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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

De JJSS à Nimier et Lindon... quand Madeleine Chapsal publiait son tableau de chasse... Par Jérôme Garcin.

L’écrivaine et romancière est morte à l’âge de 98 ans dans la nuit du lundi au mardi 12 mars. En 2018, celle qui avait vaincu le cancer se livrait dans ses « Souvenirs involontaires ».

Par Jérôme Garcin

Bien sûr, c’est du Chapsal, écrit comme un rapport de gendarmerie cantonale après qu’une vache a endommagé la clôture d’un voisin et, au vu des innombrables répétitions, même pas relu par le plaignant. Vingt fois, en effet, elle rappelle, oubliant qu’elle l’a déjà dit, avoir été licenciée de « l’Express » par Jimmy Goldsmith, été exclue du jury Femina telle une malpropre, été victime de la jalousie obsédante de Françoise Giroud ou avoir connu un succès phénoménal, en 1986, avec « la Maison de Jade ».

Mais on pardonne à cette adepte du « Pas folichon ! » et du « Il y a de quoi ! » de ratiociner dans ses « Souvenirs involontaires » (Fayard, 22 euros), tellement on est frappé par sa faculté à persister dans l’impudeur, la candeur, la forfanterie et l’aplomb. Seule rescapée d’une époque révolue, cette femme de 93 ans, qui a vaincu le cancer, semble danser la bourrée dans le cimetière où sont allongés les hommes qu’elle a aimés couchés.

Primus inter pares, son mari Jean-Jacques Servan-Schreiber, suivi, entre autres, du psychanalyste J.-B. Pontalis, de Jacques Quoirez, le frère de Françoise Sagan, de l’écrivain Roger Nimier et de l’éditeur Jérôme Lindon. Un tableau de chasse avantageux que Madeleine Chapsal augmente, dans ses Mémoires, d’une liste d’amitiés prestigieuses.

On y croise Albert Camus, Françoise Dolto, Sacha Distel, Jacques Lacan, Gaston Gallimard, Frédéric Rossif, André Malraux, François Mitterrand, Claude Durand, Bernard Giraudeau, jusqu’à Liliane Bettencourt, dont elle jure n’avoir « jamais touché une enveloppe », et qu’elle allait visiter chaque mois dans sa maison-musée de Neuilly comme, au Louvre, le grand sphinx de Tanis.

Madeleine Chapsal, née pourtant dans le grand luxe, n’en finit pas de s’étonner d’avoir connu tout ce beau monde et, le plus souvent, regarde son passé par le petit trou de la serrure. Ainsi on n’ignore plus rien (mais souhaitait-on vraiment le savoir ?) de la sexualité métronomique de l’éditeur du Nouveau Roman, qui écrivait sous le pseudonyme de Louis Palomb et apprenait l’hébreu.

Les pages les plus touchantes, elle les consacre à David Servan-Schreiber, son « fils de cœur », mort à 50 ans d’un cancer du cerveau, après avoir écrit « Guérir » à ses côtés. Lui seul, dit-elle, a trouvé « le moyen que se cicatrise ce que je croyais inguérissable : ma peine de ne pas avoir eu d’enfants ». Mais si, lui rétorquait Françoise Dolto, « tes enfants, ce sont tes livres ». S’ils sont un peu braillards, du moins ne mentent-ils pas.

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