Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

25 janvier 1983. Klaus Barbie est arrêté en Bolivie.

Gustavo Sanchez Salazar a raconté, dans un entretien, dans quelles circonstances il remit Barbie à la France.

Au début, Barbie n’était pour nous qu’un Allemand d’origine douteuse qui collaborait avec les gouvernements les plus réactionnaires de mon pays, en particulier en matière de répression et dans l’organisation de groupes paramilitaires. Ensuite, lorsque Serge et Beate Klarsfeld déterminèrent avec précision que ce conseiller des dictateurs Barrientos et Banzer n’était autre que Klaus Barbie « le boucher de Lyon » et qu’il avait été condamné à mort deux fois en France, par coutumace, pour ses crimes atroces durant la guerre, nous décidâmes de le démasquer, de nous emparer de lui et de faire justice.

La France avait sollicité formellement son extradition : le président Pompidou avait personnellement écrit au général Banzer qui s’était résigné à faire arrêter Barbie. En prison, il vivait comme un prince, il y recevait ses amis et commandait dans les meilleurs restaurants des repas somptueux. La Cour suprême finit pas décréter sa mise en liberté et refusa de l’extrader.

C’est alors que Serge Klarsfeld comprit qu’on ne parviendrait à rien par la voie légale et il commença à imaginer un enlèvement semblable à celui d’Eichmann en Argentine. L’idée, bien entendu, n’était pas de le tuer ni de le maltraiter, mais simplement de le traduire devant un tribunal.

En 1972, Serge Klarsfeld prit contact avec Régis Debray. Celui-ci pensait que je devais m’occuper de l’opération à partir du Chili où j’étais alors en exil. Je suis allé à Paris le 20 octobre 1972. Nous avons mis au point le plan, réuni les fonds nécessaires et, en décembre 1972, nous nous sommes retrouvés à Santiago-du-Chili.

Régis prit contact avec certains de ses amis qui faisaient partie du gouvernement de Salvador Allende et qui acceptèrent de faciliter l’acheminement de Barbie vers l’Europe. Nous pensions le séquestrer en février, pendant les fêtes du carnaval en Bolivie, le faire sortir du pays par le col du Desaguadero où confluent les frontières de Bolivie, du Chili et du Pérou. Mais des difficultés surgirent qui nous obligèrent à retarder l’action : le renversement de Salvador Allende nous empêcha définitivement de mettre à exécution notre plan.

Dix ans plus tard, une fois la démocratie rétablie en Bolivie, le président Siles Suazo me nomma vice-ministre de l’intérieur. Je fis arrêter Barbie. Je savais que je ne pouvais le garder longtemps prisonnier ; que ses amis de l’Internationale noire obtiendraient sa libération et le feraient à nouveau disparaître. Le président Siles informa le gouvernement d’Allemagne fédérale qu’il s’apprêtait à expulser Barbie. Les Allemands réagirent très mollement. Je pense qu’ils n’en voulaient pas.

J’ai alors appelé mon ami Régis Debray qui était conseiller du président Mitterrand. Je lui dis que nous avions arrêté Barbie et qu’il nous fallait l’expulser au plus vite sinon il nous échapperait encore une fois. Il me demanda un délai de quelques heures, le temps de consulter François Mitterrand. C’était normal, mais je lui dis que s’il y avait des problèmes je convoquerais le jour même une conférence de presse pour annoncer publiquement que ni la France ni l’Allemagne ne voulaient se charger du criminel de guerre Barbie.

Une heure après, Régis me rappela pour me dire que le gouvernement français était d’accord. Que le président Mitterrand allait envoyer le soir même son avion présidentiel à Cayenne, en Guyane, où nous remettrions à l’équipage le « paquet ». Ce que nous avons fait.

J’aimerais que le procès qui s’ouvre en France mette en relief quelque chose d’essentiel : que Barbie continua de se comporter en nazi tout le temps après la guerre. D’abord sous la protection des services d’intelligence américains et ensuite en collaborant ouvertement avec les successives dictatures boliviennes. Il fut ici conseiller en torture et en assassinat. À ce titre, il fit exécuter certains leaders politiques importants, comme le dirigeant socialiste Marcelo Quiroga Santa Cruz...

Propos recueillis par Mario Brulzi, parus dans El Periodista de Buenos-Aires, 6 mars 1987.

Le livre de Gustavo Sanchez.

Le livre de Gustavo Sanchez.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article