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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

1er Septembre 1939. Le rendez-vous raté du premier Festival de Cannes...

Alors que s'ouvre ce soir la 75e édition du Festival de Cannes...

Retour sur 1939 : l'été de tous les dangers...

 

Le 1er septembre 1939, devait s’ouvrir le premier Festival international du film de Cannes initié par l’Orléanais Jean Zay, alors ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts. Ce rendez-vous cinématographique de tout premier plan avait été conçu comme une réponse à la fois culturelle et diplomatique des «nations libres» à la Mostra de Venise dont la programmation était devenue un outil de propagande fasciste. Ainsi, la genèse du festival de Cannes tient en ces deux dimensions indissociables : la célébration joyeuse et populaire du cinéma mondial et l’affirmation militante de valeurs culturelles et démocratiques opposées aux dictatures naissantes.

Malgré l’urgence de l’organisation de ce premier festival, les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’URSS, la Tchécoslovaquie, la Belgique, la Suède, les Pays-Bas, ou encore la Pologne envoyèrent leurs films sélectionnés —dix-sept pour les seuls États-Unis dont Seuls les anges ont des ailes de Howard Hawks, Mister Smith au Sénat de Frank Capra, Le Magicien d’Oz de Victor Flemming, Pacific Express de Cecil B. De Mille— tandis que des délégations d’acteurs prestigieux étaient pressenties pour les représenter. Un paquebot affrété par la Metro-Goldwyn-Mayer devait ainsi croiser au large de Cannes avec à son bord Gary Cooper, Cary Grant, Tyrone Power, Norma Shearer ou encore Spencer Tracy.

Seulement, le 1er septembre 1939, le clap de fin s’est abattu brutalement sur un festival en pleine préparation avec l’entrée des troupes allemandes en Pologne.

Lire ci-dessous l'interview de Jean ZAY, ministre de l’Éducation nationale et président du festival international du film à Cannes. Il explique la manière dont il envisage cette nouvelle manifestation : il ne s'agit pas de remplacer la biennale de Venise, ni d'imiter quoi que ce soit ; l'aspect international de ce festival de par le mode d'attribution du Grand Prix et la composition du jury ; la présidence d'honneur proposée à Louis Lumière ; la volonté de la France d'encourager l'art cinématographique sous toutes ses formes ; le festival se tiendra du 1er au 20 septembre 1939 ; Cannes se fait un honneur de recevoir les participants ; les préparatifs en cours dans le Casino ; il brosse le programme des festivités annexes.

 

 

Ce passionnant documentaire de Julien Ouguergouz revient sur la genèse d’un festival créé pour concurrencer la Mostra de Venise.

Il y a dans ce remarquable documentaire une séquence qui vaut bien un film. Le soir du 22 août 1939 au Palm Beach, à quelques jours d’une première édition cannoise bientôt avortée, une fête réunissant une pléiade de stars américaines bat son plein. Mais au même moment, le tonnerre se met à gronder. Juste avant que les premières gouttes ne s’écrasent sur les petits fours, l’assistance veut encore croire à un effet de mise en scène - les images d’archives capturent cette brusque irruption de la nature en forme de mauvais présage. Le lendemain, la presse annonce la signature du pacte germano-soviétique. La Seconde Guerre mondiale commence.

1946, la renaissance

Le festival est suspendu par son principal instigateur, Jean Zay, ministre de l’Education nationale et des Beaux-Arts du gouvernement Daladier. Il renaîtra en 1946. Un petit miracle puisque la manifestation fut imaginée en 1939 comme une réponse des pays démocrates à la menace fascisante qui avait gangrené un an plus tôt le palmarès de la Mostra de Venise, alors unique référence en matière de festival de cinéma. Sous l’impulsion de Goebbels, qui n’avait pas digéré le triomphe de « la Grande Illusion » de Renoir, Leni Riefenstahl remportait la distinction suprême avec « les Dieux du stade » (un documentaire était pourtant irrecevable en compétition officielle), ex aequo avec « Luciano Serra, pilote », un film de propagande italien produit par le fils de Mussolini.

Julien Ouguergouz retrace ces mois décisifs qui détermineront non seulement l’existence du festival mais aussi son ADN. Importance primordiale du cinéma américain (les studios hollywoodiens l’envisagent comme un moyen d’exporter leurs films en Europe), enjeu crucial du glamour et de la fête (les hôteliers locaux s’engagent à combler tout déficit éventuel) qui s’accommodent sans peine avec le contenu politique des films sélectionnés : « Toutes les bases sont là », résume Gilles Jacob, le plus célèbre des manitous cannois.

Le premier festival de Cannes n'a pas eu lieu, mais il a existé. Initialement prévue du 1er au 20 septembre 1939, la première édition du festival aurait dû se tenir sous la présidence effective de Jean Zay, ministre de l'Éducation Nationale du Front Populaire. En 1937, Adolf Hitler a été fortement contrarié par le palmarès de la Mostra de Venise qui n'avait récompensé aucun film allemand et qui avait osé attribuer un des prix du jury au film pacifiste de Jean Renoir La Grande Illusion. Depuis, le dictateur a décidé de s'entendre avec son homologue italien afin de dicter l'attribution des récompenses. C'est dans ce climat d'affrontement entre régimes fascistes et démocraties que l'idée du Festival de Cannes voit le jour. Au lendemain de la Mostra où Goebbels dicte le palmarès, l’organisation d’un festival des nations libres est envisagée. Ce projet paraît irréalisable et se heurte à la réticence du conseil des ministres. Pourquoi prendre le risque de froisser Hitler et Mussolini et de précipiter l’Europe dans la guerre ? Pour du Cinéma ? Tout cela n’est pas sérieux... Les accords de Munich viennent tout juste d’être signés et le gouvernement français se félicite d’avoir su préserver une paix fragile. La polémique interne enfle. De manière inattendue, une affaire proprement artistique devient un problème international. Néanmoins, le festival s’organise et la course à l‘armement culturel peut commencer. La croisette se remplit, les premières réceptions sont organisées. Mais au loin, l’orage de la guerre menace de venir gâcher la fête...

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20 septembre 1946 : Première édition du festival de Cannes :

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