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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Chaudon, mon village, raconté par Etienne Prémartin (Partie 1)

Je suis malade d'enfance et de sourires, de frais crépuscules passés sans rien dire.

Angelo Branduardi (extrait de la chanson "confession d'un malandrin")

Chaudon...

Etienne Prémartin, il y est né...

Un certain 26 mars 1930.

Au milieu de ses comptes d'épicier, son père, Alfred Prémartin, avait noté dans son cahier à cette date "Un beau garçon nous est né !"

Chaudon...

Etienne, il l'a aimé...

De tout son coeur..

De toute son âme..

Au point de regretter de ne pas être venu y habiter, lors de sa retraite.

Chaudon...

Il l'a aimé...

Au point de le raconter encore et encore.

Au point de le raconter sans cesse.

Devant le micro de Roger et Paulette Buisson (Les Ondes Buissonnières).

.................................

A Chaudon...

Etienne a épousé Simone Chandebois le dernier samedi d'avril, le 26 avril 1952.

Pour les noces d'avant...

Il aime aussi à raconter :

Il y avait un violoniste qui se dérangeait...

Il faisait toutes les noces, comme celle des parents à Taupin : ma cousine Marthe de Croisilles.

On le voit sur certaines photos de mariages.

Nous, les gosses, on filait à la sortie de l'église : il y avait toujours des dragées ou des piécettes à ramasser.

Et, après, on les voyait au café.

Ils faisaient le repas de noces, soit chez Bigard, soit chez mes parents Prémartin.

Mme Bigard était une très bonne cuisinière et Odette Prunier Prémartin aussi.

Odette faisait de superbes gâteaux.

Pour le mariage de Madeleine Ruelle, qui s'est mariée avec un policier, Odette avait fait des crèmes au chocolat dans des grands saladiers en terre :

"....et pour présenter ça - le billard, chez nous, on le poussait dans un coin et puis on mettait une belle nappe - et on présentait tout ça. Ce jour-là, j'étais tellement alléché que je suis allé tremper mon doigt dans tous les saladiers. J'ai pris une sacrée trempe !"

Chez Bigard, c'était un peu plus élaboré, car ils étaient restaurateurs.

Les banquets de Sainte Barbe se partageaient : une année chez Bigard, une année chez Prémartin...

Il y avait toujours le défilé aux mariages.

Le défilé partait toujours de la maison de la mariée, toujours, et de la maison de la mariée, on allait d'abord à la mairie et de la mairie, on descendait à l'église.

Il y avait environ 80/100 personnes, comme à la noce de ma soeur Andrée.

A notre mariage on était 75.

Il y avait les Ruelle, les Gaillard, les Desprez...

La noce durait sur tout le week-end, lundi compris.

[NDLR Le 31 juillet 1971, à Chaudon, je me suis mariée dans cette tradition-là. Tout le cortège à pied, et on était plus de 100.. Et le vin d'honneur était offert dans la grange à Prémartin.]

Les menus étaient copieux : de nombreux pâtés maison, beaucoup de poissons, des gigots flageolets, de la volaille et comme desserts des crèmes et des pièces montées.

Il n'y avait pas de vignes à Chaudon. Mais à Villemeux. On retrouve des actes de vente du XIXe : M. Untel, vigneron à Villemeux...

Les mariés allaient se faire bénir à l'église. Avant guerre, c'était l'abbé Vacheresses, puis après c'était l'abbé Lhôte (mort le 26 décembre 1989).

[NDLR C'est aussi le père Jean-Marie Lhôte qui nous a mariés et qui a eu le triste privilège d'enterrer mon Langellier en mars 1987]

L'abbé Lhôte était un personnage assez riche en couleurs. Et en verbe. Un brave homme, le mal vu du clergé du coin...

C'était dommage car il était très intelligent comme bonhomme, il était très populaire mais pas toujours bien vu : quand les gens arrivaient en retard à la messe, il se retournait et il le faisait remarquer.

C'était un gros bricoleur.

