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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Pour en finir avec l'affaire Grégory...

Seule la vérité peut affronter l'injustice.
La vérité, ou bien l'amour.
Albert Camus

Patricia Tourancheau...

On la connait pour ses articles dans Libération et dans Les Jours.

On la connait aussi pour son livre paru en mars 2017 "Le 36 -  histoires de poulets, d'indics et de tueurs en série"

Sur l'affaire Grégory, Patricia Tourancheau a écrit 16 longs papiers dans Les Jours...

Et a publié un livre les résumant en janvier dernier.

"Grégory. La machination familiale".

Je rejoins parfaitement son analyse tout comme celle de Laurence Lacour.

Après "Complément d'enquête", une excellente émission présentée par Jacques Cardoze "Grégory. La malédiction des juges" le jeudi 6 septembre dernier (voir vidéo en annexe)...

Où on apprend, que, suite à la lettre du corbeau revendiquant le crime, et, après avoir examiné les écritures de 147 dictées, l'experte graphologue Marie Jeanne Berrichon-Sedeyn avait déjà désigné Bernard Laroche comme auteur de la lettre.

Mais que les conclusions de cette expertise vont disparaître à cause d'une simple négligence du juge Lambert. 

(NDLR Ecoutez sur le replay de l'émission comment le colonel de gendarmerie Sesmat casse le juge Lambert.)

Après la très médiocre émission de Dominique Rizet du dimanche 9 septembre dernier sur BFMTV dans "Affaire suivante" où apparaît Marie-Ange Laroche....

Emission où Me Gérard Welzer prétend vouloir faire interdire les images télévisées de l'arrestation en direct de Bernard Laroche....

Alors que se prépare une série "Affaire Grégory" sur Netflix...

Alors que la Cour de Cassation examine aujourd'hui mardi 11 septembre, la question prioritaire de constitutionnalité déposée par Murielle Bolle qui conteste sa garde à vue de Novembre 1984, dans laquelle elle avait incriminé Bernard Laroche...

Trop fière que ce soit le travail de deux consoeurs qui apporte toute la lumière sur cette douloureuse affaire.

...............

Chapitre 2 : Enlèvement et séquestration suivie de mort (pages 19 à 23)

A en croire les juges et gendarmes de Dijon qui ont relancé l'enquête en toute discrétion à partir de 2008, le grand-oncle et la grande-tante de Grégory. Marcel Jacob et Jacqueline, née Thuriot, auraient non seulement incarné les voix du corbeau de la Vologne qui croassait des horreurs à des membres de la famille Villemin et tenu la plume empoisonnée qui menaçait de mort le fils du "chef", Jean-Marie Villemin, mais ils auraient également participé au rapt et au meurtre de l'enfant. Malgré leur âge, ces retraités de la filature qui atteignent les 72 et 73 ans, n'ont pas échappé à une arrestation inopinée le matin du 14 juin 2017. Le droit au silence invoqué par la femme tout au long de sa garde à vue et les protestations d'innocence de l'homme n'ont pas infléchi Claire Barbier, la présidente de la chambre de l'instruction de Dijon, qui les a mis en examen pour "enlèvement et séquestration suivie de mort" du mineur Grégory Villemin, le 16 octobre 1984. Car pour le procureur général de Dijon Jean-Jacques Bosc, en kidnappant l'enfant, ce corbeau à deux têtes aurait concrétisé le projet criminel envisagé dans un millier d'appels téléphoniques et trois lettres anonymes. Pas forcément tout seuls. Sûrement en compagnie de Bernard Laroche, cousin de Jean-Marie Villemin, qui fut inculpé et emprisonné pour cet assassinat à l'époque, puis abattu à sa libération par le père de Grégory. Si son décès a entraîné l'extinction de l'action judiciaire à son encontre, son rôle, établi alors, a consisté à embarquer Grégory à bord de sa voiture verte. Or, aux yeux du haut magistrat de Dijon, "toutes les personnes qui ont concouru à l'enlèvement sont les auteur du crime".

Un corbeau à deux têtes

Marcel et Jacqueline Jacob ont été remis en liberté le 20 juin 2017 en raison de leur âge, mais demeurent soumis à un contrôle judiciaire. Si leurs avocats, Stéphane Giuranna et Gary Lagardette dénoncent "la faiblesse des charges" contre ces deux retraités d'Aumontzey, les parents de Grégory les considèrent comme les suspects numéro un du meurtre de leur fils et ont, selon Me Thierry Moser, "ressenti une grande douleur suite à la révélation de la félonie de certains membres de la cellule familiale".

