Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

« The New Look », sur Apple TV+ : dans la France des années 1940, un couturier « lost in translation »

La série s’intéresse moins à la silhouette dessinée par Christian Dior en 1947 qu’aux accommodements de la mode française avec l’Occupation.

Peut-être un peu dépassée par l’ampleur du budget dont elle dispose pour ses productions originales, la plate-forme de la marque à la pomme n’a pas lésiné sur les moyens pour confectionner les dix épisodes de The New Look. Après Cristobal Balenciaga, et avant Kaiser Karl (les deux sur Disney+), la série créée par Todd A. Kessler (DamagesBloodline) témoigne d’un intérêt renouvelé pour le style français et l’envie d’en dévoiler l’artisanat.

Mais, à l’inverse de Cristobal Balenciaga, qui porte un soin particulier à la reconstitution des tenues dessinées par le créateur espagnol, The New Look s’intéresse à la mode en tant qu’industrie et, surtout, au tournant qu’a constitué la seconde guerre mondiale pour ce microcosme parisien, sommé de se réinventer pour survivre.

Il y a d’ailleurs légèrement tromperie sur la marchandise, puisqu’il est dans la série moins question de la silhouette présentée par Christian Dior en 1947 (le fameux « New Look » théorisé par la rédactrice de mode Carmel Snow, sorte d’Anna Wintour avant l’heure) que des accommodements du milieu avec l’occupation allemande. Par exemple, ceux de Gabrielle Chanel, qui complota avec l’occupant pour tenter de se débarrasser de ses actionnaires juifs, les Wertheimer, alors réfugiés aux Etats-Unis. C’est l’axe qui prend le plus d’espace dans la série, probablement parce qu’il est le plus sulfureux, et qu’il est porté par l’interprétation de Juliette Binoche, très à l’aise dans le rôle de la couturière.

Pudding linguistique

Cette vampirisation se fait au détriment de Dior lui-même (Ben Mendelsohn), qui semble moins préoccupé par la survie de sa maison de couture que par le sort de sa jeune sœur, Catherine (Maisie Williams), activement engagée dans la Résistance. Autour d’eux, quelques personnalités de l’époque – en vrac : Balmain, Balenciaga, Arletty, etc. – vont et viennent, et la série semble osciller, sans jamais choisir, entre la fresque historique et la chronique familiale. La grande absente restant la mode, réduite à quelques croquis, à un défilé de mannequins et à des stocks de tissu.

Surtout que cette petite histoire de France nous est expliquée à grand renfort de cartons indicatifs, visiblement écrits pour un public américain qui aurait séché les cours d’histoire, et qu’elle nous est intégralement servie en anglais, décrété langue officielle de la série et imposé aux acteurs francophones comme à ceux qui ne le sont pas.

Le résultat est un pudding linguistique affecté, à accent variable, dont seule Juliette Binoche, là encore, se tire à peu près bien. L’actrice éclipse sans mal Ben Mendelsohn, hésitant et emprunté, et qui a l’air de se demander ce qu’il fait dans ce costume mal taillé.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article