Il a fabriqué son poste de télévision. Tout seul. Au printemps 1952, il a invité Etienne et Simone pour regarder la télé chez lui. Il y avait des pièces, des condensateurs partout. Sa télévision, il n'y avait pas de boîte, c'était juste la cathode et les lampes derrière. Il faisait même ses bobinages tout seul. 

Quand il y avait des pièces à faire en acier, il allait à la forge chez Guinedot, il allait bricoler chez Guinedot pour faire ses châssis et ses petites formes.

Une fois, il avait même oublié qu'il avait un baptême et c'est le gens du baptême qui sont allés le chercher chez Guinedot. Il s'est fait ramoner ce jour-là.

Il vivait avec sa mère avec lui, tant qu'elle a été là, il se tenait bien mais après...

Il est arrivé à Chaudon tout de suite après la guerre.

[NDLR L'abbé Marie dit Jean-Marie Lhôte né le 10 octobre 1912 à Bailleau-le-Pin. On le trouve sur les listes électorales de Chaudon de 1965, 1958, 1956, 1953, 1951, 1948, 1947]

Aujourd'hui cela ne va pas paraître démodé.. Tandis qu'à son époque, oui, il disait "Je vous invite à boire un coup chez Bigard"...

Les grenouilles de bénitier, c'était plutôt la bande de la baronne de Kainlis (Château de Mormoulins). La baronne était très bonne pour les Chaudonnais.

[NDLR Seulement ceux qui allaient au catéchisme. Mamy Louise, née le 28 février 1884 à Chaudon, m'a dit qu'elle les invitait à goûter dans la petite tour que l'on voit du bas de Mormoulins et qui est maintenant écroulée.]

A Chaudon c'était plutôt deux tiers non croyant et un tiers qui y allait à la messe !

Le père Alfred Prémartin a bien connu la baronne de Kainlis, c'était l'un des seuls qui avait le droit de pénétrer dans sa chambre pour lui apporter son courrier.

C'était un honneur que de rentrer dans les appartements de la baronne.

Par contre, Etienne a, lui, bien connu les gardiens : M. et Mme Lemoine. Ils étaient très discrets sur la vie du château.

La baronne de Kainlis a dû mourir dans les années 1927/1928, quelque chose comme ça.

[NDLR La baronne Pauline Louise de Kainlis, née du Temple de Chevrigny, est morte en 1930. Et son époux, Louis en août 1914 ] :

Chaudon. Recensement 1911.

Peu de gens peuvent se rappeler de la baronne. Peut-être Pierre Bigard (???)

Après les mariages, abordons les enterrements...

Comment les choses se passaient-elles quand il y avait un défunt ?

Il y avait eux manières d'être prévenus, soit par les porteuses qui distribuaient des petits papiers dans les boîtes aux lettres, et avant les papiers, il y avait le garde-champêtre qui l'annonçait "Et qu'on se le dise !"

Etienne a connu deux garde-champêtres à Chaudon :

- Charles Martel (et oui...),

- et Edouard Letellier.

L'enterrement, c'était le père Oudard qui avait un grand cheval qui s'appelait Faro. Et ce cheval-là tirait le corbillard.

Listes électorales Chaudon 1938

Il allait chercher le corps à la maison du mort pour l'emmener à l'église. A l'église, il y avait la messe toute en latin par le curé dos au peuple.

Par le curé Vacheresses, c'était très cérémonieux.

Après, on traversait tout Chaudon et on montait au cimetière. Le corbillard toujours tiré par Faro et suivi par les Chaudonnais.

Puis on se retrouvait aux cafés : soit chez Bigard, soit chez Prémartin.

[NDLR Au recensement 1936, il y avait quatre cafés à Chaudon : Massiel, Babin, Bigard et Prémartin ]

Huit jours après l'enterrement, on faisait le "Libera".

Les gens veillaient leurs morts.

Simone Prémartin-Chandebois : "Quand on a ramené papa (NDLR Gabriel Chandebois, mort en STO à Heerte, le 3 avril 1944) on a veillé. On ne laissait jamais un mort tout seul."

C'est le menuisier qui faisait la bière ?

Tous les Chaudonnais de cette époque ont été mis en bière dans un cercueil Ridréau.

Quand on disait "Il est passé dans les mains de Gaston, on savait ce que ça voulait dire !"