Depuis les années 1980, le couple Jacob habite une demeure repeinte en mauve au 365, chemin de la Côte, là-haut sur la colline d'Aumontzey, à côté de chez feu Bernard Laroche et Marie-Ange Bolle, avec une vue plongeante sur la bâtisse des grands-parents de Grégory qui permet de les surveiller et d'identifier leurs visiteurs. Dans ce village de 450 âmes où tout se sait, les corbeaux en connaissent davantage encore sur les secrets de famille des Villemin, les infidélités et les soucis de chacun, grâce à Bernard Laroche qui les tenait de Michel Villemin, le frère aîné de Jean-Marie, présenté comme illettré et mis à l'écart. La veille du kidnapping de Grégory, il l'avait d'ailleurs informé des dernières dépenses du "chef" : un canapé en cuir, des bons crus, bientôt une extension de son pavillon et une nouvelle voiture. Cette débauche de richesses étalée sous les yeux des ouvriers du textile Michel Villemin et Bernard Laroche, dévorés de jalousie à l'égard du contremaître, constituerait pour l'accusation le déclencheur de l'explosion de haine dont le fils fut la victime. Et ce, dix-huit mois après les propos venimeux du corbeau à la voix rauque à Jean-Marie Villemin promettant de s'en prendre à son "mioche".

Délégué CGT à l'usine de textile Ancel de Granges-sur-Vologne, Bernard Laroche est resté un prolo en bleu de chauffe pendant que Jean-Marie Villemin montait en grade et s'enrichissait. Il lui a fallu si années de négociations avec son patron pour devenir cadre, le 1er septembre 1984. De plus, son fils Sébastien, né dix jours seulement après Grégory, souffre d'une hydrocéphalie. Depuis l'été 1981, l'apparition du duo de corbeaux en même temps que l'installation du téléphone chez les Villemin a exacerbé les rancoeurs que l'on remâche sur les hauteurs d'Aumontzey, entre les Jacob et les Laroche, intimement liés. Bernard Laroche a été élevé avec on oncle Marcel chez sa grand-mère Jacqueline Jacob, qui l'a recueilli après le décès en couches de sa mère. Ils ont quasiment le même âge. La vieille dame accueillait également Jacky, le fils illégitime de Monique Villemin, que son mari Albert a reconnu, mais n'acceptait pas. Ce "bâtard" dont le corbeau prenait la défense. Entre ce clan d'exclus et le clan resserré des Villemin, les mauvaises paroles et les regards en dessous sont habituels. Ainsi, en décembre 1982, une dispute éclate entre Marcel Jacob et des membres de la famille ennemie que Jean-Marie Villemin, au caractère entier, tente de calmer. C'est alors que Marcel Jacob crache son venin devant tout le monde : "Je ne serre pas la main à un chef. Tu n'es qu'un rampant qui n'a pas de poils sur la poitrine."

Les gendarmes de la région qui ont repris l'enquête en 2008 sont désormais persuadés que ce projet de meurtre du fils du "chef" Jean-Marie Villemin a été fomenté et réalisé par plusieurs personnes du même clan. Le créneau horaire paraît en effet très serra pour qu'un seul individu ait pu accomplir les étapes successives de ce funeste dessein : tout se passe en trente minutes. A l'époque, les gendarmes d'Epinal ont retracé ainsi la chronologie du 16 octobre 1984. Après son travail à la manufacture vosgienne de confection, la "MVC" comme on dit à Lépanges-sur-Vologne, Christine Villemin récupère à 16 h 50 son fils Grégory chez la nounou qui est allée le chercher à la maternelle, puis le ramène à la maison, 4, rue des Champs, sur la colline, dans un lieu retiré à la lisière de la forêt. Elle lui met un bonnet bleu car il fait frais, pour qu'il puisse rester jouer sur le tas de sable, dans la cour, devant le pavillon. Il est 17 h 05 ou 17 h 10. Elle repasse du linge dans une pièce à l'arrière de la maison. Lorsqu'elle revient avant 17 h 30 pour faire rentrer Grégory, l'enfant n'est plus là. Elle demande au fermier qui conduit son troupeau de vaches, puis au voisin qui balaye ses gravillons, s'ils ont aperçu son petit, mais les deux hommes n'ont rien vu. Elle fonce à bord de sa Renault 5 noire chez la nourrice, puis chez un camarade de classe de son fils pour le retrouver, en vain.

