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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

21 Juin. Fête de la Musique. Quarante ans déjà...

Quarante ans après le lancement de la Fête de la musique, l’ancien ministre de la Culture, aujourd’hui président de l’Institut du monde arabe, revient sur la manière dont il en a eu l’idée, et comment cette manifestation a pris son essor...

 

Auriez-vous cru, quand vous avez lancé la première Fête de la musique en 1982, que celle-ci perdurerait quarante ans plus tard ?

Absolument pas. Je dois dire que le 21 juin 1982, j’avais le trac ! Il y avait le risque que les gens ne répondent pas. Certes, nous avions préparé un certain nombre d’évènements, comme le camion qu’avait loué Jacques Higelin pour traverser Paris, mais je n’en menais pas large. En outre, le temps était incertain.

Comment vous est venue cette idée ?

C’est une idée simple qui, au fond, appartient à mon tempérament. Depuis mon expérience comme créateur d’un festival international à Nancy, où nous mêlions la spontanéité à l’organisation, j’avais déjà une passion pour la fête, pour les rencontres. Mon tempérament me porte à souhaiter que les gens se mettent eux-mêmes en mouvement.

L’idée a commencé à germer en décembre 1981. J’étais [ministre de la Culture de François Mitterrand] depuis quelques mois, nous avions déjà entrepris beaucoup de réformes – loi sur le prix unique du livre, lancement du Grand Louvre, réforme du cinéma – et j’ai réuni ma petite équipe. Je leur ai demandé de trouver une idée qui mette en quelque sorte les gens en scène, et pas seulement les professionnels ou les créateurs. La musique est venue spontanément à l’esprit ; il existait déjà des milliers de groupes d’amateurs et la musique facilite les rencontres et le partage.

Enfin, il y avait un lien très étroit avec la politique musicale que nous avions engagée. Nous avions la volonté de reconnaître toutes les formes de musique ; nos prédécesseurs étaient surtout tournés vers la musique classique, mais au ministère de la Culture, le rock, les musiques traditionnelles, la techno, la chanson, les variétés, etc., n’avaient pas droit de cité. D’ailleurs, nous avions d’abord pensé intituler cette journée « Fêtes des musiques », pour souligner la pluralité musicale, et pour jouer sur les mots : fête et faites, do it, c’est vous qui serez les créateurs de l’évènement, voilà le message que nous voulions faire passer.

Comment François Mitterrand a-t-il accueilli cette idée ?

« Pourquoi pas ? », m’a-t-il dit quand je lui en ai parlé. J’avais cette chance qu’il m’accordait sa confiance. Plus tard, il s’est pris au jeu. Nous nous sommes plusieurs fois retrouvés au milieu des gens qui le remerciaient. Très vite, il a compris et il m’a dit : « Finalement, votre fête de la musique va rester. Cela restera peut-être comme un marqueur du quinquennat. »

En revanche, François Mitterrand s’est montré très réticent pour accueillir la Fête de la musique, comme il l’était pour ouvrir l’Élysée lors de la Journée du patrimoine. Il a fallu attendre 1988 pour que des évènements soient organisés à l’Élysée. Ensuite, tous les présidents ont suivi. Et je dois dire qu’Emmanuel Macron est fidèle au rendez-vous, qu’il essaie d’inventer chaque fois quelque chose de nouveau, d’original. Ainsi a-t-il fait entrer en 2018 pour la première fois la techno à l’Élysée. Ce qui a créé quelques polémiques…

 

Justement, cette Fête de la musique ne s’est-elle pas institutionnalisée au fil des ans, avec des manifestations organisées dans les ministères ou dans les préfectures… ?

Que les ministères s’en saisissent, on ne peut pas le leur reprocher. Tant mieux s’ils mettent la musique à l’honneur ! Que dirait-on si les pouvoirs publics restaient indifférents ! Mais cela reste un évènement profondément populaire.

Edgar Morin a écrit que la Fête de la musique a remplacé le 14 Juillet qui a perdu son aspect de fête populaire…

Le 14 Juillet, en beaucoup d’endroits, a perdu certains de ses aspects traditionnels. Les retraites aux flambeaux, par exemple, ont quasiment disparu. Ce qu’a voulu dire Edgar Morin, c’est que le 14 Juillet est devenu une sorte de rituel. Alors que le 21 juin, on fête l’été, les gens sortent spontanément de chez eux, il y a une sorte d’état de grâce. Ce qui fait qu’il n’y a quasiment jamais eu aucune violence.

Et la Fête de la musique est devenue internationale. Vous vous y attendiez ?

Je l’ai voulu. Tout ce que j’entreprends, j’ai envie de le faire partager à travers le monde. Aujourd’hui, c’est toute l’Europe qui fête la musique, mais aussi l’Afrique, l’Amérique latine et même en Chine ! Aux États-Unis, l’évènement a lieu dans plus de cent villes américaines. Et cette année, pour les 40 ans, le Carnaval des animaux, de Saint-Saëns, sera joué au pied de la statue de la Liberté, à New York comme à Paris, où un char de la musique partira de notre statue de la Liberté et traversera la capitale.

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