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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

« Infiltré(e) » : que vaut la série de France 2 portée par Audrey Fleurot ?

La comédienne enfile la blouse d’une chimiste infiltrée au sein d’un réseau de drogue dans un thriller imaginé par les créateurs d’« Un village français ». Alléchant, mais un brin décevant.

 

Après l'Occupation, l'infiltration. Pendant sept saisons, sur France 3, le scénariste Frédéric Krivine et le producteur Emmanuel Daucé ont administré les affaires d'Un village français, chronique subtile et addictive de la France pendant la Seconde Guerre mondiale et l'une des meilleures séries du répertoire hexagonal. Ils se sont retrouvés pour créer Infiltré(e), qui débute ce lundi 25 septembre sur France 2.

C'est dire si l'attente était grande pour cette fiction-événement portée par Audrey Fleurot et réalisée par Jean-Philippe Amar, deux autres piliers de la saga historique. L'ambition l'est tout autant. Pour Frédéric Krivine, il s'agit en effet de « raconter la vanité de la lutte antidrogue en France, de montrer l'évolution d'une société extrêmement dure, où il y a de plus en plus de damnés de la Terre ».

L'objectif de Frédéric Krivine

Jésus (Sumaï Cardenas) est l'un d'eux. Rare survivant du naufrage d'un bateau de migrants albanais, cet orphelin a grandi à Marseille, où il veille férocement, en père de substitution, sur une bande de jeunes mendiants, tout en développant le trafic prospère d'une nouvelle drogue de synthèse : l'UBH. C'est pour le démanteler que Max Vernet (Thierry Neuvic), un commissaire parisien, fait pression sur Aurélie (Audrey Fleurot), chimiste dans la police et mère célibataire aux abois. Pour avoir détourné une saisie de stupéfiants afin d'aider son fils, lui-même dépendant, elle risque la prison… à moins d'infiltrer le réseau et de le faire tomber.

Trois (anti)-héros, donc, pour trois points de vue différents au cœur d'un jeu de dupes criminel dans lequel se croisent les intérêts financiers des uns, politiques et personnels des autres, très loin du bien commun et de la morale. Tel est le parti pris de ce thriller, entre gris clair et gris foncé, qui sacrifie l'ultraréalisme à la dramaturgie : « Les Américains, les Anglais ou les Israéliens pratiquent l'infiltration et installent durablement leurs agents. Ce n'est pas le cas chez nous. Mais c'est un biais commode pour la radioscopie d'un milieu », explique Frédéric Krivine pour justifier le choix de ce sujet peu exploré dans la fiction française.

Infiltré(e) : du retard au démarrage

Autre avantage, selon le scénariste : « L'infiltration garantit une tension dramatique immédiate, puisque cette femme presque ordinaire va vivre sous une fausse identité, dans un mensonge permanent, qui menace sa vie, son entourage et son équilibre psychique. » Pourtant, on peine d'abord à s'intéresser réellement aux déboires de cette chimiste engluée dans sa culpabilité et sa peur d'échouer.

La faute à une première partie qui s'étire trop longuement pour poser les enjeux et à une mise en scène, certes léchée mais parfois ampoulée, qui multiplie les flash-back jusqu'à frôler l'overdose. Il faut attendre le quatrième opus et l'infiltration à proprement parler pour que la série gagne en profondeur et en intensité. Le récit se fait alors prenant, et l'empathie pour ses personnages ambivalents mais finalement attachants joue pleinement. À tel point qu'à la fin, un poil précipitée pour rentrer dans la case – celle d'une minisérie en six épisodes –, on reste un peu sur notre faim, regrettant le temps perdu du début.

Audrey Fleurot fait oublier HPI

Reste l'interprétation solide d'un casting bien dirigé. « Motivée par l'envie de retravailler avec l'équipe d'Un village français, gage d'un projet de qualité », l'omniprésente Audrey Fleurot se démène pour faire oublier l'extravagante Morgane Alvaro, son personnage dans HPI, la série phare de TF1, championne de l'export, et mise sur une salutaire sobriété : « Il faut beaucoup bosser en amont pour avoir l'impression que cela ne coûte rien. J'ai réfléchi, travaillé ma démarche, mon ton. Jean-Philippe [Amar, NDLR] m'a gonflée pour que je convoque ma voix de basse. J'ai beaucoup parlé avec ma voix de vagin », s'amuse celle qui confesse avoir aimé « passer du côté obscur de la force » avec le rôle Aurélie : « Cette femme renaît à la vie au contact des criminels, qui vont se révéler plus humains que ses anciens collègues… »

L'actrice est secondée par un Thierry Neuvic convaincant dans les droites bottes d'un flic prêt à (presque) tout pour faire justice. Mais la véritable révélation d'Infiltré(e), c'est le talent de deux comédiens débutants mais ô combien prometteurs : le charismatique Sumaï Cardenas, casté alors qu'il tractait dans la rue au Festival d'Avignon, et la jeune Charlie Paulet (déjà vue au cinéma dans Tempête), épatante en mendiante frondeuse et amoureuse. Pourraient-ils figurer dans une éventuelle suite ? Frédéric Krivine ne l'écarte pas : «  Infiltré(e) a vraiment été pensée comme une minisérie. Après, la chaîne et le public sont rois… »

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