A 17 h 32, Michel Villemin, le frère de Jean-Marie, a reçu le coup de fil du corbeau à la voix rauque qui lui annonce avoir "kidnappé le fils du chef" puis l'avoir "jeté dans la Vologne". Michel sort en coup de vent et alpague, devant chez ses parents, son petit frère de 12 ans, Lionel, pour qu'il ramène en urgence leur mère, Monique. La grand-mère de Grégory appelle sa bru pour la mettre en garde, mais le téléphone sonne dans le vide. Le corbeau, lui, sait déjà que Christine Villemin "est en train de chercher" son fils et qu'elle ne le retrouvera pas. Il l'a dit à Michel. Entre-temps, vers 17 heures, l'un des malfaisants a posté à Lépanges la lettre de revendication du crime adressée aux parents de Grégory qui a été oblitérée à 17 h 15, le cachet de la poste faisant foi.

L'heure du crime reste incertaine. Le médecin de Docelles, qui a examiné à 21 h 30 le corps de Grégory arraché une demi-heure plus tôt aux eaux de la Vologne, avance une mort vers 18 heures. L'autopsie ne donne pas raison au corbeau qui a prétendu avoir "étranglé" l'enfant : selon les légistes, la cordelette autour de son coup servait juste à maintenir son bonnet... Pas de strangulation donc mais "une mort par submersion vitale à double origine, à la fois asphyxique et inhibitrice par arrêt du coeur en contact de l'eau froide". En clair, il s'agit d'une noyade par asphyxie ou hydrocution. Les légistes ne constatent pas de traces de coup ou de défense, pas d'ecchymoses, ni de traces de lien dans la chair. A leurs yeux, Grégory ne s'est pas débattu et a été ligoté soit post mortem, soit après une perte de conscience. Des somnifères ont-ils été utilisés pour l'endormir ou bien est-ce une piqûre d'insuline dont un emballage sera découvert sur les rives de la Vologne ? Nul ne le sait. Car le "petit juge" Jean-Michel Lambert, d'Epinal, qui suit le dossier, n'a pas trouvé nécessaire de demander une expertise toxicologique des viscères de l'enfant. Il ne réclame pas plus d'analyse de l'eau dans les poumons de Grégory à la recherche de diatomées - des microalgues -, afin de les comparer à l'eau de la Vologne. L'examen aurait permis d'être certain que l'enfant n'a pas été noyé dans l'eau d'une baignoire. Pour sa part, le capitaine de gendarmerie d'Epinal, Etienne Sesmat, qui a du mal à raisonner Jean-Marie Villemin, fouille sa maison et l'interroge, mais n'ose pas placer les parents de la victime en garde à vue, ni perquisitionner les lieux, car aucun indice les accusant n'apparaît.

 

Chapitre 7 : Christine, forcément Christine (pages 71 à 78)

En ce début d'été 1985, dans les Vosges, une énième expertise graphologique désigne Christine Villemin comme le possible corbeau. Cette fois, le 5 juillet, le juge Jean-Michel Lambert la convoque et, les yeux fixés sur le bout de ses souliers, assène froidement à "la mère" : "Je lève l'hypothèque et je crève l'abcès. Je vous inculpe pour l'assassinat de votre fils." selon le récit de Christine Villemin dans Le seize Octobre. Puis il signe le mandat de dépôt pour l'expédier en détention contre l'avis du procureur, sans la regarder. Enceinte de six mois, la mère de Grégory se met en grève de la faim dans sa cellule.

(................)

En 1986, Jean-Michel Lambert boucle son instruction. Le 11 septembre, implacable, il aligne dans son ordonnance de mise en accusation vingt-cinq éléments à charge contre Christine Villemin pour faire étayer sa culpabilité et la faire juger. Tout y passe, même des interprétations démenties par les expertises psychiatriques qu'il a lui-même réclamées : "S'il est vrai qu'aucun mobile rationnel ne peut expliquer l'assassinat contre-nature de l'enfant par sa mère, la personnalité déséquilibrée et perverse de Christine Villemin qui transparaît de son activité d'auteur de communications téléphoniques et de lettres anonymes expliquent ce geste." Le 9 décembre 1986, le magistrat savoure son triomphe : la cour d'appel de Nancy renvoie Christine Villemin devant la cour d'assises, sans complément d'enquête.

