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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Michel Chapet : Bombardements sur Coulombs. Souvenirs été 1944.

C'est encore un enregistrement des Ondes Buissonnières (Paulette et Roger Buisson, Croisilles)

Mais que c'est donc émouvant d'entendre la voix de Michel Chapet.

En ce 4 juillet 1994 (Cinquantenaire de la Libération).

A Michel, je lui ai déjà consacré deux articles.

Mais, comme dit l'adage "Abondance de biens ne nuit pas !"

J'ai aussi consacré un article aux bombardements du 12 Juillet 1944.

Vous pouvez lire tous mes articles sur Coulombs ici.

Je remercie ici M. Jean-Noël Marie, maire de Coulombs, conseiller général du canton de Nogent-le-Roi, pour avoir signalé mon blog sur sa page Facebook.

Alors...

On y va...

L'enregistrement commence par un extrait de Radio Londres.

Avec les célèbres 4 premières notes de la symphonie n° 5 de Ludwig van Beethoven.

Trois notes brèves suivies d'une longue.

Pom, pom, pom, poom !

Plaque commémorative du cimetière d'Asnelles.

Puis la voix de Michel Chapet :

"Souvenirs de l'été 1944 à Coulombs".

Depuis quatre ans, les belles maisons de Coulombs sont occupées par les soldats allemands. Nous sommes habitués aux bruits de bottes dans nos rues abandonnées, faute d'essence, par les automobiles françaises. 

Il y a des soldats allemands inoffensifs, qui pensent à leurs femmes et à leurs enfants restés Outre-Rhin, mais il y a souvent à Coulombs des régiments S.S., purs produits du Nazisme.

Malheur à vous si vous bavardez avec un copain sur le trottoir, vous gênez la promenade de trois soldats SS. Un bon coup d'épaules et la voix est libre pour les occupants.

Le soir, derrière les volets clos, bien camouflés, pour ne pas laisser filtrer la lumière, les consignes de défense passives sont strictes : la radio anglaise est écoutée discrètement. 

[Extrait sonore de Radio Londres avec quelques messages cryptés]

Au mois de février, le dépôt de munitions de Maintenon saute. La déflagration secoue nos portes et nos fenêtres.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, Maintenon est de nouveau bombardé.

Le 6 juin, le débarquement des troupes alliées, c'est l'espoir !

La progression des troupes américaines est suivie de très près en écoutant la Radio de Londres mais Radio Paris minimise la défaite allemande et couvre les Alliés d'injures.

[Extrait sonore de Radio-Paris avec la voix de Jean-Hérold Paquis]

Les hommes jeunes disparaissent progressivement de notre village. Les prisonniers sont derrière les barbelés depuis 4 ans. Les ouvriers sont requis pour aller travailler en Allemagne. D'autres, ne voulant pas y aller, sont partis se cacher dans une autre région.

Il reste des femmes, des hommes d'âge mûr, qui cultivent les champs et essayent de maintenir l'économie, et des malades.

Juin 1944, les grandes lignes sont bombardées.

On voit de Coulombs les explosions de la gare de Trappes. Sur le chemin du retour, un bombardier s'écrase à Chandelles, une vielle femme, mère de soldats tués à la Guerre de 1914/1918, dépose des fleurs sur le corps du soldat tué. Devant les Allemands impassibles.

Début juillet, pourquoi se tourmenter à Coulombs, le Front est encore loin, le pont du chemin de fer de notre petite ligne, personne ne pense qu'il sera un jour une cible...

Quelle grosse erreur !

[Extrait sonore de sirènes hurlant et de bombardements, puis Marche Funèbre de Frédéric Chopin]

Le 6 juillet, la ligne de Paris - Le Mans, est coupée au viaduc de Maintenon. Entre cette ville et Chartres.

Après 14 bombardements infructueux, de courageux Résistants font sauter le pont de Chérisy entre Dreux et Paris.

Lire sur ce blog : La véritable histoire du viaduc de Chérisy

Et, pour alimenter le Front de Normandie, des convois font Paris, Maintenon, Dreux et la Normandie par notre petite ligne.

