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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

L'Enfant du 15 août: Régine Deforges est d'acier...

Une bibliothèque est le miroir de celui qui la possède. Elle reflète ses goûts, ses préoccupations, ses curiosités : rien n'est neutre.

Il y a bien des malentendus au sujet de Régine Deforges. Et pas seulement autour de son nom, auquel on ajoute parfois un "s" ("Desforges") ou imagine une particule ("de Forges"). Cette sulfureuse femme de lettres, aujourd'hui âgée de 78 ans, remet les choses en place dans des Mémoires captivants : L'Enfant du 15 août. L'ancienne gamine de Montmorillon, dans la Vienne, revient sur sa jeunesse, les années de guerre et sa passion adolescente pour une fille, Manon. Régine Deforges évoque aussi ses souvenirs d'Afrique, sa montée à Paris, la tuberculose dont elle fut atteinte, ses amours (avec l'industriel Pierre Spengler, l'éditeur Jean-Jacques Pauvert ou le dessinateur Wiaz), son rapport complexe à l'argent, la naissance de ses enfants ou la vieillesse qui désormais "salit [son] visage, tache [ses] mains".

Le name dropping fonctionne à plein, et on s'amuse de la voir se remémorer la cour que lui fit un temps François Mitterrand... Mais le plus passionnant dans ces presque 500 pages tient dans le récit de ses ennuis avec la censure, lorsqu'elle était éditrice (ou même libraire), les livres érotiques qu'elle publiait se voyant quasi systématiquement interdits. Cette féministe n'oublie pas d'autres scandales, parmi lesquels le procès que lui intentèrent les héritiers de Margaret Mitchellvoyant dans sa Bicyclette bleue un plagiat d'Autant en emporte le vent... On retiendra aussi son entrée au jury Femina (qu'elle quitta violemment en 2006): pour les remercier de l'avoir jugée digne de siéger parmi elles, Régine Deforges fit livrer à ces dames... des plantes carnivores! Qui a dit qu'elle manquait de piquant?

Audacieuse, belle, écrivain, éditeur, sulfureuse, censurée, courageuse...

Pour définir Régine Deforges, les qualificatifs ne manquent pas. Elle a eu mille vies et mille aventures, elle s'est engagée sur tous les fronts, elle croit aux livres et aux êtres humains. Ses mémoires sont attendues car on est loin de tout savoir d'elle. Elles sont le témoignage d'un fougueux parcours personnel qui se confond avec la vie intellectuelle et politique de ces cinquante dernières années. Après une enfance dans le Poitou, Régine traverse une adolescence tumultueuse, se marie à dix-huit ans et s'installe à Paris. Elle prend des cours de théâtre au cours Simon, fait un peu de mannequinat mais trouve sa vocation en devenant libraire au drugstore des Champs-Élysées. Elle est représentante pour les Éditions Jean-Jacques Pauvert puis crée sa librairie, se spécialise dans les ouvrages érotiques avant de monter sa maison d'édition en publiant des ouvrages qui déchaînent la censure et lui valent de nombreux procès. Régine Deforges passe de l'autre côté du miroir : elle écrit et connaît d'immenses succès avec notamment la série des romans qui commence par La Bicyclette bleue. Divorcée, elle se remarie avec Pierre Wiazemsky, dit " Wiaz ", le célèbre dessinateur du Nouvel Observateur.
Son ardeur dans la vie n'a d'égale que sa curiosité passionnée pour le monde qui l'entoure. Quelqu'un a dit : " Ce qu'il y a d'important, ce sont les rencontres. " Pas n'importe qui dans la vie de Régine. Des écrivains : Mandiargues, Vailland, Abellio, Hervé Guibert, Pascal Jardin, Pierre Emmanuel, Romain Gary. Des personnages : l'abbé Pierre, Jacques Lacan, Gaston Deferre, Louis Malle, René Andrieu. Les meilleures amies : Sonia Rykiel, Madeleine Chapsal, Geneviève Dormann et la plus admirée : Dominique Aury, l'auteur longtemps mystérieuse d'
Histoire d'O. Un grand homme, François Mitterrand, qui l'emmène diner et lui parle littérature. Tous se pressent autour d'elle avant qu'elle ne reparte courir le monde : le Vietnam, l'Argentine, l'Algérie, Cuba, la bien-aimée. Retour à Malagar, la maison de Francois Mauriac, le grand-père de son mari, détours par Pigalle, les bars mal famés et les rues sombres. Mystérieuse Régine qui veut tout connaître et qui se cache en se dévoilant. Elle raconte aussi sa jeunesse à hue et à dia au fond d'une petite ville et d'une famille traditionnelle qu'elle a voulu fuir à tout prix et sur qui elle se retourne maintenant dans le respect et la tendresse. " Fille de Colette ", a écrit Le Monde, " papesse de l'érotisme ", Régine Deforges ne s'épargne pas dans ces magnifiques mémoires ; elle écrit comme elle vit, avec un style, du courage, un grand charme.

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