La fermière, l'amant et la voiture verte

La Fermière Marcelle Claudon, qui habite non loin de la maison des Villemin, est témoin de faits importants le jour du crime en se rendant à sa pâture en compagnie de Claude Colin. Mais elle les a tenus secrets pour ne pas compromettre son amant, qui n'avait rien à faire avec elle dans les parages. Remis en selle, les gendarmes de la section de recherches de Côte-d'Or retrouvent ce contrôleur des lignes d'autobus de la Société des transports automobiles des Hautes Vosges : il avoue. Claude Colin est bien passé boire le café chez les Claudon le 16 octobre 1984 puis a emmené Marcelle à bord de sa Golf blanche jusqu'à son parc à bestiaux. Vers 17 heures, entre la ferme Claudon et la maison des Villemin, sur le chemin de la Bure, ils croisent une voiture qui vient de la rue des Champs où vivent les parents de Grégory. Comme le sentier de la Bure est très étroit, Marcelle, du genre pressée, ordonne d'un geste de la main au conducteur de se ranger. Le chauffeur, "assez corpulent", se gare à l'entrée d'un pré, où tourne une éolienne, pour les laisser passer. La passagère à l'avant est "une femme aux cheveux roux". Et Marcelle dit à Claude qu'il s'agit de Bernard Laroche et de Murielle Bolle.

Mais tout le monde a tenu sa langue. Marcelle a eu peur que les menaces d'incendie de sa ferme se concrétisent. Même lorsque les multiples voisines, à qui elle avait confié ce secret, et Claude Colin, son amant chauffeur, ont fini par éclairer la justice, la fermière a continué de nier. Néanmoins, le juge Simon en a appris suffisamment pour anéantir la première charge retenue par son prédécesseur Lambert sur "l'absence prétendue de toute allée et venue suspecte aux abords de la maison" des Villemin, qui désignait l'inculpée comme "la seule à avoir pu enlever son fils". Idem pour les autres indices retenus contre Christine Villemin que la cour d'appel de Dijon va démonter dans son arrêt de non-lieu du 13 février 1993 (ndlr Christine Villemin est resté inculpée du 5 juillet 1985 au 13 février 1993). Les cordelettes étrangement découvertes au domicile vide des Villemin ? Les magistrats rappellent que "certains journalistes ont accusé le SRPJ de Nancy d'avoir fabriqué des preuves pour accabler l'inculpée" et vont dans ce sens, assénant : "Les enquêteurs de la PJ ont certes déclaré que leur procédure avait été parfaitement régulière, mais un doute est néanmoins permis à ce sujet en raison de la concordance des affirmations contraires." Ils avancent une hypothèse corroborée par une femme ayant aperçu un homme sur le toit du pavillon des parents de Grégory après coup : "On peut supposer que l'assassin, des personnes de son entourage ou des tiers ayant la vocation de justiciers se sont introduits subrepticement dans la maison des époux Villemin et dans ses dépendances, aisément accessibles, pour y déposer des cordelettes accusatrices."

L'empreinte de chaussure de femme dans l'herbe et les traces de pneus d'une Renault 5 analogue à celle de Christine Villemin sur les berges de la Vologne ? Rejetées. Car, d'une part, elle portait des espadrilles ce jour-là et ses autres souliers ne correspondent pas ; d'autre part, il n'est pas prouvé que Grégory ait été jeté dans la rivière à cet endroit-là. Les hauts juges de Dijon se "heurtent à la même objection sur le lieu du crime" en ce qui concerne la voiture ayant creusé une ornière. Le trop vague souvenir de Christine Villemin de l'émission Les Grosses Têtes et de la pub pour la Vache Grosjean, laquelle n'a pas été diffusée le jour du crime? Rien de plus normal pour la cour d'appel : elle écoutait de loin en repassant son linge dans une autre pièce, le 16 octobre 1984, et elle a été "gravement perturbée par les événements dramatiques de cette journée". Quant à la déposition du voisin Bernard Colin, intrigué par les volets clos du chalet des Villemin à 17 heures malgré le soleil qui brillait encore, comme si la mère manigançait quelque chose de pas net, deux voisines ont expliqué que c'était souvent le cas, même par beau temps. Rien d'insolite.

