Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

«Le Bazar de la Charité» : réalité ou fiction ?

Le Parisien du 10 décembre 2019

Par Stéphanie Guerrin

Le 4 mai 1897, l'incendie du Bazar de la Charité, un lieu de vente de bienfaisance s'est embrasé faisant plus de 130 victimes. Le reste de l'action mise en scène sur TF1 reste toutefois une fiction comme le soulignent sa créatrice, Catherine Ramberg, et l'historien Bruno Fuligni, auteur de l'ouvrage « l'Incendie du Bazar de la Charité » (aux Editions L'Archipel, 18 euros).

Ils décryptent pour nous les faits historiques et ce qui est pure invention dans la série. Les deux derniers épisodes sont rediffusés ce mardi à 21 heures sur TF1 Séries Films et les huit volets sont disponibles en replay pendant encore sept jours avant leur mise en ligne sur Netflix le 26 décembre.

Les personnages de la série ont-ils existé ?

FICTION. « J'ai inventé tous les personnages, insiste Catherine Ramberg. Pour Lenverpré par exemple, joué par Gilbert Melki, je me suis amusée à créer un vrai méchant, il n'est pas lié à une personne en particulier. En revanche les costumes sont très fidèles, il y a eu un vrai travail de reconstitution à partir de gravures de l'époque. » « Le contexte, les décors, les costumes sont plutôt bien faits, confirme l'historien Bruno Fuligni, mais les personnages sont purement fictifs, les noms utilisés ne se retrouvent absolument pas sur les listes de victimes. »

Parlent-ils comme à la fin du XIXe siècle ?

FICTION. « Avec la chaîne, on a pris le parti de les faire parler presque comme aujourd'hui pour ne pas mettre trop de distance avec le public, justifie la scénariste. Sinon ça nous aurait paru un peu trop froid, trop pompeux. » « Ce choix est effectivement assumé par les scénaristes, embraye l'historien. Tout le monde se tutoie, alors qu'à cette époque on vouvoyait ses parents. C'est impensable aussi de confondre une simple bonne, même défigurée, comme dans la série, avec une fille de famille, elles n'ont pas le même vocabulaire, la même éducation. »

L'incendie a-t-il eu lieu comme dans la série ?

RÉALITÉ ET FICTION. « On a pris quelques libertés pour des raisons pratiques. Il y avait une sorte de cour derrière le Bazar dans laquelle des gens étaient bloqués et ça, on ne l'a pas montré par exemple, admet Catherine Ramberg. Notre bâtiment est en pierre alors qu'en réalité, il était entièrement en planches. »

« L'incendie s'est propagé encore plus vite que dans la série, souligne de son côté Bruno Fuligni. En vingt minutes, les victimes étaient mortes. Le déclenchement notamment a été fulgurant, les premières flammes se sont propagées immédiatement à cause des matériaux utilisés dans la construction du Bazar de la Charité : des bois de résineux et des toiles bitumées. »

Les hommes de la haute société ont-ils été lâches ?

RÉALITÉ. « Il y avait beaucoup d'hommes au Bazar de la Charité car c'était un rendez-vous mondain, assure Bruno Fuligni. Les jeunes hommes pouvaient y approcher les jeunes filles à marier de la bonne société. Il y a eu 131 victimes, seulement sept de sexe masculin, dont deux enfants. Certains hommes y ont échappé parce qu'ils étaient agiles et que leurs vêtements offraient moins de prise aux flammes que les grandes robes, mais des journaux ont indiqué que d'autres s'étaient mal comportés et avaient tapé sur les femmes à coups de canne pour se frayer un chemin. Ces hommes-là n'ont jamais été identifiés, il n'y a jamais eu de poursuites, mais ils ont été attaqués dans la presse, il y a eu des chansons et des caricatures pour se moquer du Baron d'Escampette, des Chevaliers de la Frousse… »

Les hommes du peuple se sont-ils comportés en héros ?

