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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Danielle Darrieux se sera défendue toute sa vie d'être montée dans le "train de la honte"...

"Ils disaient: 'Quelle horreur! Danielle Darrieux est dans la collaboration.' Mon Dieu! Ils ne savaient rien! Je n'étais qu'une femme amoureuse."

C'est l'épisode trouble du passé de Danielle Darrieux. L'actrice est décédée mardi 17 octobre 2017 à l'âge de 100 ans. Sa vie durant, elle n'aura cessé de se défendre d'avoir "collaboré" pendant la Seconde guerre mondiale.

Deux éléments sont revenus sans cesse hanter sa carrière. En mars 1942 d'abord, elle monte dans un train, surnommé rapidement "le train de la honte", à destination de Berlin pour faire la promotion du film "Premier rendez-vous". Le second élément aura été d'avoir signé plusieurs films auprès de la Continental-Films, une société de production française financée par l'Allemagne nazie.

L'ex-mari

Dans un portrait du Monde en 2009, elle déclare: "On m'a traitée de collabo, j'ai dû me justifier plus de cent fois devant le bureau d'épuration." Le "bureau d'épuration" est mis en place au lendemain de la Libération, pour établir qui a commis des actes de collaboration avec l'ennemi et les punir en conséquence, lors de procès sommaires.

Mais, douze ans plus tôt, dans une interview à L'Express en 1997, elle explique pourtant n'avoir pas été vraiment inquiétée.

"Le Chagrin et la pitié"

Danielle Darrieux a commencé à réellement souffrir de cette étiquette en 1971. Cette année, est diffusé sur les écrans "Le chagrin et la pitié" de Marcel Ophüls. Le film vient casser l'image d'une France résistante et décrit les faits de collaboration des Français. Pour les illustrer, le fils de Max Ophüls choisit de diffuser, entre autres, des archives d'actualités montrant le fameux "train de la honte".

Dans son livre "Danielle Darrieux, une femme moderne", Clara Laurent raconte:

"Le Chagrin et la pitié" connaît un succès retentissant, qui dépasse les frontières hexagonales. "Ce voyage à Berlin (...) représente dès lors un symbole de l'ignoble collaboration du monde du spectacle français", commente Clara Laurent.

Le succès

Remontons en 1941, afin de retracer l'histoire de ce "train de la honte". Cette année-là, l'actrice est séparée du réalisateur Henri Decoin qui l'a mise en lumière dans des comédies ("Le domino vert", "J'aime toutes les femmes"...) et des drames ("Abus de confiance" et "Retour à l'aube"). Elle a déjà de nombreux films à son actif et se voit arroger le surnom de "fiancée de Paris". Son début de carrière commence sur les chapeaux de roue.

L'Occupation ne met pas un terme à ses activités, comme pour de très nombreux artistes, tels Charles Trenet, Edith Piaf ou Jean Marais. Poussée par Henri Decoin, elle se fait embaucher par la Continental-Films, une société de production française financée par l'Allemagne pendant l'Occupation. Elle jouera dans plusieurs films, dont "Premier rendez-vous", réalisé par son ex-mari Henri Decoin, et qui remportera un franc succès.

Le coup de foudre

À la même époque, elle rencontre Porfirio Rubirosa, ambassadeur de la Dominique en France. Le coup de foudre avec "Rubi" est immédiat. Elle déclare à L'Express, en 1997:

Mais l'idylle est percutée en plein vol. Le gouvernement de Vichy ne supporte plus son comportement irascible et provocateur. Il n'hésite pas à clamer haut et fort détester les Allemands. Il est inculpé d'espionnage anti-allemand, arrêté et enfermé à Bad Nauhem au nord de Francfort. Danielle Darrieux raconte en 1997 : "Alors que j'étais en plein tournage, ils l'ont emprisonné (...) dans un camp surveillé pour diplomates étrangers. J'étais folle amoureuse et on m'arrachait l'homme de ma vie, j'étais désespérée..."

 

Le chantage

Quelques semaines plus tard, le directeur de la Continental, Alfred Greven lui demande de participer à un voyage de promotion du film "Premier rendez-vous" à Berlin. "Comme je refusais, explique-t-elle, il a commencé à me faire un chantage monstrueux, me conseillant de ne pas oublier que ma mère vivait à Paris et qu'il pouvait très bien lui arriver quelque chose."

Contrainte et forcée, elle accepte, mais à la seule condition qu'elle puisse voir son fiancé. Le deal est posé. Elle obtient un laissez-passer pour rejoindre Rubirosa à Bad Nauhem.

Le mariage

Après avoir obtenu sa libération, Danielle Darrieux se marie avec Rubirosa en octobre 1942 à... Vichy. À cette époque, la sous-préfecture de l'Allier accueille le gouvernement de Laval et Pétain. Mais Danielle Darrieux se défend: "Cela ne signifiait rien pour moi. Vichy était une mairie comme une autre". Quelques mois plus tôt, le gouvernement avait organisé la rafle du Vel d'Hiv.

Une fois installée à Mégève, Danielle Darrieux rompt son contrat avec la Continental et ne tournera aucun autre film pendant l'Occupation. Les pontes de la société toquent à sa porte avec insistance pour qu'elle reprenne les chemins des studios. Mais elle résiste à Alfred Greven, le directeur. En rétorsion, il interdit à la presse de publier le nom ou les photos de l'actrice.

Mais à la Libération, Danielle Darrieux reprend les tournages et elle fera plusieurs fois la couverture de la revue Cinémonde entre 1946 et 1947. L'actrice s'en sera mieux sortie qu'Arletty qui paya de sa carrière sa relation amoureuse avec un soldat allemand, alors même qu'elle n'avait jamais été embauchée par la Continental.

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