Les témoignages des "filles de la Poste", ayant cru voir Christine Villemin envoyer une lettre à Lépanges-sur-Vologne à l'heure où celle du corbeau a été expédiée, ne sont pas davantage retenus. Car "il existe une confusion sur la date de la part des témoins visuels" avec la commande de vêtements à Vertbaudet postée la veille du crime par Christine Villemin, alors en blouson jaune, comme décrit par ces témoins qui n'ont pas vu le sweat gris que la mère portait le jour de la disparition de son enfant. En outre, la couturière Sandrine l'ayant décrite en train de manoeuvrer devant la Poste est "en mauvais termes" avec sa collègue de la manufacture au point de ne jamais lui adresser la parole.Pour les hauts magistrats de Dijon, ces éléments ne valent rien : "Plusieurs des témoignages qui accusaient l'inculpée ont donc été détruits et le crédit qui s'attache aux autres se trouve grandement fragilisé." Exit la messagère anonyme.

Explorée avec une extrême minutie, la vie privée de Christine Villemin, très tôt orpheline de son père, élevée par sa mère, tombée amoureuse de Jean-Marie à 16 ans, révèle uniquement ine gifle flanquée par Jean-Marie en 1979, suivie d'une fugue de Christine. Ils se sont réconciliés au bout de deux jours puis mariés aussitôt, le 20 janvier. Depuis, souligne l'arrêt, ces époux fusionnels " sont restés très unis même dans les pires épreuves. Aucune infidélité de l'un ou de l'autre n'a pu être établie". De plus, l'excellente couturière, qui, dit-on alors, tient bien son ménage,apparaît aux psychiatres comme une "jeune femme équilibrée" : "Aucun n'a décelé chez elle des troubles mentaux ou des traits de caractère pouvant rendre compte des manifestations d'une haine implacable et du crime monstrueux qui lui étaient imputés." La cour d'appel insiste sur "cette absence de mobile à l'assassinat de l'enfant par sa mère, dont le commissaire Corazzi, principal artisan des accusations portées contre l'inculpé, a dû convenir". Un désaveu en règle du chef de la brigade de la PJ qui avait mis au point un scénario d'infanticide impossible à réaliser en trente minutes.

Conclusion de la cour d'appel de Dijon : "en définitive, aucun des vingt-cinq éléments de conviction initialement retenus par le ministère public à l'encontre de l'inculpée ne justifie son renvoi" devant la cour d'assises. Grâce à ce non-lieu rendu le 3 février 1993 - pas au bénéfice du doute mais en "l'absence de charges" -, Christine Villemin est totalement blanchie. 

 

Chapitre 11

Le Grégory Loto (pages 119 à 121)

Accusés de gagner de l'argent sur le dos de leur fils mort, ses parents publient au printemps 1994 leur carnet de comptes dans leur livre Le Seize Octobre, lequel leur a rapporté 610.000 francs entièrement versés à Marie-Ange Laroche. En 1995; Jean-Marie Villemin doit s'acquitter d'une nouvelle condamnation civile de 450 000 francs qui couvre cette fois le préjudice patrimonial de la veuve de Bernard Laroche et de sa famille. Comme le détaille le journaliste Denis Robert dans Libération du 14 février 1995, le procès pour préjudice patrimonial intenté au père de Grégory permet de "cerner financièrement cette affaire qui a généré une formidable activité économique". Paris Match a viré, en transactions ou en amendes, sur le compte des avocats de Villemin près de 2 millions de francs. Les sommes versées aux Bolle par l'hebdomadaire frisent 1,5 million de francs. Arrivent ensuite France Dimanche, Ici Paris, Détective... Au total le chiffre d'affaires de cet incroyable fait divers qui fait recette s'élève à 6,8 millions de francs : 3,5 millions de francs pour les Villemin, 3,3 millions pour les Bolle-Laroche.

Pour arriver à ces additions, Jean-Marie Villemin a répertorié les quelque quatre-vingt procédures pour diffamation, atteinte à la vie privée ou au droit à l'image. Sur les 3,5 millions de francs gagnés grâce à la presse, Me Garaud s'est indemnisé à hauteur de 1,6 millions de francs, sans compter 700.00 francs de faits divers. Les deux avocats du couple, Mes Thierry Moser et François Robinet ont touché respectivement 60.000 et 50.000 francs : "La technique de Me Garaud consistait à se faire indemniser grâce aux procès contre les journaux, principalement contre Paris Match", assène Libération qui le compare à un "imprésario". Ces calculs démontrent que les époux Villemin ne se sont pas enrichis. Les 800.000 francs qui,au final, leur sont échus ne couvrent pas le manque à gagner sur la vente de leur maison vosgienne et les pertes de salaire liées à l'affaire. Quant aux 600.000 francs versés par la commission d'indemnisation aux victimes pour la mort de Grégory, ils sont alors aux 4/5e bloqués, dans l'attente des futurs jugements. Pour la famille Bolle, le bilan financier est plus positif. Marie-Ange et ses avocats ont perçu 2,2 millions de francs. Sa belle soeur Murielle Bolle a gagné 860.000 francs en procès divers, les autres membres de la famille, environ 500.000 francs. Selon l'expression désabusée de Jean-Marie Villemin, ce casse-tête de l'indemnisation s'apparente à un "Grégory Loto".

