Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

"Livrer sur demande" de Varian Fry : La véritable histoire à l’origine de la série imaginée par Netflix, Transatlantique.W

En août 1940, un jeune journaliste américain, Varian Fry, est envoyé à Marseille. Sa mission : faire évader les artistes, les intellectuels et militants politiques de gauche, souvent juifs, menacés par la Gestapo. La modeste organisation qu’il met sur pied s’oppose à l’article 19 de la convention d’armistice entre la France et l’Allemagne : « Le gouvernement français est tenu de livrer sur demande tous les ressortissants désignés par le gouvernement du Reich. » En treize mois, avant que la police de Vichy n’expulse Varian Fry – avec l’aval des États-Unis –, le Centre américain de secours aura, par des moyens légaux ou illégaux, permis l'évasion vers l'Amérique de milliers de réfugiés menacés de déportation – dont des écrivains comme André Breton et Heinrich Mann, des artistes comme Marc Chagall et André Masson. Ce bilan, qui relève de ce qu’on a appelé « la résistance avant la Résistance », apparaît aujourd’hui comme un mouvement de solidarité internationale impulsé par les vestiges du mouvement ouvrier. Cet aspect, le moins connu de l’action de Varian Fry et de ceux qui l’ont accompagné, éclaire un moment historique singulier en même temps que l’héroïsme de l’individu ordinaire face à la déraison d’État.

Extrait :

« À la guérite, nouvelle alerte. Les sentinelles ont examiné attentivement leurs passeports, sans manifester d’intérêt pour M. et Mme Werfel ni pour Mme “Ludwig”. Mais l’un d’eux a porté une attention toute particulière à Golo Mann. Son “affidavit tenant lieu de passeport” spécifie qu’il se rend aux États-Unis pour voir son père, Thomas Mann, à Princeton.
“Comme ça, vous êtes le fils de Thomas Mann ?” a dit la sentinelle. Dans sa tête, Golo a vu clignoter la liste noire de la Gestapo. Pour lui, son sort était scellé, mais autant jouer son rôle avec panache jusqu’au bout.
“Oui, dit-il. Cela vous déplaît-il ?
— Au contraire, rétorque la sentinelle. Je suis honoré de faire la connaissance du fils d’un si grand homme.”
Et il serre chaleureusement la main de Golo puis téléphone à la gare pour demander qu’on vienne les chercher en voiture.

Le côté opéra bouffe de l’aventure a dû nous monter à la tête tandis que nous prenons un déjeuner tardif à l’hôtel, généreusement arrosé de vin espagnol et de xérès. Nous étions convenus qu’en aucun cas, tant que nous serions en Espagne, nous n’appellerions M. et Mme Mann par leur vrai nom. Mais émoustillés par l’approche de la délivrance, on se laisse aller. C’est M. Mann par-ci et M. Mann par-là, Mme Mann ceci et Mme Mann cela – jusqu’à négliger toute prudence.
Il y a du monde dans la petite salle à manger, y compris le consul britannique, que j’ai rencontré lors de mon précédent passage, en août. Alors que nous sommes sur le point de nous servir une autre tournée de cognac, il vient vers moi et pose une main sur mon épaule : “Puis-je vous parler une minute, mon vieux ?” demande-t-il.
Nous sortons dans le couloir.
“Le type âgé qui est avec vous est Heinrich Mann, n’est-ce pas ?”
Je confirme.
“Eh bien, dit-il, à votre place, je me montrerais plus prudent. Vous ne savez pas qui est le type en uniforme, n’est-ce pas ?
— Non. Je ne vois pas du tout qui c’est.
— Eh bien, il se trouve que c’est le chef de la police secrète espagnole de la province. Ce n’est pas un type très sympathique, croyez-moi. Si j’étais vous, je ferais plus attention.” »

.......................................

Voir ci-dessous où acheter le livre :

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article