19 Octobre 2023
L'été 1994...
Je fus la première journaliste à écrire sur Maurice Glédel.
Grâce aux souvenirs d'Etienne Petit, maire de Coulombs.
Qui m'a confié la précieuse photo de Maurice.
Mon article dans La République du Centre du 9 juillet 1994 :
Maurice Gledel. Un nom qui sonne comme un glas aux oreilles des habitants de Coulombs. Un nom que l'on évoque, yeux embués et gorge serrée. Un nom que l'on n'a pas le droit d'oublier. Et qui taraude les mémoires avec toutes ces cérémonies du cinquantenaire de la Libération.
Maurice est né le 18 octobre 1923, à Coulombs. D'un père d'origine bretonne et d'une mère autochtone. Il intègre l'école primaire de M. Guillon à la rentrée 1930. Intelligent, Maurice, et curieux de tout, il se trouve déjà à l'âge de 10 ans, dans la section du certificat d'études. A 15 ans, il est reçu premier au concours d'entrée de l'Ecole Normale d'Instituteurs de Chartres. Premier... Avec 20 en physique, chimie, sciences naturelles, mathématiques. Le jury du concours demande à rencontrer le futur élève instituteur. Après avoir obtenu son brevet supérieur, il est nommé à l'école du Boullay-Mivoie en 1942. Ce sera son seul poste.
Idéaliste, intègre et épris de liberté, Maurice Glédel abhorre les contraintes de l'Occupation. Homme d'action et de passion, il n'a qu'un choix : la Résistance. Il agira pendant deux ans, menant une lutte sourde et sans merci contre l'occupant. Il n'a guère de contacts avec la Résistance locale car son rôle est de fournir des renseignements à la Résistance nationale sur les mouvements de troupe et les systèmes de défense mis en place dans la région. Fin 1943, il décide de prendre un congé pour convenances personnelles afin de se consacrer uniquement à sa mission.
Le 12 août 1944, après avoir longuement discuté, en début d'après-midi, avec Etienne Petit et deux autres jeunes du village dans une grange de Chandelles, Maurice enfourche son vélo. Et moins de deux heures plus tard, c'est l'arrestation. Il porte un revolver sur lui. Celui de l'un de ses oncles, mort en Allemagne pendant la Première Guerre mondiale. Le motif est suffisant. Et les dés sont déjà pipés. Maurice a été dénoncé par dépit amoureux. Une fille de L'Aumône. Qui n'a jamais supporté l'amour de Glédel pour sa fiancée Raymonde. Torturé par les gestapistes de la division "Das Reich" qui occupaient les deux premières maisons de Villiers-le-Morhier, le cors méconnaissable de Maurice sera retrouvé au milieu de détritus, le long de la Drouette.
Maurice Glédel. Un nom qui sonne comme un glas aux oreilles des habitants de Coulombs. Un nom que l'on n'a pas le droit d'oublier. Pour l'éternité.
Il n'y a qu'une seule personne qui aurait pu nous raconter l'arrestation de Maurice Glédel : Lui-même. Trouble période que celle de la Libération. Qui rend muet ou trop bavard, selon. Trouble période où chagrin, douleur, pitié, haine, vengeance et honte sont si étroitement imbriqués que l'écheveau n'est pas prêt d'être démêlé. Une histoire bien gardée !
Restent encore les derniers témoins. Ceux qui acceptent de livrer ce coin déchiré de leur passé. Ainsi, Jean Antoine, résistant de Nogent-le-Roi, qui est l'un des derniers à avoir parlé avec Maurice : "C'était à Chandelles devant le 10 de la rue de Chandelette. Nous étions sortis pour que la grand-mère de Maurice n'entende pas. Il pouvait être 15 heures ou 15 h 30. Nous devions aller attaquer, dans la nuit, un convoi allemand qui passait sur la route de Chartres." Jean Antoine se souvient de tous ces résistants qui sont passés par Nogent, habillés de neuf par le maire de l'époque, Georges Lavigne, et fournis en cartes de pains et de viandes, par Glédel lui-même, qui les substituait à la mairie du Boullay-Mivoye, où il était instituteur.
Etienne Petit, maire de Coulombs, a le souvenir douloureux. Il rencontre le même jour Maurice Glédel. Dans une grange, face à la ferme de ses parents, un peu plus loin dans la grande rue de Chandelles, dans la direction de Villiers-le-Morhier. Avec lui, trois autres jeunes gens. Très jeunes : Jacques Glédel, Guy Delassau et Maurice Bideault. Maurice Glédel est passionné. Trop ! Il leur parle de rejoindre sous peu les bois de Bouglainval.
Il est heureux, Maurice, car il doit savoir que la victoire est proche. Une victoire qu'un sale tour du sort ne lui permettra pas de voir ! Et c'est là que les mémoires vacillent, que les dates s'entrechoquent.
On parle du 12 août et l'on écrit le 14 août. Dénoncé, Glédel l'avait été.
Mais son arrestation eut-elle lieu dans la dernière maison de la rue de Nogent-le-Roi qui porte aujourd'hui son nom ? A-t-il été embarqué dans une Traction noir par des S.S. en civil rue de Chandelette ? Ou a-t-il simplement subi un contrôle d'identité à l'entrée de Villiers-le-Morhier alors qu'il portait une arme sur lui ? Le seul fait historique véridique est qu'il fut emmené à "La Maison Blanche" de Villiers, là où se trouvait la division "Das Reich", celle d'Oradour. Et qu'il fut torturé à mort. Sans n'avoir jamais rien avoué, malgré les différentes confrontations avec d'autres résistants arrêtés comme lui. Maurice Glédel est mort comme il a vécu. Avec pour compagne, solitude et passion.
