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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Téléphone plein pot : vos gueules, les haut-parlants !

On imagine bien que dans le métro, on n’entend rien, et qu’on a parfois besoin de ses mains pour autre chose. Mais par pitié, chers fans des conversations privées en haut-parleur réglé à fond : fermez-la.

C’est une confrérie qu’on voit, ou plutôt qu’on entend, s’étoffer depuis plusieurs mois. Au départ j’étais stupéfaite, façon poule face au couteau, maintenant ça vire à l’ire, l’envie de baffer est imminente. Qui ? Ces personnes qui mènent leurs conversations téléphoniques haut-parleur activé – au max, évidemment, vu qu’il s’agit de couvrir les bruits ambiants – conversations adjacentes, couinements du métro, flux des voitures. Et blablabli et blablabla, l’échange peut durer des plombes, en toute décontraction, comme j’en ai récemment fait l’expérience, de bon matin dans une rame parisienne : une dame qui devisait avec une copine, elles se racontaient la famille, les enfants, les soucis d’autres copines, la pauvre etc. Au bout d’un moment, je toque à l’épaule de ma voisine : «Euh, excusez-moi madame, mais j’entends absolument tout, là…» Regard stupéfait, bouche bée – tandis que dans le haut-parleur, ça continuait à jacasser. Et puis, la dame : «Ah mais pardooooooooon, je ne me suis pas rendu compte, pardon, pardon.» L’accueil a été bien moins chaleureux à une autre occasion – «C’est quoi ton problème, mal baisée ?»

Mon problème, chers haut-parlants, c’est que je sature des conversations privées balancées dans l’espace public. On subit déjà depuis un bail les vidéos regardées son à fond. Mais vos coups de fil persos en stéréo nous aspirent dans votre intimité et parasitent les nôtres. Non que ce qu’on entend alors soit croustillant ou scoopesque, le niveau est généralement de l’ordre du bavassage de base – qui pourrait largement attendre le retour au bercail, à mon humble avis – mais peu importe. Le fait est que la notion d’espace public a manifestement déserté vos cortex : vous faites «comme à la maison», quand on met le téléphone sur haut-parleur pour se libérer les mains et faire autre chose, son bricolage, ses ongles, de la Playstation. Partant, vous vous appropriez sans ciller l’espace commun, vous abolissez la frontière tacite qui veut que si on fait comme on veut chez soi, on respecte dans l’agora certains us de base – on ne se balade pas à poil, on retient si possible ses rots et pets, par exemple, et aussi (entre autres), on respecte un certain niveau de décibels, en particulier dans les transports en commun.

Alors, j’entends d’ici le plaidoyer de la non-intentionnalité. Soit. Mais dites-moi juste pourquoi et comment ? Pourquoi continuez-vous et comment en êtes-vous arrivés là ? A aucun moment je ne vois l’intérêt qu’il peut y avoir à activer ce fichu haut-parleur dans l’espace public, au milieu d’inconnus qui ne souhaitent en rien ce partage. «C’est pour mieux entendre» en milieu hostile ? Tout de même, on ne va pas vous apprendre l’existence des écouteurs avec ou sans fil ? «C’est venu comme ça» ? Comme un glissement, je dirais plutôt. Il me semble que désormais, on tend toujours plus à vivre dans une bulle toute personnelle, et à la transbahuter partout. Qu’en écho à l’abolition de la frontière entre vies privée et publique en cours sur les réseaux sociaux, on donne toujours plus à voir et à entendre de soi. Tout à nos bulles, on en devient étanches à l’autre. Pourriez-vous la fermer, les haut-parlants ?

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