(.....................)

Pour en finir...

(pages 244/245)

"Toutefois, les investigations récentes ont permis d'accumuler des témoignages recoupés qui permettent de dessiner un scénario. Ils désignent notamment feu Bernard Laroche comme kidnappeur de Grégory le 16 octobre 1984, vers 17 h 15 à Lépanges-sur-Vologne et comme celui qui conduit l'enfant dans le village e Docelles, non loin du lieu où sera découvert le corps dans la rivière vers 21 heures. A l'hypothèse d'un seul et même homme qui va jusqu'au bout, la justice privilégie désormais celui d'un acte collectif :le ravisseur livre le petit garçon à un ou des complices qui le tue(nt) et le met(tent) à l'eau. Si cette théorie s'avérait, elle induirait qu'un petit clan, jaloux des Villemin, a organisé une sorte de réunion de famille parallèle pour décider du sort du fils du "chef",Jean-Marie Villemin. La justice suppose aujourd'hui que Marcel et Jacqueline Jacob,étrange couple désormais septuagénaire, ont pu participer d'une manière ou d'une autre à cette entreprise criminelle, et tissent autour de ce grand-oncle et de cette grand-tante de Grégory un faisceau de présomptions. Le chef de mise en examen fourre-tout choisi par la justice de Dijon, "enlèvement et séquestration suivie de mort", un vestige de l'ancien Code pénal, et non pas "complicité d'assassinat", laisse entrevoir la faiblesse des éléments concrets sur la réalisation du crime. Où, quand, comment et par qui a été commis le meurtre restent encore des questions sans réponse. Néanmoins, la justice peut transformer les "indices graves et concordants" ayant motivé la mise en examen de ces personnes en autant de charges pour les renvoyer devant une cour d'assises, quitte à requalifier ces faits en "association de malfaiteurs" liée à un projet criminel."

 

......................

Voilà..........

J'espère vous avoir donné envie de lire ce livre en entier. 

Je vous conseille en particulier le chapitre 13 "Une jeune journaliste dans la meute"...

Qui raconte, of course, la douloureuse expérience de la journaliste Laurence Lacour (cf son livre "Le bûcher des innocents") qui était, à l'époque, débutante, et l'envoyée spéciale d'Europe 1 dans les Vosges.

Laurence a choisi le silence devant les derniers rebondissements de juin 2017.

"Laurence Lacour a reçu plus de quatre-vingts demandes d'interview ce jour de juin 2017 où l'histoire a rebondi, et bien d'autres par la suite. Mais elle les a toutes déclinées. "On ne peut pas avoir dénoncé l'emballement médiatique et y plonger dès qu'il repart." Elle fuit les médias, coupe la radio et éteint la télévision dès lors qu'elle entend un sujet sur Grégory. Elle ne lit pas plus les articles de journaux, mais a dérogé à sa règle pour le septième épisode de la série des Jours sur Grégory, soit le chapitre 8 du présent livre, "La mémoire retrouvée du président Simon", que Jean-Marie Villemin, devenu son ami, lui a conseillé de lire."

C'est par ces deux femmes que la vérité s'écrira.

Alors...

Alors, à vous de jouer...

Liliane Langellier

 

P.S. Lire sur ce blog :

 les 4 articles consacrés à l'affaire Grégory.

P.S. 2 Bibliographie :

- Laurence Lacour "Le bûcher des innocents", Plon, décembre 1993.

Réédition Les arênes, septembre 2006.

- Colonel Etienne Sesmat "Les deux affaires Grégory", Belfond, octobre 2015.

- Jacques Corrazi "Le secret de la Vologne", Gérard Louis, février 2004.

- Christine Villemin "Laissez-moi vous dire", Michel Lafon, mai 1986.

- Jean-Marie et Christine Villemin "Le seize octobre", Plon, avril 1994.

Patricia Tourancheau. Grégory. La machination familiale.

Patricia Tourancheau. Grégory. La machination familiale.

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