RÉALITÉ. « Il y a eu deux catégories de personnes qui sont intervenues, détaille Bruno Fuligni. D'une part, des passants comme le cocher Georges qui va recevoir la Légion d'honneur, ou le plombier Picquet. D'autre part, il y avait un grand Hôtel dont les cuisines donnaient sur l'arrière du Bazar avec une petite fenêtre à barreaux que le cuisinier a cassé à coups de marteau. Cela a permis à une centaine de personnes d'échapper aux flammes de ce côté-là. Les pompiers sont aussi intervenus mais uniquement pour empêcher la propagation des flammes. Ils n'ont tiré personne du brasier parce que c'était déjà trop tard, même s'ils sont arrivés rapidement.

Le cinématographe a-t-il mis le feu au Bazar ?

RÉALITÉ. « Oui et ce n'est pas une surprise parce qu'on sait à l'époque qu'il y avait déjà eu des incendies de ce type, assure l'historien. D'ailleurs au lendemain de l'incendie, des voix se sont élevées pour demander l'interdiction du cinématographe, considéré comme dangereux en soi. Ce sont les frères Lumière qui sont montés au créneau pour expliquer que leur invention n'était pas dangereuse en elle-même mais qu'il fallait utiliser des projecteurs électriques et surtout pas les projecteurs à éther comme au Bazar qui fonctionnent sur une réaction chimique qui dégage des vapeurs extrêmement inflammables. »

La piste de l'attentat anarchiste a-t-elle longtemps été sérieuse ?

FICTION. « Il y avait eu une série d'attentats anarchistes à l'époque, ce qui m'a inspiré pour l'histoire des fausses accusations », explique Catherine Ramberg. « La rumeur de l'attentat anarchiste a brièvement couru, parce qu'effectivement il y avait eu une vague d'attentats de ce genre entre 1892 et 1893. C'était donc quelque chose qu'on avait en tête à l'époque, mais très vite, dès le soir même, on sait que le feu est parti de la cabine du cinématographe avec certitude car il y a des rescapés, dont le projectionniste et son assistant qui n'ont pas caché ce qui s'était passé. »

Le projectionniste a-t-il été assassiné ?

FICTION. « Ça c'est complètement fictif, sourit Catherine Ramberg. On a utilisé cet élément pour nourrir l'intrigue politique. » « En réalité, le projectionniste et son assistant ont été condamnés pour l'incendie, dévoile Bruno Fuligni. Ils ont eu des peines de prison mais avec sursis parce qu'ils font partie des hommes qui ont aidé des femmes à sortir. Ils ont sauvé quelques vies et le tribunal en a tenu compte. »

Les Apaches ont-ils existé ?

RÉALITÉ ET FICTION. Selon l'historien, « il y a un petit anachronisme ». « Le terme Apaches apparaît dans l'affaire de Casque d'or en 1902, l'affrontement entre deux bandes de voyous dans l'Est de Paris pour une prostituée. L'emploi courant se développe ensuite jusqu'en 1914. En 1897, il y avait bien sûr des voyous, des gamins des rues, toute une délinquance dans les rues de Paris. On le voit dans la série et c'est très vrai, mais on ne les appelle pas encore les Apaches. »

La chanteuse de cabaret Eva a-t-elle été assassinée ?

FICTION. « C'est une invention totale, annonce Catherine Ramberg. Même le Boucan est un lieu fictif, on a cherché un lieu un peu pittoresque où se retrouvaient les anarchistes. C'étaient l'époque de ce qu'on appelait les Beuglants, où se produisaient artistes, chanteuses, danseuses… C'était ça notre inspiration. »

 

 

Interprété par Gilbert Melki, Marc-Antoine de Lenverpré est un personnage totalement fictif inventé par la créatrice de la série Catherine Ramberg. Quad TV/TF1/Denis Mani

Interprété par Gilbert Melki, Marc-Antoine de Lenverpré est un personnage totalement fictif inventé par la créatrice de la série Catherine Ramberg. Quad TV/TF1/Denis Mani

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article