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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

On a démêlé le vrai du faux dans « Spencer »...

« Une fable tirée d'une vraie tragédie. » C'est ainsi que Pablo Larraín présente Spencer, son biopic sur Lady Di, pour lequel il assume d'avoir mêlé beaucoup de fiction à la réalité. 

 

L’année 1991

Il n’est pas question ici de « mariage du siècle » ou de tragique accident de voiture dans le tunnel de l’Alma. Pablo Larraín n’a pas la prétention de raconter Lady Di de A à Z. Il se concentre sur trois jours dans la vie de la princesse de Galles : les 24, 25 et 26 décembre 1991. Pourtant, de mémoire de commentateur royal, il ne s’est rien produit de particulier lors de ces congés de Noël. Rien, en tout cas, qui ne soit rapporté dans les chroniques de l’époque. Rien, non plus, qui justifierait d’en faire un film de presque deux heures. Mais 1991 est une année charnière dans la vie de la princesse de Galles. Nous sommes dix ans après son entrée officielle dans la famille royale : elle a dit « oui » à Charles le 29 juillet 1981. Que reste-t-il alors de cette cérémonie qui a fait rêver plus de 700 millions de téléspectateurs ? Un vague souvenir nostalgique, tant le couple princier s’est désagrégé en une décennie, et ne peut même plus cacher ses dissensions. En 1991, Charles et Diana font maison à part – elle à Kensington, lui à Highgrove – et n’arrivent même plus à feindre une certaine entente lorsqu’ils doivent se retrouver pour un événement officiel ou un portrait de famille.

Quelques mois plus tard, en février 1992, leur voyage en Inde tourne au fiasco. Pour tenter de démentir les articles de presse qui assurent que leur ménage part à la dérive, ils donnent rendez-vous aux photographes devant le Taj Mahal, mausolée de marbre blanc, symbole de l’amour éternel. Mais à l’heure dite, Lady Di se présente seule devant le monument et prend la pose, tête baissée, regard triste. On glose sur cette photo qui n’a pas besoin de légende : le « mariage du siècle » est devenu le « mirage du siècle », titrent les tabloïds. 

Décembre 1991, nous sommes donc exactement à un an de décembre 1992, date de la séparation du couple princier, actée par le gouvernement de Sa Majesté. Le divorce, lui, attendra août 1996.

Noël à Sandringham

Pablo Larraín a parfaitement reconstitué l’emploi du temps millimétré des Noël de la famille royale. La période des fêtes est un moment précieux pour les Windsor qui se retrouvent, chaque année, à Sandringham House, dans le Norfolk (sauf quelques exceptions de Noël passés au château de Windsor). Élisabeth II s’y installe vers le 15 décembre, pour veiller aux préparatifs. Le reste du clan l’y rejoint le 24 : l’ordre des arrivées n’est pas laissé au hasard, et suit un protocole déterminé. Cette journée de retrouvailles est consacrée aux cadeaux que l’on s’offre après la sacro-sainte heure du thé. Quelques courageux – notamment les princes William et Harry il y a encore quelques années – organisent un match de foot dans le parc, avant de passer à table. Un dîner de gala – pour lequel les dames sont en robe longue, et les messieurs en smoking – assez pantagruélique et servi à 20h15 précises. Le 25, après un copieux english breakfast, la famille royale assiste à l’office en l’église Sainte-Marie-Madeleine de Sandringham. Aux abords de la paroisse, une centaine de sujets attend, massée, pour saluer la souveraine et ses proches. Vient ensuite le déjeuner – une salade de crevettes, une dinde et l’indétrônable christmas pudding –, puis, à 15 heures, la famille se rassemble autour de la télévision pour regarder les vœux de la reine, enregistrés quelques jours plus tôt. Le moment est solennel. Le soir, après un dîner encore très copieux, c’est l’heure de jouer, notamment aux charades, ce qui amuse beaucoup Élisabeth II. Le 26 décembre, férié au Royaume-Uni, est un jour important : il est consacré à la chasse, une passion commune chez les Windsor. Dans Spencer, Diana se montre hostile à cette activité, alors qu’en réalité, ayant grandi dans de grands domaines à la campagne, elle y était familière. Seule Meghan Markle, invitée à Sandringham pour Noël en 2018, aurait refusé d’y participer.

Autre tradition que le film de Pablo Larraín illustre : la pesée à laquelle les invités de la reine doivent se soumettre à l’arrivée puis au départ de ces congés de Noël. S’ils ont pris des kilos, cela veut dire qu’ils ont passé un bon moment. Ce rite a été instauré par George V puis a été perpétué, mais n’a peut-être plus cours désormais.
 
Aussi, le réalisateur fait dire au jeune William – interprété par Jack Nielen – qu’il déteste les Noël à Sandringham. Ce qui est assurément faux : quand après la séparation de ses parents, le prince avait le choix entre passer les fêtes avec sa mère aux Maldives ou avec son père, sa grand-mère et les autres dans le Norfolk, il n’hésitait pas une seule seconde.
 

Où est la police ? 

Certes, la princesse de Galles avait le goût de l’indépendance, ce qui mettait parfois dans l’embarras le palais. Mais de là à s’enfuir seule sans que son service de sécurité s’en aperçoive, c’est tout de même exagéré. C’est pourtant la première scène de Spencer : Lady Di a réussi à échapper à la vigilance de ses gardes du corps, à prendre le volant de sa voiture, et à conduire de Kensington Palace à Sandringham – soit 105 miles et 3 heures de route – sans être importunée. Elle s’arrête même dans une station service pour demander son chemin, le plus naturellement du monde…

Les troubles alimentaires

Spencer ne cache rien des nombreux maux dont souffrait Diana. Notamment sa boulimie, premier symptôme de son mariage malheureux, comme elle l’expliquera, en 1995, dans la fameuse interview accordée à l’émission Panorama : « Vous remplissez votre estomac quatre ou cinq fois par jour, plus encore pour certains, et ça vous donne une sensation de confort. C'est comme avoir une paire de bras autour de vous, mais ce n'est que temporaire. Ensuite, vous êtes dégoûtée face à votre ventre ballonné, et puis vous recommencez encore. C'est un schéma répétitif, qui est très destructeur pour soi. »

Un défilé de mode

Épaulée par Chanel, qui a ouvert à la production ses archives, la costumière Jacqueline Durran s’est inspirée du véritable vestiaire de Diana pour créer les tenues de l’actrice Kristen Stewart. On retrouve notamment le long manteau rouge en tweed et le chapeau noir à voilette qu’avait portés Lady Di pour la messe de Noël, le 25 décembre 1993.

Une histoire d’escalier

Dans le film, Diana, qui s’est réfugiée dans la maison de son enfance, Park House, manque de tomber dans les escaliers. Une séquence certes fantasmée, mais qui en évoque une autre bien réelle. Dix ans plus tôt, le 24 décembre 1981, Lady Di, alors enceinte de son premier enfant, menace Charles de se jeter du haut des marches à Sandringham, s'il ne lui prête pas attention. Ce qu'elle fera : « La reine est sortie, horrifiée, elle a eu tellement peur. Je savais que je ne risquais pas de perdre le bébé, même si j'avais plein de bleus autour du ventre. Quand il [le prince Charles, ndlr] est rentré, il a fait comme si de rien n'était », racontera-t-elle en 1992 au biographe Andrew Morton. 

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