vois encore… Gros ceinturon sur une tunique mexicaine rebrodée de rouge, jeans serré, chaussure compensées bleu dur.

J’étais folle de joie. Je n’avais toujours pas compris que j’étais folle de lui.

Ce qui comptait c’est que je progressais. En jazz. En peinture.

Serge avait été grand prix de Rome pour une sculpture aux Beaux-Arts de Paris : « Hercule au jardin des Hespérides ».

Il avait connu la folle époque de l’après guerre à Saint Germain des Prés. Le Tabou. Les zazous. Les existentialistes.

Je devins incollable sur cette période.

Il aimait plus que tout le cinéma américain des années 40. Je devins incollable également.

Autour de moi, ça commençait à jaser sec.

Ma belle-sœur aînée déclara haut et fort que je trompais mon mari avec un peintre naïf.

Mes collègues de Publicis passaient leur temps à plaindre « mon pauvre mari ».

Je planais.

Et moi je savais bien que je ne le trompais pas.

Mais qu’est-ce que « tromper » ???

Pour Noël 1974, Serge me demanda ce que je désirais comme cadeau. La réponse fusa rapidement  : « Une visite avec toi comme guide au Musée Marmottan ».

Pour l’unique fois de ma vie, j’ai séché mon job un après-midi entier.

Et juste ce soir là mon boss Jean Cailloux et sa femme dinaient avec nous chez Serge.

J'étais plus qu'embarrassée...

Le genre de situation qu’il aimait par-dessus tout.

L’été 1975, je demandais à Langellier de m’emmener à Coutainville. Là où Serge et sa famille passaient leurs vacances.

Que de belles découvertes en suivant les côtes à vélo. Et quel enchantement d’être sur les terres qu’il aimait.

Nous étions devenus très proches de la famille de Serge. Nous dînions souvent chez eux. Ou à l’extérieur avec eux.

Leurs deux filles étaient inattendues et pleines de vie.

Je me rapprochais d’Agathe, la cadette.

Toute la famille peignait ou dessinait.

Agathe avait 14 ans et je la sortais souvent.

Quand je n’acceptais pas de diner chez lui, Serge joignait alors mon mari qui acceptait de son côté.

Pas une semaine sans que nous sortions les uns avec les autres.

J’étais comblée.

Mais je découvrais peu à peu que Serge était un vrai cavaleur. Entre le week-end à New-York avec la dessinatrice Claire Bretécher, la jolie voisine du dessous styliste à Marie-Claire, l’ex rédactrice conceptrice avec son château dans la Manche… il était à la tête d’un joyeux cheptel. Qu’il me faisait découvrir peu à peu.

J’aimais mon mari et j’aimais aussi mon pygmalion.

Et puis je fis la connaissance de sa maman. Une adorable vieille dame d’origine italienne que la femme et les filles de Serge rejetaient.

Allez savoir pourquoi cette femme me prit en amitié.

Elle habitait Nice.

Je ne connaissais pas Nice.

Alors Serge, au bout d’arguments, me demanda si je voulais l’accompagner à son prochain voyage. Langellier était d’accord et nous devions descendre en train.

Alors  là…

Alors là, j’ai invité mon mari à diner et je lui ai raconté le plus délicatement possible l’histoire de Serge… Et de moi…

Et le danger réel qui existait à nous laisser passer un week-end ensemble.

Langellier avait du mal à redescendre : « Mais il pourrait être mon père… Il n’est plus jeune ! »

Et puis, surtout il l’admirait, Serge, et il en avait fait sans problèmes un second papa. Beaucoup plus ouvert et beaucoup plus cultivé, celui-là.

Arriva l’année 1976.

Nous quittâmes la rue du Puits de l’Ermite pour un joli trois pièces au 5ème étage du 20 rue Larrey.

Serge apprit à mon Langellier comment bâtir une bibliothèque dans le couloir. Il alla jusqu’à me construire un bar dans notre cuisine.

Nous organisions des brunchs le dimanche. Tout roulait.

Mais…

Nous devions fêter les 50 ans de Publicis Conseil. Fondée en 1926 par Marcel Bleustein-Blanchet.

Et dont, après l’incendie ravageur, il ne restait que la porte.

A Publicis Conseil, les hôtesses du rez-de-chaussée étaient canon !

Comme l’agence était une société moderne, si les filles étaient assez malines, elles pouvaient rapidement se faire muter dans un job plus glorifiant.

L’une d’entre elles, cet été-là, Véronique, était un très beau specimen.

Longue, blonde, douce, conne, tout ce qui faisait rêver les hommes.

Et Serge rêva.

Mais la loustique était maline.

Après force manœuvres, elle réussit à intégrer l’équipe de Serge comme rédactrice débutante.

La suite se devine sans peine.

Sauf que justement, cet été-là, l’aînée des filles de Serge, Cécile, était stagiaire auprès de son père.

Aussi à cette fameuse fête de Publicis Conseil, dans l’orangerie du château de Versailles, Serge qui avait un peu bu, s’éclipsa avec la donzelle.

Son grand ami Moisan vint me prévenir illico dès fois que ça me fasse du mal…

Je n’allais pas reprocher à Serge de trouver auprès d’une autre femme, libre et divorcée, de trouver ce qu’il n’avait pas trouvé auprès de moi…

Mais je pensais immédiatement à la petite Cécile, qui, près de moi, avait entendu ce lourdingue de Moisan.

