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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

"Cash" de Jérémie Rozan, la pépite de film de braquage à la française qui fait un carton sur Netflix...

"Les hommes naissent libres et égaux en droits, après, ils se démerdent"
Jean Yanne

Porté par Raphaël Quenard, un acteur en pleine ascension à la gouaille inimitable, "Cash" navigue entre film à suspense et comédie franchouillarde, sur fond de lutte des classes. Drôle et bien rythmé, ce premier long-métrage de Jérémie Rozan est à voir sur Netflix de toute urgence.

Article de Laure Narlian

Il vient tout juste de sortir (jeudi 6 juillet) sur Netflix et il est déjà numéro un des films les plus vus de la plateforme en France. On comprend pourquoi. Cash est un film aux petits oignons qui a tout pour plaire en ce début d’été brûlant. À la fois film de braquage et comédie sociale pétrie d’humour sur fond de lutte des classes, il est surtout porté par un antihéros exceptionnel, Raphaël Quenard, 32 ans, l’acteur français qui monte et dont vous n’avez pas fini d’entendre parler.

Un démarrage sur les chapeaux de roues

D’origine modeste, Daniel Sauveur (Raphaël Quenard) est un jeune gars à l’horizon bouché de la France périphérique qui rêve de grandeur. Il vit "au milieu de que dalle", à un jet de pierre, ou plutôt à un champ de blé, de Chartres, où la famille Breuil, à la tête d’une entreprise prospère de la "Cosmetic valley", fait la loi. Avec son meilleur ami Scania (Igor Gotesman), Daniel s’est juré de ne jamais travailler pour cet ogre capitaliste qui écrase tout, mais il y est rapidement contraint. Engagé en tant que manutentionnaire dans l’usine Breuil & Fils qui organise la distribution de parfums de marques de luxe, il va monter une arnaque pour détourner une partie de la marchandise…

Les premières minutes du film sont délectables. Une sentence de Jean Yanne, "Les hommes naissent libres et égaux en droits, après, ils se démerdent", vous cueille dès la première seconde et on comprend aussitôt de quel côté se place le réalisateur Jérémie Rozan, qui signe aussi le scénario. S’ensuit, durant le générique, un dialogue réjouissant, dans le noir, des deux héros de l’histoire, au sujet du reggae et de Babylone, "une ville gangrenée par le capitalisme et la corruption". Et comme si cela ne suffisait pas, résonne alors l’irrésistible et inusable tube de Yellowman Zungguzungguguzungguzeng qui nous précipite en toute allégresse dans une scène de traque nocturne. Forcément, on se frotte les mains de plaisir par anticipation. Et on ne sera pas déçus du voyage.

La gouaille de Raphaël Quenard au premier plan

Comme dans trop peu de comédies françaises, le rythme ne va jamais ralentir pendant 1h36, et les arnaques et coups bas s’enchevêtrer sans répit les uns aux autres. Parce que bien sûr, rien ne se passe tout à fait comme prévu dans cette escroquerie, Sauveur se retrouvant bientôt à la tête d’une bande de Pieds Nickelés où l’on retrouve beaucoup de visages familiers, ceux des excellents seconds couteaux Antoine Gouy, Grégoire Colin, Youssef Hajdi ou Younès Boucif. Une voix off, celle reconnaissable entre mille de Raphaël Quenard, un timbre nasillard doté d’un accent singulier qui n’appartient qu’à lui, nous tient la main tout du long"La vraie France des heures sup’ nettes d’impôt c’était nous". Mais "Ya pas pires riches que les anciens pauvres", prévient-il : "Dès la première paye, les miens ont ouvert les vannes de la connerie, et bien à fond".

On n’oubliera pas sa gouaille ni sa présence. Car le talent de Raphaël Quenard explose dans la peau de ce personnage assoiffé de revanche sociale, qui prend de l’assurance au fil du récit, passant de loser sans envergure à chef de bande malin et ingénieux avec toujours un coup d’avance. Déjà remarqué dans les séries HP et Family Business et plus récemment dans Chien de la casse, où il donnait la réplique à l’autre étoile montante Anthony Bajon, on le verra bientôt dans Yannick de Quentin Dupieux.

Une bande originale jubilatoire

La musique, utilisée à bon escient pour dynamiser les scènes, est une autre botte secrète du film, auquel elle ajoute une touche jubilatoire. Outre Yellowman, la bande-son mélange habilement le vieux et l'ancien, de JuL (Sousou) aux Specials (A message to you Rudy) et de Bouga du clan IAM (Belsunce Breakdown) aux Gipsy Kings ou Booker T and the MG’s. Il faut dire que Jérémie Rozan, dont c’est le premier long-métrage, connaît la musique puisqu’il est aussi connu pour ses clips, de Kid Kudi à Chromeo. Il a notamment signé la vidéo We Are Your Friends pour Justice vs Simian, le fameux clip dont la victoire aux European MTV Awards en 2006 avait provoqué l’ire de Kanye West et un de ses fameux dérapages publics.

Bien sûr, Cash n’est pas exempt de défauts. Les rebondissements de ce scénario mouvementé sont souvent gentiment prévisibles, et les personnages de seconds rôles restent trop en surface (notamment l’actrice Agathe Rousselle, héroïne de Titane, ici sous-exploitée). Mais l’absence de prétention du réalisateur et son humour franchouillard couplés à de gros clins d’œil à Scorsese et Soderbergh (Les Affranchis et Ocean’s Eleven pour ne pas les citer) embarquent le spectateur. Elles en font une pépite qui pourrait bien devenir culte.

"Cash" de Jérémie Rozan (1h36) sur Netflix

 

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