Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

15 mars 1954, parution de Bonjour tristesse, premier roman d'une jeune inconnue, Françoise Sagan.

Adieu tristesse
Bonjour tristesse
Tu es inscrite dans les lignes du plafond
Tu es inscrite dans les yeux que j'aime
Tu n'es pas tout à fait la misère
Car les lèvres les plus pauvres te dénoncent
Par un sourire
Bonjour Tristesse
Amour des corps aimables
Puissance de l'amour
Dont l'amabilité surgit
Comme un monstre sans corps
Tête désappointé
Tristesse beau visage.
Paul Eluard (La vie immédiate)

Après "Jours brûlants à Key West"...

C'était la lecture obligatoire.

Histoire de re-lire le premier roman de Françoise Sagan.

Je l'avais lu âgée de 13 ans...

Et je me demande bien ce que j'avais pu y comprendre...

En parler est un défi.

Que je n'oserais affronter.

J'ai donc repéré la meilleure auteure pour le faire...

Anne Berest.

Qui a écrit "Sagan 1954".

Paru chez Stock en 2014.

Pourquoi ce livre ?

C'est un livre de commande, on le sait, mais aussi le fruit de rencontres: "Mon roman précédent, "Les patriarches" (Grasset, 2012)", m'explique Anne Berest, de passage à Bruxelles, "a été finaliste du prix Françoise Sagan. Il a été lu par Denis Westhoff (NDLR: le fils de Françoise Sagan), que j'ai rencontré pour la première fois le soir de la remise du prix. En septembre, il a repris contact avec moi. Il cherchait une jeune romancière pour écrire très vite un livre sur sa mère, pour les 60 ans de la sortie de "Bonjour tristesse". C'est donc un livre de commande mais j'ai fait du sujet mon roman. Ce n'est ni un travail de biographe, ni un travail de romancière. Je l'ai écrit très vite, en cinq mois. Ma vie personnelle était compliquée à ce moment mais je me suis sentie accompagnée comme quand on traverse une épreuve et qu’elle est adoucie grâce aux gens qui vous entourent."

……………………..

"Sagan 1954" dresse aussi un remarquable tableau de la société française alors. "1954", poursuit la romancière,
"c'est Dien Bien Phu, une défaite monumentale de la France. C'est aussi un pays en reconstruction après la guerre, qui tente de remettre la machine économique en route. J'ai eu grand plaisir à faire des recherches et à écrire ce roman historique même s'il est quasiment contemporain. Comment était alors Paris? Comment s'habillait-on? C'est quoi être une jeune fille en 1954? Pourquoi le scandale à la sortie du livre? Je voulais que le décor soit le plus juste possible. J'ai essayé de transposer et de transmettre ici mon plaisir de lectrice."

Le roman est également un formidable portrait de Françoise Quoirez, avant qu'elle ne devienne Françoise Sagan, pseudonyme inspiré par Proust. Anne Berest a fait des recherches, lu des livres, visionné des films, a rencontré Florence Malraux, l'amie de toujours de Françoise  ("elle a été mon sésame en me disant que je pouvais avoir confiance dans la direction très particulière que je choisissais; elle a été ma baguette magique"), et aussi un de ses biographes. Et puis, après tout cela, elle s'est fiée à elle-même. "J'ai juste essayé d'être honnête, les moments imaginés sont annoncés au lecteur. Je fais la différence avec les scènes historiquement vraies."
 
Cela donne un épatant roman, personnel et historique, où se dessine l'itinéraire d'une femme peu commune. Bernard Frank disait: "Sans Sagan, la vie serait mortelle d'ennui." Anne Berest le confirme. "Elle a été un écrivain à succès mais à aucun moment, elle ne semble avoir eu le début du commencement d'une grosse tête. Elle prend tout  à la blague. Elle trouve qu'on fait beaucoup de foin pour ce qu'elle a écrit. Cette nature donne à réfléchir. Ne pas se prendre au sérieux, c'est être plus léger, plus ouvert à l’autre, offrir plus de place à  l'altérité. Le corollaire est que si on ne se prend pas au sérieux, les autres ne vous prennent pas au sérieux. Elle en a souffert. Son écriture n'a pas été prise au sérieux. Un peu comme Colette. C'est le contraire de la posture du grand écrivain. J'ai découvert la complexité d'un être plein de choses qui m'ont passionnée. Elle a été hors norme toute sa vie, déjà à douze ans! Elle était une petite fille drôle, désinvolte. Je l'ai découverte comme si je découvrais un personnage de roman. Elle nous rend un peu plus grands que nous-mêmes. Il n'y a pas un moment de sa vie que j'aie trouvé décevant. Ses promesses d'ado, elles les a tenues toute sa vie. Sa vie, cela a été aimer, être généreuse, polie, délicate."

Même si on connaissait en gros l'itinéraire de l'auteur de "Bonjour tristesse", le livre d'Anne Berest nous le fait ressentir de l'intérieur, dans l'intimité familiale, avec les parents, le frère, la sœur, les amis et la rencontre avec René Julliard. Avec les repas, les fêtes et les sorties, les dépenses et les projets d'achats, les moments de solitude pour écrire et la joie de retrouver les autres ensuite. Sans oublier les séances de photos dont certaines sont reprises dans le volume.
………………
 
Ce roman se lit d'un trait.
 
On le referme un peu désenchantée.
 
Il porte en lui les ferments de tous les autres romans de Sagan.
 
Et je pense plus particulièrement à "La chamade" et à "Un peu de soleil dans l'eau froide".
 
Ce désenchantement à fleur de peau.
 
Cette folle vie entre alcool, voitures de luxe, coke et cigarettes…
 
Il faut lire "Bonjour Tristesse".
 
Parce que c'est une première fois.
 
Et qu'il a la grâce des commencements.
 
Mais je me répète, non ?
 
Liliane Langellier
 
 
P.S. Le personnage de Proust qui a donné lieu au nom de l'auteur est la Princesse de Sagan.
Bonjour Tristesse. Julliard. 1954. Première édition.

Bonjour Tristesse. Julliard. 1954. Première édition.

Bonjour Tristesse. Julliard. 1954. 4ème de couverture.

Bonjour Tristesse. Julliard. 1954. 4ème de couverture.

Bonjour Tristesse. Chapitre Premier.

Bonjour Tristesse. Chapitre Premier.

Bonjour Tristesse. Pages 14 et 15.

Bonjour Tristesse. Pages 14 et 15.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article