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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Le maquis du Vercors, une page héroïque et tragique de la Résistance...

Pour la première fois, un président en exercice va se rendre sur les lieux du maquis du Vercors dans la Drôme. À l'occasion des commémorations nationales des 80 ans de la Libération, Emmanuel Macron va rendre hommage mardi aux partisans et aux habitants réprimés, massacrés par les nazis à l'été 1944. Dans la mémoire collective, le Vercors est l'un des symboles de l'héroïsme de la Résistance française.

Par : Stéphanie TROUILLARD

Après avoir entamé un long cycle mémoriel autour du 80e anniversaire de la Libération en se rendant le 7 avril sur le plateau des Glières, dans les Alpes, Emmanuel Macron va poursuivre son hommage aux résistants de l’intérieur en présidant une cérémonie mardi 16 avril dans le village martyr de Vassieux-en-Vercors, dans la Drôme. À l’été 1944, cette région était le théâtre d’importants combats entre des patriotes et les troupes allemandes, entraînant de terribles représailles. Pour France 24, Maurice Bleicher, président délégué de l'Association nationale des pionniers et combattants volontaires du maquis du Vercors, familles et amis, revient sur l’histoire de ce lieu emblématique de la Résistance. Ce fils de maquisard va publier en novembre un "Dictionnaire biographique des résistants du maquis du Vercors" aux Presses universitaires de Grenoble.

 

France 24 : Comment s’est constitué le maquis du Vercors ?

Maurice Bleicher C’est une convergence de plusieurs initiatives et de plusieurs idées qui vont maturer et finir par former quelque chose. Un groupe de militants socialistes de Grenoble va se regrouper autour de l’ancien maire Léon Martin, qui est député de l’Isère. Il est l’un des 80 parlementaires qui a voté contre les pleins pouvoirs à Pétain. Ce groupe commence à distribuer des tracts et s’attelle à constituer un Parti socialiste clandestin. Dans le même temps, une autre initiative se développe dans le massif du Vercors, à Villard-de-Lans. Les notables du coin, essentiellement des militants socialistes, se regroupent également. Ils vont racheter une exploitation forestière et y employer des premiers réfractaires au Service du travail obligatoire en 1943. Ces deux groupes vont finir par se rencontrer et ils vont s’affilier à l’un des trois grands mouvements de la zone sud : Franc-Tireur.

Parallèlement, un homme qui s’appelait Pierre Dalloz, un architecte qui fréquentait les milieux des alpinistes de la haute montagne, a imaginé utiliser le Vercors comme une forteresse naturelle pour recevoir des parachutages. Toutes ces idées vont fusionner et cela va aboutir au projet "Montagnards". L’idée était de faire du Vercors une zone de réception – de parachutistes, d’hommes et de matériel – dans le cadre d’une future opération militaire qui aurait lieu dans le sud de la France. Ce projet va être validé par la France libre à Londres et toute une organisation va se mettre en place. Au fil de l’année 1943, une vingtaine de camps vont donc se créer dans ce secteur.

Comment fonctionne le maquis ?

Il y a un organe de commandement qui est bicéphale, avec un chef civil et un chef militaire. Il y a bien sûr les camps, avec des maquisards qui vivent dans la forêt dans des petites cabanes ou des abris, mais ils sont assez peu nombreux finalement, environ 400. Il y a ensuite des équipes locales dans les différents villages, qui sont chargées d'accueillir les volontaires, de les trier et de les guider vers les camps. Elles doivent aussi assurer leur ravitaillement. À partir de l’été 1943, des compagnies civiles vont aussi se former dans le massif et à l’extérieur. Ce sont des gens qui continuent à travailler normalement tout en s’organisant de façon clandestine. Ils recrutent, confectionnent des faux papiers, participent à des sabotages et à des réceptions de parachutage. Ils sont destinés à être mobilisés le jour J. Enfin, il y a aussi des groupes francs qui mènent des actions pour voler du matériel utile aux maquisards, de l’essence, des vêtements, de l’équipement. Ils mènent également des actions contre les collaborateurs. Pour résumer, il y a toute une nébuleuse. Le maquis, ce ne sont pas juste des camps de jeunes qui vivent dans la forêt, mais cela représente toute une organisation qui en assure la sécurité, l’approvisionnement et l’armement.

Quelle était l’attitude de la population vis-à-vis des maquisards ?

De façon générale, la population était très bienveillante. Il n’y a pas eu d’activité collaborationniste majeure dans le Vercors. Dans le maquis, il y avait bien sûr beaucoup d’éléments extérieurs à la région, mais parmi les résistants, il y avait des gens du pays. Il y avait des pères qui étaient là avec leur fils, des fratries de plusieurs frères, des cousins. C’est un monde qui se connaît.

De quelle façon la situation bascule avec l'instauration de la République libre du Vercors en 1944 ?

