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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Il y a 50 ans, le 18 avril 1974, s’éteignait Marcel Pagnol dans sa maison Avenue Foch à Paris...

L'été, avec Pagnol, c'est l'enfance retrouvée à volonté.

"Je suis né dans la ville d'Aubagne, sous le Garlaban couronné de chèvres, au temps des derniers chevriers..."

La Gloire du père Pagnol
En 1957, Marcel Pagnol délaisse le théâtre pour raconter les grandes vacances de son enfance. Et ça donne ça.

Peut-on concevoir des grandes vacances dignes de ce nom sans le secours de Marcel Pagnol ? «La Gloire de mon père», c'est le livre de poche qu'on dévore, reclus dans sa chambre, en plein mois de juillet. Et tant pis pour les autorités familiales dont les voix lointaines invitent à profiter du soleil qui vient, enfin, de faire une apparition sur la Basse-Normandie.

Qu'ils aillent au diable. Passé les premières lignes («Je suis né dans la ville d'Aubagne, sous le Garlaban couronné de chèvres, au temps des derniers chevriers...»), on préfère « la rumeur cuivrée des cigales». Ici, au moins, elles grésillent à chaque ligne tandis qu'on respire «l'odeur inconnue» du thym entre deux «orgies de gomme d'amandier».

Car après avoir dit comment, à l'âge de 4 ans, il sut lire en écoutant son père faire la classe, Pagnol ne tarde pas à glisser vers ce qui rend son récit irrésistible: l'été à la Bastide-Neuve, cette ancienne ferme derrière laquelle «les pinèdes formaient des îlots sombres dans l'immense garrigue qui s'étendait, par monts, par vaux et par plateaux, jusqu'à la chaîne de la Sainte-Victoire».

Dans ce « pays de la soif », il ne pleut jamais. Tout le monde est en espadrilles du matin au soir. Preuve que l'entomologie mène à tout, on torture joyeusement des fourmis comme de vulgaires martyrs de la chrétienté. Et l'on scalpe «plusieurs fois par jour» son petit frère Paul, sous prétexte qu'on est un Comanche qui a lu Fenimore Cooper, et lui un infâme Pawnee armé d'un «tomawak en carton».

Surtout, comment l'oublier, on découvre que les adultes peuvent mentir. Alors, le jour de l'ouverture de la chasse, seul avec Marcel, le coeur battant, on part s'égarer dans les genêts pour assister en cachette au triomphe paternel: un doublé de bartavelles, réalisé avec une auguste pétoire testée préalablement sur la porte des cabinets.

"Ce n'est plus Raimu qui parle: c'est moi"

Dès l'avant-propos, l'auteur de «Marius» et «Fanny» avait prévenu. «Ce n'est plus Raimu qui parle: c'est moi.» Il semble bien qu'il ait pourtant conservé, dans la manière de raconter sa jeunesse, quelque chose d'assez marseillais. Comment s'en plaindre ? L'été, avec Pagnol, c'est l'enfance retrouvée à volonté.

D'autant que le meilleur, dans «la Gloire de mon père», est que ça n'est qu'un début: on y prend rendez-vous pour «le Château de ma mère» et «le Temps des secrets». L'an prochain, le Tom Sawyer de la littérature française ira «aux pièges» dans la garrigue avec l'inoubliable Lili des Bellons, avant de croquer héroïquement une sauterelle (vivante) pour complaire à une petite peste qui a lu trop d'histoires de princesses.

 

Hélas, on comprend soudain qu'aucun été n'est éternel en lisant que le petit Paul est mort à 30 ans tandis que Lili, tué au front en 1917, repose «au petit cimetière de la Treille depuis des années, sous un carré d'immortelles». C'est à la fin du «Château de ma mère». La vie n'a jamais semblé une aussi belle saloperie qu'à cette page-là.

Grégoire Leménager

La Gloire de mon père, par Marcel Pagnol
coll. Fortunio, éd. de Fallois, 220 p., 5,80 euros

 

 

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