Chaudon. Liste électorale 1939.

C'était un brave homme, un super menuisier. Il faisait de très beaux cercueils. Sur mesure. 

Ridréau n'avait jamais rien de prêt, c'était fait à la demande et aux mesures du client.

[NDLR Gaston Ridréau avait fait une cour pressante à ma grand-mère Louise Chandebois qui lui avait préféré le lormaisien Auguste Courtois (et elle avait bien fait !). Quand Auguste s'est vu mourir, en juin 1962, et que le gars Gaston est venu le voir, il lui a dit : "Tu viens prendre les mesures !"

C'était de très beaux cercueils en chêne.

Quand le cheval Faro est mort, ce sont les pompes funèbres de Dreux qui sont venus à la place.

Il y a un Chaudon un adage qui dit : "Quand on ouvre un caveau, il y en a deux autres qui suivent !"

Cela vient de l'histoire de la Place de la Croix.

Les trois hommes qui ont enlevé cette croix sont morts dans l'année qui a suivi.

[Pour les mots de patois... Le plus doué reste le père Paul Jolly de la rue de l'église. Qui était inoubliable dans ses scénettes en patois.]

Il y avait quelques Parisiens, une quinzaine de familles, qui venaient passer leur vacances à Chaudon, comme les Sautereau, les Delapierre.  Lili Delapierre est devenue la femme du célèbre flic Maurice Bouvier.

Après, il y a eu des lotissement de faits qui ont amené des gens hors de Chaudon, comme Les Champs Coquilles ou La Briqueterie.

La retraite aux flambeaux de Chaudon était très renommée.

Le 13 juillet, il y avait la musique, les enfants des écoles, et surtout, surtout la colo. Oui, la colonie de Saint-Ouen qui se trouvait dans le château de Mormoulins.

Ils faisaient de superbes chars.

Le château était tout illuminé par des feux de bengale.

Et, après, les gars de la musique allaient jouer du cor dans les bois.

Les Chaudonnais dansaient sur la place de la Croix.

[NDLR Elle a duré longtemps cette retraite aux flambeaux. Puisque je me souviens, dans les années 80 avoir, à maintes reprises, illuminer La Louise de feux de bengale pour le défilé.]

A l'époque d'Etienne...

Le purin coulait des fermes jusque dans les ruisseaux du village.

Des poules se baladaient sur la place. En face de chez les Prémartin, il y avait une ferme qui s'appelait Galerne, dès fois les portes étaient ouvertes...

Quand Alfred Prémartin est arrivé à Chaudon (1923) il y avait une quarantaine de fermes.

La plus grosse était celle des Huveau à Vaubrun (100/150 hectares).

A la passée d'août (fin des moissons) on faisait une fête. On mettait un mai sur la porte de la ferme...

« La ferme, ce matin, s’éveilla aux aurores,

Le soleil de l’été, était dormant encore.

Le travail de l’année, se concluait ce jour,

Tout devait être prêt pour finir le parcours.

Moissonnées et liées, les gerbes mises en meules,

Sur le champ dénudé se trouvèrent bien seules.

L’estivale chaleur, sans la moindre ondée,

A, les tiges et les grains, rapidement séchés.

Comtois et Percherons, tirant les charretées,

Transportèrent les gerbes pour les engranger.

La récolte à l’abri des caprices des cieux, Le fermier satisfait put remercier Dieu.

Les femmes de ferme, levées tôt ce matin,

Déjà très affairées, au four et au moulin.

Les voisines aussi, toutes dans la cuisine,

Aidaient la fermière préparant la cantine… »

Gérard Lorine

Etienne a fait les moissons à Chaudon pendant deux ans pendant la guerre, car il n'y avait plus d'hommes.

On mangeait bien. Il y avait du poulet et du lapin à table. Mais c'était très dur, on faisait les bottes.

"Quand ils tuaient le cochon, du lard frais étalé sur un bon pain frais, il n'y a rien de plus délicieux, on croirait manger de la noisette..."

Des cochons, comme ça, il n'y en a plus.

Les cochons étaient élevés avec le petit lait de la laiterie de Chaudon. On allait chercher dans des pots, le petit lait tous les deux jours.