A partir de ce moment, notre pont devient un point stratégique important. 

Le 7 juillet, vers 9 heures, 12 bombes - dont une non éclatée - tombent entre Coulombs et Chandelles dans les côtes au-dessus du passage à niveau.

Des dégâts au passage à niveau, au chemin creux et aux cultures.

Le 12 juillet, vers 20 heures, bombardement de la rue de Chandelles par trois pelotons de forteresses volantes, 12 bombes de 1000 kilos, la ferme Beslay situé au 31 actuel, la maison en face, Mme Couronne actuellement, et en allant vers le feu rouge les maisons Lethias, les dépendances de la ferme Beslay, ancienne auberge de La Bézetterie, les maisons Thureau, Buisson, Césaire, Fauveau, Couronne, en face deux maisons près de la Fabrique de Meubles, soit 14 maisons ou dépendances détruites et 11 sont endommagées.

Il y eut 4 morts : Mme Beslay dans sa ferme, Mmes Bonard et Mercier qui passaient dans la rue, M. Defrain, réfugié de Paris décèdera le 17 juillet.

Les petites filles de Mme Bonard furent blessées et traumatisées. Mme Lethias, blessée, sortit par le mur effondré de sa maison, le plafond fut retenu par une armoire.

7 autres personnes furent blessées. Plusieurs vaches furent tuées dans l'étable de la ferme Beslay, la rue était coupée par une bombe tombée en son milieu, le réseau téléphonique allemand était coupé, mais le pont était intact.

Le 14 juillet, à 21 heures, le pont fut de nouveau bombardé, une bombe tombe dessus, traverse et arrive dans l'Eure mais n'explose pas. Le pilote était sans doute trop bas, il ne peut redresser son appareil et s'écrase à Lormaye sur le café Malépart situé au carrefour de la rue de Verdun et de la rue du Péage, son nom figure sur la liste des victimes de Lormaye. Trois maisons ont été incendiées.

Le 18 juillet, à 17 h 45, nouveau bombardement. par 3 doubles-fuselages et 36 forteresses volantes. 120 bombes tombent sur notre village. La mairie-école et les maisons autour, Haranger, Coche, Brun (appelé Le Baptistère), où est actuellement la mairie, le presbytère, la Villa des Roses dans la rue des Remparts, l'église est ébranlée et les vitraux du XIXe siècle - qui étaient la fierté du curé Gâtineau qui avait tapé à toutes les portes pour les faire réaliser dans les années 1880/1888 - étaient détruits à jamais.

3 blessés dont M. Durand qui décèdera quelques jours après, M. Géraud, agent de l'EDF, enfoui dans sa maison la Villa des Roses. Beaucoup de gens sont à l'abri dans les caves de la Cavée de Houdan, ce qui explique le peu de victimes. Le pont est détruit. Les Allemands de l'Organisation Todt réquisitionnent des hommes valides pour les aider à le réparer. 

Le 25 juillet, à 11 h 30, pendant un combat aérien, entre 50 avions alliés et 15 chasseurs allemands, un avion se débarrasse de ses bombes qui tombent dans les bois de Chandelles et près de la ferme d'Heliot, provoquant un incendie et faisant 4 blessés : M. et Mme Hermier et deux ouvriers espagnols. 5 vaches et 1 cheval sont tués.

Le 7 août au soir, le pont de chemin de fer ayant été rétabli à la circulation, il est de nouveau bombardé. Les bombes tombent près du petit pont, dans la propriété Haranger, dans les jardins, et sur l'abattoir Pennel rue des Remparts et à côté du pont de la roue. Mais la ligne est intacte.

