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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

11 janvier 1891 décès à Paris de Georges Eugène Haussmann dit aussi le baron Haussmann...

Il y a 170 ans, sous le Second Empire, débutaient de gigantesques travaux publics qui allaient façonner le Paris d'aujourd’hui. 

Comment expliquer le lancement de ces travaux ?

Paris, première moitié du XIXe siècle : une population qui dépasse le million d’habitants, des rues étroites, sinueuses et mal éclairées, des épidémies, dont une de choléra en 1832. Il est littéralement impossible de traverser en ligne droite la capitale du nord au sud ou d’ouest en est, tant les contournements de tel édifice ou de telle maison sont nécessaires.

Louis-Napoléon, rentré de son exil londonien en 1848 et élu président de la République française, avait été fortement impressionné par l’architecture aérée et moderne des quartiers ouest de la capitale anglaise, reconstruite à la suite de l’incendie qui l’avait ravagée au XVIIe siècle.

Pour lui, c’est le modèle à suivre. Il déclare en 1850 : « Paris est bien le cœur de la France ; mettons tous nos efforts à embellir cette grande cité, à améliorer le sort de ses habitants. Ouvrons de nouvelles rues, assainissons les quartiers populaires qui manquent d'air et de jour, et que la lumière bienfaisante du soleil pénètre partout dans nos murs. »

 

Pourquoi Haussmann a-t-il été choisi ?

Devenu empereur, Napoléon III cherche l’homme de la situation, capable de faire aboutir son grand dessein urbanistique pour Paris.

Son ministre de l’Intérieur, Victor de Persigny, lui présente Georges Eugène Haussmann, alors préfet de la Gironde. À ce poste, Haussmann s’est notamment illustré par des opérations d’embellissement de Bordeaux : percement de nouvelles voies rectilignes, réfection de l’éclairage au gaz et de l’adduction d’eau (via la construction de trois fontaines monumentales). Napoléon III apprécie les initiatives d’Haussmann, qui est alors nommé préfet de la Seine le 22 juin 1853, avec comme première mission d'« embellir Paris ».

Napoléon III et Haussmann s’apprécient. Leurs compétences se complètent. Le premier a de l’imagination, le second a un grand sens de l’organisation. Haussmann rencontre l’empereur une fois par semaine ce qui est un rare privilège.

Napoléon III remettant au baron Haussmann le décret d'annexion des communes limitrophes le 16 février 1859 (peinture d'Adolphe Yvon).

Crédit photo :© Musée Carnavalet/Roger-Viollet
 

Comment les travaux sont-ils organisés ?

La grande idée d’Haussmann tendait à instaurer une politique facilitant « l'écoulement des flux », tant de la population que des marchandises, de l’air et de l’eau. Le baron – qui d’ailleurs n’était pas du tout baron, il avait usurpé ce titre – était en effet un grand convaincu des théories hygiénistes. Il faut aérer Paris, faciliter l’accès aux gares alors en pleine expansion, améliorer la circulation entre les 80 quartiers administratifs de la capitale.

Différents plans ont été élaborés pour redessiner la voirie parisienne - l’empereur lui-même avait ses idées -, jusqu'à l'adoption du plan définitif. Les travaux entraînent la mobilisation de 80 000 ouvriers, artisans, ferronniers, sculpteurs, etc. Le chantier est encadré par l’État et financé par l'emprunt, mais la mise en œuvre est confiée à des entrepreneurs privés.

Dégagement de l'Opéra de Paris. Démolition de la butte des Moulins qui s'étendait jusqu'au Louvre, en 1867, lors des travaux du baron Georges Eugène Haussmann.

Crédit photo :Roger-Viollet / Roger-Viollet
 

Quels sont les travaux réalisés ?

Les travaux sont colossaux, ils concernent d’abord la voirie. Au total, 64 kilomètres sont percés dans Paris. C’est ainsi que naissent des artères bien connues des Parisiens : notamment l'extension de la rue de Rivoli, le bd de Sébastopol, le bd Saint-Michel, l’aménagement des Champs-Élysées, l’avenue de l’Opéra (qui n’est d’ailleurs pas terminée sous l’Empire), etc.

Des travaux qui conduisent à la disparition quasi complète des derniers vestiges de la ville médiévale de la capitale… à l'exception des églises.