Liliane Langellier
1941-1942 à l'école de garçons de Nogent-le-Roi.
Sur la droite Maurice Glédel (avec des lunettes) qui effectuait un stage
pour sa formation de futur instituteur.
(Source : Roger Tempête)
Maurice Gledel à 17 ans.
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Les F.T.P.F. (Francs Tireurs et Partisans Français)
Les F.T.P.F. étaient l'organisme militaire du F.N. (Front National)
En Eure-et-Loir, les premiers groupes du Front National ne sont composés, dans leur grande majorité que par des militants communistes.
C'est d'ailleurs Paul Maertens, l'envoyé du Comité Central qui est à l'origine de la formation et de l'organisation des F.T.P.
Le premier groupe est organisé à Chartres. Il comprend les hommes de l'O.S. (...)
A l'approche de la Libération
Envoyés par l'Etat Major national aux évadés du Camp de Voves, des chefs F.T.P. arrivent en Eure-et-Loir au printemps 1944, (après la grande vague de répression de l'hiver 1943-44 qui a désarticulé le F.N.) avec pour mission de réorganiser le mouvement.
Malgré de nombreuses difficultés : groupes isolés, contacts perdus, manque d'armes, mais grâce au recrutement massif opéré auprès des réfractaires au S.T.O., les nouveaux cadres mettent au point une organisation puissante ainsi constituée :
Etat major départemental
- Commandant RALAUT (Fernand) - Chef départemental
- Capitaine BOURSIER (Germain) - Commissaire aux opérations militaires
- Capitaine DUMONT (Julien) - Commissaire technique
- Capitaine GAUDY (Maxime) - Responsables sécurité.
Secteur Ouest (Courville) - Lieutenant LEROI (Guy)
Secteur Nord (Dreux - Anet) - Lieutenant HILLIOU (Lucien)
Sous-Lieut. GLEDEL
Secteur Est (Auneau) - Lieutenant René LANGLOIS (Daniel)
Secteur Centre (Chartres) - Lieutenant COCAGNE.
Maurice GLEDEL - Instituteur au Boullay-Mivoye
Echo Républicain n° 586 du 14 septembre 1944
Arrêté le 12 août 1944 il fut torturé et assassiné à Villiers le Morhier. On ne retrouva son cadavre que 15 jours plus tard non loin du pays.
Echo Républicain n° 817 du 30 juin 1945
La cour de justice d'Eure-et-Loir a condamné Josiane AMIELLE à 20 ans de travaux forcés. Elle avait dénoncé M. GLEDEL.
(NDLR Josiane Amielle est née le 21 Mars 1926 à L'Aumône (Saint-Laurent-La-Gâtine) Eure-et-Loir. De Paul Amielle et Marthe Bourgeon (sources : recensement 1936 de L'Aumône)
Elle était à Bordeaux quand je l'ai jointe l'été 1994).
M. Maurice GLEDEL était chargé de service de renseignements pour la résistance (réseau F2)
Il a "cambriolé" la mairie dont il était le secrétaire pour se procurer des tickets et permit ainsi le ravitaillement des aviateurs américains cachés à Tournainville.
Arrêté, il faut sauvagement torturé (dents arrachées, fracture du crâne)
Décision n° 1312
Le Général de Gaulle, Président du Gouvernement provisoire de la République française, chef des Armées.
Cite à l'ordre de la Division
GLEDEL Maurice (F.F.C.)
"Agent d'un service de renseignements en territoire occupé par l'ennemi a fourni des précisions remarquables sur l'ordre de bataille ennemi ainsi que sur plusieurs terrains d'aviation.
Chargé de constituer un secteur dans sa région a déployé un zèle et une activité qui forçaient l'admiration de ses chefs. Bon esprit, très courageux, il avait sollicité un congé de son administration pour pouvoir continuer entièrement son travail d'officier de S.R. qu'il menait avec une parfaire compétence.
Arrêté le 14 août 1944 par les Allemands et torturé d'une façon effroyable, a résisté héroïquement à toutes les tentations pour le faire parler ; mis en présence d'agents arrêtés qu'il connaissait a nié les connaître, leur sauvant ainsi la vie.
Présumé mort des suites de ses blessures le 17 août."
Cette citation comporte l'attribution de la Croix de Guerre 1939 avec étoile d'argent.
Paris, le 10 novembre 1945
Le Général de Gaulle, Président du Gouvernement
provisoire de la République française, chef des Armées
P.O. Le Général Juin
Chef d'Etat-major Général de la Défense Nationale
Signé : Juin
in "L'Occupation et la Résistance en Eure-et-Loir" - Tome II
Centre Départemental de Documentation Pédagogique
Ce fascicule, réalisé par des Anciens Résistants d'Eure-et-Loir,
sous la direction de Raymond Debon,
annoté et complété par A. Ratz et A. Roumestand, professeurs d'Histoire,
est publié sous les auspices du Conseil Général d'Eure-et-Loir.
Lire aussi ci-dessous :
Josiane Amielle, la balance du Résistant Maurice Glédel...
Josiane Amielle, la balance du Résistant Maurice Glédel.... - Chez Jeannette Fleurs
La Maison-Blanche de Villiers-le-Morhier où fut torturé Maurice Glédel. Ce fameux été 1994... De commémoration du Cinquantenaire de la Libération dans notre canton. A été des plus troublé...
http://chez.jeannette.fleurs.over-blog.com/josiane-amielle-la-balance-du-resistant-maurice-gledel