La suite fut catastrophique…

Le malheureux Serge s’embourba dans l’histoire. Faillit quitter femme et filles. Mais finit par rompre, ce qui lui valut un joli petit chantage au suicide par la blondasse.

Il me racontait tout.

Il était toujours aussi proche de moi, et « à moi » il pouvait tout dire.

Ce fameux été 76, nous sommes allés passer une semaine dans la maison de location de Serge à Coutainville.

Devant mon Langellier, il décocha : « Il y a deux sortes de maîtresses, celles qu’on montre et celles qu’on cache ».

J’avais immédiatement compris dans quelle catégorie il me rangeait.

Mais il m’avait déjà tant appris que je pouvais commencer à voler de mes propres ailes. Sans lui.

En 1978, je me souviens encore d’un merveilleux week-end de Pâques à Coutain’. Nous étions une dizaine. Morice Chorenslup de Western House avait apporté son projecteur et une jolie collection de films ricains.

Que du bonheur entre l’orgie d’huîtres et de crabes juste avant la projection très privée de « A star is born ».

Serge avait retapé une vieille jeep du débarquement. LE véhicule pour se balader sur les plages de la Manche.

Et puis voilà que l’été 1978, le Club Med ouvrit ses villages aux comités d’entreprises. 1.500 Francs les 15 jours au Maroc. Nous signâmes sans problèmes.

Mais ça, Serge ne me le pardonna pas.

Pour lui, j’avais rompu le pacte.

Je m’étais abaissée à ses yeux pour aller me vautrer dans le Temple de la Luxure.

Pourtant, le Club Med, c’est bien l’auberge espagnole, on y trouve ce qu’on y amène !

Pourtant, que n’ai-je longuement pensé à lui quand je suis allée à Venise ce Noël-là  !

J’avais toutes ses adresses.

Son peintre préféré Vittore Carpaccio était devenu le mien…

Nous sommes descendus dans l’hôtel même où il descendait !

Ce voyage nous avait un peu rapprochés.

Mais le Club Med…

Serge m’avait ouvert les yeux sur les beautés de la peinture. Il m’avait ouvert les oreilles sur les complaintes du blues.

Il était subitement devenu un peu aigri. Me soupçonnant d’avoir des amants cachés.

Pendant neuf longues années, nous ne nous sommes quasiment pas vus.

L’été 1985, pendant mon stay à New-York, j’ai eu, au tout début, très peur de la ville. Nous avions marché jusqu’à Washington Square (Là où fut tourné «Panique à  Needle Parlk»). Et là, j’avais découvert les camés échangeant leur came. J’étais pétrifiée de trouille.

Je voulais repartir aussitôt.

Et, là, mon Langellier a eu une idée de génie : "Nous ne devons pas être très loin de la galerie new-yorkaise de Serge." Oui, on pouvait marcher jusqu’à la galerie du 172 Prince Street.

La vue des toiles exposées de Serge m’a requinquée derechef….

Et puis, mon Langellier est passé de l’autre côté du miroir.

La femme de Serge m’a écrit.

J’ai répondu.

C’était reparti.

Sauf que, là, j’étais belle et bien disponible.

Sauf que là le beau Serge avait 16 ans de plus que le premier jour de notre première rencontre.

Il n’avait pas changé.

Je les ai invités à dîner. Avec le baron, d’abord, et ils se sont fricotés pour savoir qui des deux m’avait initiée à Billie Holiday.

Je les ai rassurées en leur précisant que je l’avais découverte toute seule par un 33 tours abandonné par mon beau-frère Jean-Pierre lors de son départ pour le Laos.

Je les ai invités à dîner avec Dick Rivers. Serge était fils d’un boulanger niçois et Dickou était fils d’un boucher charcutier niçois. Une vraie rencontre !

Je les ai aussi invités lors de ma party d’adieu à la rue de Braque.

Là, Serge s’est montré odieux.

Il m’a pris à part pour m’asséner : « Tu les vaux tous, tu m’entends ! Tu es plus intelligente que tous ces petits journaleux qui t'entourent ! »

J’ai dormi chez eux le soir de mon déménagement car mon lit était resté dans le camion des déménageurs.

Sa fille Agathe m’avait trouvé à acheter un ravissant petit appartement dans le 13ème arrondissement. Un vrai petit brownie new-yorkais.

Pour la remercier, plutôt que de la payer, je décidais de l’emmener avec moi à Los Angeles.

Serge m’a offert une très jolie peinture sur bois pour ma nouvelle demeure : une grange du Vermont à l’automne avec ce titre « Lily’s barn ».

A peu près à la même époque…

Je commençais à succomber peu à peu aux charmes de Dufreigne.

Nouveau job. Nouvel appartement. Nouveau pygmalion.

Et ça, ça ne l’a pas fait du tout.

Il était battu sur son propre terrain : celui de mon admiration inconditionnelle.

Les crises de jalousie ont succédé aux crises de jalousie.

Et j’ai décidé de ne plus le voir.

Gros au cœur.

.............

Bien plus tard…

J’ai appris par le plus grand des hasards que Serge était aussi parti de l’autre côté du miroir…

Etait-ce l’été 2006 ???

Pour moi, il est toujours là.

Le beau Serge...

Trois de ses œuvres sont suspendues aux murs de mon petit appartement. New-York, Coutainville et Lily’s barn.

Ainsi, je le sens toujours là et parfois je rêve de lui…

En couleurs naïves, bien entendu.

Liliane Langellier

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