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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Vingt-deux !

Vingt-deux...

J'avais choisi en un week-end.

J'avais choisi seule.

Je ne voulais pas faire porter aux autres les conséquences de ce choix.

J'avais choisi un retour.

Un retour dans la maison de mon enfance. Un retour à "La Louise".

C'était le moment ou jamais. Le supplément du Grand Magazine fermait, faute de publicités. Yann le Niçois avait proposé de me garder. De me réintégrer.

Mais il y avait un mais. Ou plutôt deux.

Le premier m'obligeait à parcourir la Nationale Douze. De jour comme de nuit. Pour le retrouver dans des chambres de clinique ou d'hôpital. Le premier était mon géniteur. Il battait de l'aile. Et ce n'était certes pas son oiselle qui pouvait lui venir en aide.

Le second... Le second m'avait trahi. Pas au sens physique du terme. Mais bien pire. Au sens littéraire. Il avait offert ses superbes mots à une jeune journaliste. Pour truquer un article. Et, là, oui, c'était la goutte de trop.

Même le croiser dans un couloir me donnait envie de vomir.

C'était le moment ou jamais.

Alors j'ai quitté le Grand Magazine. Alors j'ai claqué la porte de Paris.... Alors j'ai emménagé à "La Louise"....

Je remontais de chez Paul ce jour-là. Nous avions sifflé des petits verres de gnôle locale. En lousdé sur la toile cirée de sa table de cuisine. Avec Pierre. Son copain boucher. Je remontais de chez Paul quand Fernand m'a demandé de quoi nous avions parlé.

J'ai juste dit "Quemin / Quemeneur". Et fait un pas pour regagner mon antre.

C'est tombé comme un couperet. "Tu ne peux pas dire l'affaire Seznec, comme tout le monde. Ils t'ont appris quoi dans ton Grand Magazine ? Encore un qui a payé pour des grossiums !"

Quemin/Quemeneur, je connaissais. Mais Seznec....

Tout s'est enchaîné très vite. Le petit-fils a sorti son livre. Qui trônait en bonne place dans la vitrine de Madame Antoine. Notre Maison de la Presse nogentaise.

La fille de Paul l'a offert à son père. Je l'ai offert au mien.

Un soir où j'étais négligemment assise sur le bras d'un fauteuil du salon, j'ai vu le bouquin. J'ai regardé la 4ème de couverture. Et j'ai demandé à Fernand : "Au fait, il en parle de Quemin/Quemeneur ?"

A sa réponse négative, mon sang n'a fait qu'un tour. J'ai foncé dans ma chambre. J'ai trouvé le numéro de téléphone de l'auteur. Et je lui ai demandé s'il connaissait "la piste de Lormaye" ?

Oui. Il connaissait.

Il avait reçu de nombreuses lettres. Surtout celles d'une institutrice en retraite, Madame Femeau.

Oui. Il s'en voulait de ne pas en avoir parlé mais il allait rattraper tout ça dans la prochaine édition du livre.

J'ai tout de suite proposé de faire l'enquête.

J'ai tout de suite dit que je me battrais pour obtenir un bel espace dans "L'Action Républicaine".

J'ai tout de suite précisé que la notoriété de mon grand-père m'ouvrirait ici toutes les portes.

Le mercredi 7 octobre, à 13 heures, j'interviewais Madame Femeau. Puis, plusieurs fois par jour, j'enquillais les interviews.

Le lundi 12 au matin, je faisais connaissance des archives de Chartres. Qui, à l'époque, étaient tout près de la cathédrale.

Je suis descendue avec Jean-Yves Barzic, un sympathique breton rédacteur en chef de L'Action Républicaine, à Paris. Pour rencontrer le petit-fils. J'avais négocié un quatre pages. Il écrirait sur le livre. Je me réservais Lormaye.

Mon article est paru le mardi 10 novembre.

Il a remué les gens et les mémoires.

Il n'a pas pu remuer celle de Fernand. Qu'un mauvais dernier AVC avait à jamais perturbé. Je garde, comme une image pieuse un peu fragile et écornée dans un missel ancien, ses chers mots : "Tu y arriveras, ma fille. Tu trouveras. Tu es démerdarde !"

Vingt-deux ans...

Vingt-deux ans aujourd'hui que je bosse contre vents et marées

Vingt-deux ans que je sais que je ne suis pas seule...

Liliane Langellier

Vingt-deux !
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