Beaucoup de gens faisaient leur cidre.

Chez nous on faisait toujours 160 à 200 mesures.

Il y avait deux énormes tas de pommes. D'un côté les pommes acides qui étaient le plus gros tas. Et il y avait des pommes à couteaux qu'on mélangeait.

On pressait ça à la main. Avec le pressoir. On pressait deux fois. 

Il y avait le pur jus qu'on mettait dans les tonneaux pour vendre au café. Comme du champagne.

On remettait ce qui avait été pressé dans une grande cuve, on ajoutait un petit peu d'eau, et ça c'était pour nous. C'était un petit cidre.

Quand Marigault faisait tuer le cochon...

Chaudon. Listes électorales 1937.

Il y avait un pot en terre cuite. On mettait une couche de saumur, une couche de sel, une couche de viande, et on recommençait ça jusqu'en haut.

Quand on mangeait ce petit salé avec des pommes de terre sautées, et du lard réchauffé, c'était un vrai régal !

[NDLR C'est la madeleine de Proust de notre Etienne !]

A Chaudon, il y avait un boulanger qui passait. Il venait de Lormaye. A l'époque, il s'appelait Anderouard...

Lormaye. Liste électorale. 1938.

Il y avait aussi Clémot, bien sûr de Nogent-le-Roi...

Nogent-Le-Roi. Recensement 1936.

Le charcutier de Nogent, qui s'appelait François, venait à Chaudon sur la place. Dans la maison où ont habité les Téton après.

Tous les jeudis et tous les dimanches matins, il venait vendre sa charcuterie.

Il y avait aussi un Monsieur Lefevbre qui venait avec une voiture avec des rayons en bois pour vendre ses produits chez Prémartin..

Peu de gens doivent s'en souvenir mais il fournissait Corsion et Letellier.

Letellier, l'épicerie à côté de l'église, vendait surtout de la mercerie et un peu d'épicerie : des gâteaux, des bonbons.

Il y avait du fromage de Chaudon et un excellent beurre.

Daniel. Fromager à Chaudon. 1938.

Il y avait aussi "Pâteux" : Alphonse Lahaye, le marchand de peaux de lapins de la rue de la cave.

Il avait un séchoir à peaux dans sa maison. Quand il passait dans les rues, il criait "Peaux de lapins"... Alors, les gens sortaient avec leurs peaux de lapin.

Dons des Godard de Chaudon aux prisonniers de guerre

La chanson de Chaudon écrite par le père de Madeleine Gresteau (la femme de Pierre, le vanier) qui habitait Mormoulins, a été créée pour la Fête des Prisonniers en 1943.

Le 12 septembre 1943.

Simone Prémartin voit encore la porte du château de Mormoulins, toute décorée. Avec des guirlandes partout.

C'était pour envoyer des colis aux prisonniers.

Les répétitions se faisaient dans la salle de danse chez les parents Prémartin.

Le 11 novembre, tous les gens et les écoliers avec leurs instituteurs partaient de la mairie et montaient au cimetière.

il y avait un discours du maire.

Quand c'était Noël Huveau, on entendait chaque fois : "C'est un douloureux devoir qui m'incombe aujourd'hui..."

Et puis... On allait bien sûr boire un coup !

Avant la guerre, on était 687 habitants...

Enfant, Etienne a fait des tours pendables avec les autres gamins.

En particulier : Raymond. 

Le curé Vacheresses cachait toujours la clef du clocher sous le paillasson en-dessous du bénitier. Pour le garde-champêtre. Qui allait remonter l'horloge du clocher.

Nous, gamins, on le savait.

Il y avait Raymond Augustin, qui a épousé la fille Téton, le gars Bigard, René Bouffé, Pierre Pipereau, Lucien Alonso, etc...

Le dimanche après-midi, on prenait la clef et on allait voir la cloche. On avait déniché un nid de très jolis petits hiboux.

Il y avait aussi, à l'époque, un super beau livre qui parlait de Chaudon et de la cloche de Chaudon.

C'était un beau document écrit en latin.

 

(Cliquer pour suivre en partie 2)

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