En appui du débarquement en Normandie en juin 1944, un ordre général de mobilisation des maquis est lancé pour faire diversion sur l’ensemble de la France. Il y a d’abord un moment de flottement dans le Vercors, car les maquisards se disent que la Normandie est très loin. Mais ils reçoivent l’assurance d’Alger [capitale de la France libre à partir de juin 1943, NDLR] qu’ils vont recevoir des milliers d’hommes parachutés dans le cadre du plan "Montagnards". L’annonce du débarquement provoque aussi l’enthousiasme général. De nombreux jeunes montent directement dans le Vercors pour rejoindre le combat. C’est aussi le cas de la majorité des gendarmes du secteur. Petit à petit, la zone passe complètement aux mains de la Résistance. En quelques semaines, on va passer de 400 à 4 000 hommes.

Comment les Allemands finissent par s’apercevoir de ce regroupement de résistants ?

La 157e division de réserve est basée dans la région et a pour mission de préserver toutes les voies de communication que peuvent utiliser les troupes de la Wehrmacht. Elle est aussi employée pendant plusieurs mois à réduire différents maquis, dans le Jura ou dans les Glières. À la suite de ces opérations, cette division met un peu de temps à reconstituer ses forces. Elle donne des premiers coups de semonce en juin dans le Vercors, et met ensuite un mois à monter une plus grande offensive. Les Allemands recueillent du renseignement pour évaluer les forces des résistants. Ils étudient les mouvements des hommes et les emplacements des cantonnements.

Le 21 juillet, la plus vaste offensive en Europe de l’Ouest contre la Résistance est lancée. Elle mobilise plus de 10 000 soldats, qui attaquent sur différents axes et bouclent tout le massif pour le rendre étanche. Des troupes de montagne réussissent à prendre possession des différents points de passage. Des troupes motorisées sont aussi envoyées par le sud pour essayer de remonter vers le cœur du massif. Enfin, il y a également une composante aéroportée avec deux vagues d’assaut par planeurs.

En face, les résistants sont moins nombreux, moins expérimentés et moins armés. S’y ajoutent des difficultés de communication. Les combats durent deux jours. L’option la plus réaliste est alors de se disperser dans les zones les plus reculées de la forêt. Dans le même temps, des messages un peu acrimonieux sont envoyés à Alger pour réclamer des bombardements. Les maquisards ont pu se sentir abandonnés. Mais le déroulement de la guerre avec l’enlisement des combats en Normandie a changé le plan initial. Le maquis du Vercors n’a alors plus la même importance.

Quel a été le bilan de cet assaut allemand ?

Il a été lourd en termes d’exactions. La répression allemande a été très brutale. Des villages entiers ont été rasés, comme Vassieux-en-Vercors à 97 % ou La Chapelle-en-Vercors à 95 %. À Vassieux-en-Vercors, 73 civils ont également été massacrés, sans distinction d’âge ni de sexe, des bébés jusqu’à des vieillards. Des blessés qui étaient cachés dans la grotte de la Luire ont aussi été quasiment tous massacrés. Beaucoup de résistants attrapés ont été sommairement exécutés. Quelques-uns ont été déportés. Ces crimes, contrairement à ce qui a été écrit pendant des décennies, n’ont pas été commis par des SS, mais par des troupes régulières de l’armée allemande. Il y avait notamment des parachutistes très marqués par l’idéologie nazie.

 

Est-ce que ce sont ces exactions qui expliquent pourquoi le souvenir du Vercors est encore très fort dans la mémoire nationale ?

Cela a été la plus importante opération contre un maquis. Elle est devenue un symbole assez rapidement car Vassieux-en-Vercors est devenue le 4 août 1945 l’une des cinq communes élevées au rang de Compagnon de la Libération aux côtés de grandes villes comme Paris ou Nantes. Il y a à la fois un côté tragique avec toutes ces exactions et un côté héroïque avec cet engagement des résistants.

C’est une histoire encore très présente aujourd’hui avec trois nécropoles, un mémorial et un musée. Partout où les maquisards sont tombés, il y a une stèle qui rappelle leur sacrifice. La venue d’un président de la République est une forme de reconnaissance qui était attendue depuis longtemps. Le général de Gaulle avait fait une halte dans le Vercors en 1963, mais il n’y avait pas présidé de cérémonie. Mardi, Emmanuel Macron va prononcer un discours et rencontrer la population. J’espère qu’on aura également la présence de trois anciens maquisards.

Le général de Gaulle, en visite dans la Drôme en septembre 1963, a fait une halte à la nécropole de Vassieux. Aucun président de la République n’a jamais présidé les cérémonies commémoratives des combats du Vercors. Vassieux-en-Vercors est la seule commune Compagnon de la Libération à avoir jamais accueilli la visite officielle d’un président de la République. Association nationale des pionniers et combattants volontaires du maquis du Vercors, familles et amis, archives DL

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