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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Série « Tapie » : Bernard Tapie, le bonimenteur tel qu’il était « en vrai »....

Le biopic d’Olivier Demangel et de Tristan Séguéla, à voir sur Netflix dès le 13 septembre, a bien saisi le caractère de l’homme d’affaires escroc devenu ministre.

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Le plus difficile n’était pas tant de lui ressembler physiquement. Une silhouette imposante, la mâchoire carrée, des cheveux épais et souples, une pointe de vulgarité dans les gestes, la gouaille d’une grande gueule, et voilà Bernard Tapie semblant ressusciter d’entre les ombres. Non, ce qui fait du personnage incarné par Laurent Lafitte, dans la série d’Olivier Demangel et de Tristan Séguéla diffusée sur Netflix depuis le 13 septembre, un Tapie si juste est d’avoir compris combien c’est d’abord le baratineur qui s’impose.

Bernard Tapie n’était pas vraiment sympathique. Il pouvait être surprenant, touchant parfois, intelligent par instinct, charismatique indéniablement. Il fut courageux devant la maladie, aussi. Mais il était avant tout ce type capable de vous vendre une machine à laver, un téléviseur et sa télécommande, avec une technique infaillible : installer une telle proximité avec le client que celui-ci finissait par oublier le prix à payer. Du temps où il était le patron de l’Olympique de Marseille (OM), il n’avait pas son pareil pour évincer ainsi les questions gênantes sur ses affaires judiciaires. Il prenait alors un air affairé, en demandant d’emblée, avec ce tutoiement qu’il imposait : « Ecoute, le sujet, c’est le match de ce soir, et j’hésite. Toi, tu mettrais qui en défense ? »

Le boniment faisait partie du jeu. Il semblait considérer que, puisqu’il était né en banlieue parisienne dans une famille modeste, il fallait bien qu’il créât lui-même sa réalité. Devenu propriétaire d’un yacht et d’un hôtel particulier à Saint-Germain-des-Prés, il n’abandonna pas ce qui faisait figure de talent à ses yeux, puisqu’il mentait si bien.

Au lendemain de l’effondrement, le 5 mai 1992, des tribunes du stade de Furiani (19 morts et 2 357 blessés), alors qu’un journaliste du Monde, de son lit d’hôpital, mettait en cause la légèreté avec laquelle les dirigeants du football avaient passé outre à toutes les mesures de sécurité pour mieux rentabiliser la billetterie, Bernard Tapie s’insurgea : quoi, on soulignait sa responsabilité ? Il inventait alors de toutes pièces une scène qui n’avait pas existé : il avait justement sauvé le reporter qui le critiquait en le portant dans ses bras jusqu’aux secours ! Devenant ainsi le bienfaiteur d’un ingrat…

Etre dans la lumière

Tapie n’avait peur de rien, sauf de ne plus être dans la lumière. Celle du music-hall ou des salles de meetings. Il fréquenta d’ailleurs les unes et les autres. La télévision le transforma vite en animateur, et l’on devine que les scénaristes de la série de Netflix ont découvert avec effarement les archives de son émission « Ambitions » et sa ringardise clinquante.

La politique, elle, fit de ce menteur de compétition le leader populiste des années 1980, sans que l’on emploie encore à l’époque cette appellation. Devenu ministre d’un président socialiste, il ne comprit pas que sa position l’exposait à toutes les enquêtes sur ses entourloupes financières et il ne tint pas longtemps. Surpris que François Mitterrand ne le protège pas mieux, alors qu’il traitait ce chef de l’Etat, plus roué encore que lui, avec la déférence impressionnée dont on use avec un chef de clan.

Marseille, qui espérait un homme providentiel capable de redonner de la fierté aux « minots des quartiers », il suscita chez certains un amour fou, devenu aujourd’hui de la nostalgie. Au-delà de Marseille, il a laissé l’image d’un affairiste du foot, le goût amer d’une victoire de l’OM « achetée » auprès du modeste club de Valenciennes, et le souvenir de lourds soupçons sur beaucoup d’autres matchs, en France comme en Europe.

La prison n’a pas enlevé à Bernard Tapie cette façon si spéciale d’attirer l’attention comme un aimant attire le fer. Mais elle a mis fin à son rêve d’être, à sa façon, un héros. Elle a cependant achevé de faire de lui un personnage de notre époque. Ajoutant, comme dans un scénario parfait, la dernière touche dramatique qui manquait à ce mélange de comédien génial, d’idéaliste inachevé et de superbe escroc.

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