Le dimanche 10 août au matin, le dernier d'un groupe de 4 appareils à deux fuselages aperçoit dans la côte de Coulombs un convoi allemand, il fait demi-tour, suivi par les autres appareils et mitraille les camions. Plusieurs morts et blessés allemands mais aucunes victimes dans la population civile. A noter que sur les camions étaient peintes de superbes  croix rouges mais quand les camions brûlaient, on entendait les cartouches exploser. Les soldats allemands tués furent enterrés dans le bas du cimetière de Coulombs où ils restèrent plusieurs années avant d'être rapatriés. 

Les combats aériens se succèdent. Un avion tombe à Chandelles, le pilote ayant été blessé par balles. D'autres se débarrassent de leurs bombes qui tombent dans les jardins de La Ribordière et dans la rue de Chandelles. 

Les combats se rapprochent et l'électricité est coupée. Les postes à galène sont remis en état et les gens sans occupation ou les malades essayent à travers le brouillage - et ce n'est pas facile - de savoir où en est la progression alliée et, le soir, les habitants du village viennent aux nouvelles.

[Extrait sonore de la BBC avec le célèbre "Radio-Paris ment, Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand !"]

Le 14 août, notre camarade Maurice Glédel est arrêté à Chandelles, martyrisé, assassiné à Villiers, il est enterré par ses tortionnaires sur la rive de La Drouette.

Le 14 août au matin, le pont est de nouveau bombardé mais les bombes tombent sur Lormaye. L'école et plusieurs maisons sont détruites. Il y eut plusieurs morts : M. Georges Viet, ancien adjoint, Mme Césaire, dont la maison avait été endommagée lors du bombardement de la rue de Chandelles à Coulombs, et qui fut tuée dans le jardin de sa fille à Lormaye.

Le 15 août vers 17 heures, les Américains arrivent. Quelques escarmouches sur la route d'Epernon et près de la ferme Derue qui brûle. Malgré les combats, les pompiers de Coulombs, sous la direction du lieutenant Jean Meerman, vont lutter  contre l'incendie. 

Les Américains établissent la ligne de Front sur les hauteurs de Coulombs, mettant du matériel à l'abri dans les caves de La Cavée. 

Le lendemain 16 août, après une nuit d'orage qui alluma un incendie à Chenicourt, les chasseurs allemands attaquent les positions américaines. Les soldats américains, n'importe où où ils se trouvaient, tiraient au fusil sur les avions. Trois chars furent touchés et plusieurs avions allemands furent abattus. 

Nous étions libérés !

Une multitude de véhicules traversèrent Coulombs. De nombreux trains, après réparations du pont, roulent sur la voie ferrée maudite. Emmenant du matériel vers le Front. Ils étaient reconnaissables au sifflet plus grave que celui des locomotives françaises.

Quelques jours après, les Français de la Division Leclerc furent accueillis avec joie. Ils allaient libérer Paris le 25 août. Ce n'était pas encore la libération des prisonniers et la paix, il fallait attendre mai 1945.

Les 8 et 9 mai 1945, Coulombs, comme toutes les communes, fête la fin de la guerre. Les cloches sonnent à toutes volées. L'une d'elles fut retournée et il fallut monter dans le clocher pour la remettre en bonne position. On dansa la nuit entière.

[Fonds sonore de cloches]

Puis, on se remit au travail. Les prisonniers reviennent petit à petit. Mais les restrictions de pain, de viande, de beurre durèrent encore 4 à 5 ans.

Il fallait reconstruire. La mairie, l'école et cette salle des fêtes furent inaugurés au mois de novembre 1951. Du beau travail avait été accompli depuis les jours tragiques. 

Nous nous excusons de n'avoir présenté que peu de documents. Les personnes qui en possèdent nous rendraient service en nous les prêtant pour qu'ils fassent l'objet de l'exposition qui aura lieu en 1995 : "Les joies et les peines de notre village".

Merci de votre présence à ces cérémonies.

Coulombs n'oublie pas !

Et pour prouver la vitalité de notre village en 1994...

La classe de Mme Buisson de l'école Maurice Glédel, interprète  la Chanson de Marche des Ecoliers de Coulombs.

Ecrite par M. Guillon, instituteur, pour la distribution des prix de 1937.

 

Michel Chapet.

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