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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

18 avril 1904. Naissance du journal l'Humanité.

C’est par des informations étendues et exactes que nous voudrions donner à toutes les intelligences libres le moyen de comprendre et de juger elles-mêmes les événements du monde.
Jean Jaurès.

C'était le journal de mon grand-père communiste Auguste Courtois...

Pour parler de sa création...

Je suis allée sur le site du journal.

Quoi de mieux ?

Bonne lecture.

Liliane Langellier

 

Dans son premier numéro, les lecteurs découvrent l’organigramme et les objectifs que se fixe ce nouveau venu dans le paysage de la presse quotidienne nationale.

Le premier numéro de l’Humanité paraît le 18 avril 1904. D’après le bulletin météorologique publié en troisième page, un « temps assez doux et à ondées est probable » ce lundi. Le ciel jusqu’alors couvert semble se dégager.

Une lecture attentive de ce premier numéro disponible en kiosque nous apprend beaucoup de choses sur ce nouveau « journal socialiste quotidien », comme le précise le sous-titre de l’Humanité. « Ce journal est composé par une équipe d’ouvriers syndiqués », est-il indiqué en dernière page. La marque syndicale « Fédération du Livre – Paris – 21e section » en témoigne. Le journal est alors imprimé 8, rue du Sentier. Là-même où Mozart séjourna avec sa mère en 1778. La rédaction et l’administration de l’Humanité sont installées à 800 mètres de là, rue Richelieu. La plupart des journaux et des imprimeries cohabitent dans ce quartier du Croissant, non loin du bureau central de la grande poste de la rue du Louvre.

 

C’est Anatole France qui signe le feuilleton de la deuxième page

Dans la course contre la montre que mène la presse, cette proximité permet de recevoir plus rapidement encore les informations envoyées par télégramme. La rédaction du quotidien mise en avant dans la première page du journal se compose uniquement d’hommes, pour la plupart plus jeunes que Jean Jaurès. Certains sont des journalistes de métier, comme Michaël Py ou Paul Pottier. D’autres sont des intellectuels reconnus, comme l’écrivain Anatole France qui signe le feuilleton de la deuxième page. La plupart sont des militants, membres de l’un des partis socialistes existant alors – l’unité du mouvement socialiste se réalisera au printemps suivant –, à l’image de Léon Blum, en charge de la rubrique littéraire.

Une répartition idéale des tâches au sein de la rédaction est imaginée. Le premier nom avancé est celui du fondateur du quotidien socialiste. Jean Jaurès s’affirme « directeur politique », comme le rappelle chaque jour un bandeau situé sous le titre et le sous-titre du journal. Gustave Rouanet est officiellement chargé des éditoriaux. Gabriel Bertrand occupe le poste de « secrétaire de rédaction ». Cette tâche correspond aujourd’hui à celle du rédacteur en chef ou du directeur de rédaction. Comme le souligne Paul Lafargue, « le secrétaire de rédaction (est) le seul véritable responsable de la fabrication quotidienne du journal ; il doit être le premier au journal ; avant d’y arriver, il doit avoir parcouru tous les journaux pour savoir comment le journal doit être confectionné, et il faut qu’il ait une autorité sur toute l’équipe pour dire : vous, vous irez chercher des renseignements ; vous, vous interviewerez tel personnage. […] S’il arrive le premier, il doit partir le dernier et rester jusqu’à ce que le journal soit fait ; il faut qu’il ait lu toute la copie, toutes les dépêches, toutes les épreuves pour décider à la dernière minute ce qui doit être mis ou ce qui doit être écarté du journal ».

Le détail de la composition de chacune des rubriques est également donné. Citons par ordre d’importance en nombre de rédacteurs : la rubrique économique et sociale, qui en compte sept ; la rubrique politique, six ; la rubrique de politique étrangère, cinq (auxquels s’ajoutent des correspondants à l’étranger) ; la rubrique des informations générales, quatre.

Le journal annonce un nombre particulièrement important de « collaborateurs littéraires ». Au total, la participation de quinze personnes est annoncée, signe de l’importance des questions culturelles dans la presse française à l’époque, y compris dans un journal du mouvement ouvrier.

Nous ne pouvons ajouter à la première rédaction que le nom de son premier gérant, Léon Guyon, glané en quatrième page.

 

Dans son premier éditorial, Jean Jaurès signe un véritable manifeste du journalisme, qui mérite par ailleurs d’être lu dans son intégralité, y compris aujourd’hui. Jean Jaurès affirme sa volonté de créer un journal qui soit « en communication constante avec tout le mouvement ouvrier, syndical et coopératif » et non pas l’organe officiel du Parti socialiste français (PSF) dont il est membre. Il indique par avance qu’il sera « heureux d’accueillir ici toutes les communications où se manifestera la vie ouvrière ». Ce nouveau journal quotidien aspire à seconder « de son mieux tous les efforts de groupement syndical et coopératif du prolétariat ». Jean Jaurès prône clairement l’ouverture du journal en direction des autres forces organisées du mouvement social, comme les syndicats ou les coopératives et au-delà. « Ainsi la largeur même et le mouvement de la vie nous mettront en garde contre toute tentation sectaire et esprit de coterie. »

 

Dans l’Humanité du 18 avril 1904 :

« […] C’est par des informations étendues et exactes que nous voudrions donner à toutes les intelligences libres le moyen de comprendre et de juger elles-mêmes les événements du monde. La grande cause socialiste et prolétarienne n’a besoin ni du mensonge, ni du demi-mensonge, ni des informations tendancieuses, ni des nouvelles forcées ou tronquées, ni des procédés obliques ou calomnieux. Elle n’a besoin ni qu’on diminue et rabaisse injustement les adversaires, ni qu’on mutile les faits. Il n’y a que les classes en décadence qui ont peur de toute la vérité : et je voudrais que la démocratie socialiste, unie à nous de cœur et de pensée, fût fière bientôt de constater avec nous que tous les partis et toutes les classes sont obligés de reconnaître la loyauté de nos comptes rendus, la sûreté de nos renseignements, l’exactitude contrôlée de nos correspondances […]. »

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