En dix ans, Haussmann fait également procéder à la destruction de 25 000 maisons et promeut la reconstruction de milliers d'immeubles du fameux « style haussmannien ».

Il convient aussi d’évoquer les parcs et les jardins qui ont vu le jour à Paris sous le Second Empire : le parc Monceau, transformé par Alphand, l’un des ingénieurs d’Haussmann ; le parc des Buttes-Chaumont qui était une carrière de gypse depuis le Moyen-Âge ; le parc Montsouris, etc. Plus généralement, fidèle à ses idées hygiénistes, Haussmann souhaitait l’implantation d’au moins un square dans chacun des 80 quartiers de la capitale.

Le parc des Buttes-Chaumont est aussi une réalisation due à Haussmann
Crédit photo :©Emilie Chaix/Ville de Paris
 

Haussmann s'est aussi attaché à embellir les sites publics : le Palais de Justice est totalement rénové, le Louvre est achevé et les Tuileries sont réhabilitées. L'édification d'un nouvel opéra est confiée à Charles Garnier. Débutée en 1862, sa construction est achevée en 1875. C'est aussi de cette période que datent les abattoirs de la Villette (avec Merindol ou Janvier - selon les sources - comme architecte). L’Hôtel-Dieu, lui, est du à L’architecte Emile Gilbert puis à son gendre. Pour sa part, la rénovation des Halles (1852-1872), « le ventre de Paris », est confiée à Victor Baltard, avec ses célèbres pavillons.

Autre innovation majeure pour l’époque : la mise en place d’un gigantesque réseau d’égouts sous le sol parisien, avec l’aide de l’ingénieur Eugène Belgrand. En 1878, on compte près de 600 kilomètres d’égouts dans la capitale, contre 100 kilomètres en 1850.

En 1860, avec l'élargissement de Paris aux communes limitrophes (Belleville, Les Batignolles, une partie d' Auteuil, etc.), Paris double quasiment sa surface et intègre près d’un demi-million d’habitants. Sous l'égide de Haussmann, ces nouveaux quartiers seront dotés de mairies, écoles, casernes, hôpitaux etc.

Au XIXe siècle, en quelques années, le réseau des égouts de Paris passe de 100 à 600 km.

Crédit photo :©Jean-Baptiste Gurliat/Ville de Paris
 

Quelles sont les règles du style Haussmannien ?

L’immeuble haussmannien répond à des règles strictes dont certaines élaborées à la fin de l’Ancien Régime et non modifiées par Haussmann. Notamment, la hauteur des immeubles dépend de la largeur des rues. Plus celle-ci est large plus l’immeuble est haut.

Dans ces immeubles, la distribution des activités, héritée du début du XIXe siècle, est toujours la même :

  • au rez-de-chaussée, on trouve des boutiques et le concierge ;
  • le 2e est un étage bourgeois qui abrite des appartements pour l’aristocratie ou la grande bourgeoisie ; les appartements ont une hauteur sous plafond importante et sont pourvus de balcons ;
  • le 5e étage est pourvu d'un balcon, tout le long de la façade ;
  • les combles abritent les employés de maison.

Construits les uns à côté des autres, ces immeubles constituent ce que l’on appelle une « rue mur »

Immeubles de style haussmannien près des Buttes Chaumont
Crédit photo :Guillaume Bontemps/Ville de Paris
 

Les travaux d’Haussmann ont-ils fait l’unanimité ?

Cette modernisation à marche forcée de la capitale a eu un coût social. Les citadins les plus pauvres et notamment les ouvriers sont renvoyés vers les faubourgs, dans un mouvement d'exclusion qui va s'amplifier sous la IIIe République. En démolissant et réorganisant le vieux centre de Paris, Haussmann a aussi été accusé de déstructurer les foyers de contestation : parce qu'éparpillée dans les nouveaux quartiers, il était plus difficile à la classe ouvrière d'organiser une insurrection.

Le coût financier des opérations fut également critiqué. En 1867, le républicain Jules Ferry fait paraître une brochure dénonçant « Les comptes fantastiques d’Haussmann » (allusion ironique aux « Contes Fantastiques », opérette d’Hoffmann à succès sous le Second Empire).

Au total, sur plus de vingt ans, deux milliards de francs-or ont été dépensés, soit… le budget annuel de la France. Le financement est assuré par des emprunts. Ce sont les contribuables parisiens qui en paieront les intérêts, jusqu’en 1914…

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