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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

17 ans. La quête niçoise d'Eric Fottorino.

Tu ne m'aimais jamais assez puisque je t'aimais toujours trop.
Eric Fottorino.

Fotto...

Je le connais depuis longtemps...

Très longtemps.

Avoir un beau-frère au sein du grand quotidien Le Monde a largement facilité les choses..

Pour suivre notamment l'éviction de Colombani par la S.D.R. (Société Des Rédacteurs) en juin 2007 et la nomination d'Eric Fottorino comme directeur du journal.

Et puis...

Et puis, je l'ai retrouvé sur Twitter.

Grâce à lui, je me suis abonnée au 1 Hebdo...

Cet étrange petit journal sans publicité qui traite des sujets de l'actualité de façon un peu différente. Et plutôt littéraire.

Et dont Fotto vante lui-même les mérites à longueur de tweets.

Par lui, j'ai découvert America.

La revue qu'il a lancée au printemps 2017 avec François Busnel.

Et qui, comme son nom l'indique, initie à la prose des auteurs américains sur des grands sujets de société.

Mais, Fotto, je ne le connaissais que de l'extérieur.

Seulement voilà.......

Après "Questions à mon père" et "L'homme qui m'aimait tout bas"...

Où il nous conte son voyage au tendre pays des pères,

Fottorino nous offre, avec "17 ans", une douce déambulation au paysage mémoriel de sa mère.

Contrairement à tous les romans...

17 ans est un roman déconcertant.

Déconcertant...

Car il commence par la fin.

Oui, par le scoop, par la révélation, à ne lire traditionnellement qu'en fin de livre.

La mère d'Eric, Lina, lui balance, lors d'un déjeuner familial et dominical, que...

Trois ans après sa naissance...

Elle a accouché d'une petite fille qu'elle a dû de suite abandonner.

"Le 10 janvier 1963, j'ai mis au monde une petite fille. On me l'a enlevée aussitôt. Je n'ai pas pu la serrer contre moi. Je ne me souviens même pas de l'avoir vue. D'avoir vu d'elle le moindre détail. Elle n'est pas rentrée dans mes yeux."

Eric, le premier né, est un enfant non reconnu par son père, le juif de Tunis, Moshé.

C'est le mari de sa mère, le kiné marocain de Fez, Michel, qui lui a donné son nom  "Signorelli" et dans sa lancée, deux autres frères.

Mais, trois ans après la naissance d'Eric...

Lina Labrie était donc de nouveau enceinte...

Et toujours célibataire.

Elle va abandonner sa petite fille sur le diktat de son horrible cul bénie de mère.

"Quand je me suis retrouvée enceinte pour la deuxième fois, ma mère est entrée un matin dans ma chambre. Elle m'a agité un papier sous le nez. "Tu signes ici." J'ai signé. Je me sentais coupable . Tout ce mal que je lui avais fait. Je méritais une bonne leçon."

Lina, la mail aimée.

"Je l'entends encore ma mère. Fille des rues, traînée, putain. Oui, je plaisais aux garçons. Oui je cédais. J'avais besoin de me sentir aimée. Juste aimée. Quand on est transparente pour sa mère, on veut être aimée."

Lina, la mal aimée.

La fille mère (osons ces mots surannés !).

Qui va se retrouver seule à Nice pour accoucher d'Eric.

Loin du regard inquisiteur des bourgeois de Bordeaux.

Regard que craint tant sa mère.

Et voilà que cette ultime révélation maternelle va donner lieu à un voyage initiatique d'Eric.

A Nice.

La bella Nissa.

Retrouver où il est né.

Les odeurs, les rues, les endroits que sa mère a connus.

Alors qu'elle errait seule, bannie de sa famille pour grossesse inopinée.

Seule et vaillante.

Nice.

Une quête de la mère à nulle autre pareille.

La rencontre avec Betty, cette antiquaire qui a accouché d'un fils le même jour que Lina.

Et au même endroit.

L'absence subie de Moshe, le juif géniteur.

Nice.

Une découverte rue par rue.

Souvenir par souvenir.

Odeur par odeur.

Un corps à corps pudique avec la mémoire effacée.

Aidé un tantinet par les legos du docteur Novak.

Se perdre dans Nice pour mieux se retrouver.

Pour se rencontrer.

Et rencontrer enfin celle qui fut sa mère.

Fotto, il a les mots pour le dire.

Il est bouleversant d'authenticité.

Le lire...

C'est déguster panisses et soccas au coucher de soleil sur La Prom'.

"Ma mémoire me roule dans la farine. Une grande traînée blanche."

C'est boire un petit côte de Provence bien frais à La Merenda.

C'est assister à l'incendie du père Noël géant devant l'hôpital Lenval.

C'est humer les odeurs d'huile d'olive et d'oignons grillés qui hantent les ruelles...

"Petit garçon, lorsque Lina me disait : "Tu es né à Nice", je comprenais que j'étais né anis. Ce mot avait un goût de bonbon. Je n'avais pas imaginé qu'il s'agissait d'une ville."

C'est choisir des cartes postales anciennes dans une venelle derrière Le Ruhl.

Modiques pièces d'un ultime puzzle intime à toujours réinventer.

"Le 26 août 1960, à cinq heures du soir, tu t'es ouverte comme la Mer Rouge. Je suis né, sauvé des eaux. Dire que Moshé Moïse a manqué ce spectacle."

La vraie naissance par l'écriture.

"J'ai passé des années à ne pas écrire ce livre... J'ai mis 4 ans à écrire ce texte et j'ai l'impression que j'ai eu les larmes aux yeux pendant 4 ans... Je suis quelqu'un qui écrit pour savoir qui il est" déclare Eric Fottorino à Patricia Martin sur France Inter.

Mais quel bonheur que cet accouchement tardif.

Car ce livre est un cri.

Ce livre est un chant.

Un cri. Un chant. Une ode. Une complainte.

D'un fils à sa mère.

C'est aussi une quête.

D'un fils qui se perd pour mieux se retrouver.

Pour mieux naître enfin à l'amour de sa mère.

Une naissance tardive.

Et émouvante comme celle d'un enfant par trop désiré.

"Il est cinq heures du soir et nous venons de naître"

Liliane Langellier

 

17 ans. La quête niçoise d'Eric Fottorino.
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