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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout.

Attention à la casse ! Dès les premières pages : panneau "danger". Du pur verre duralex éclaté contre un parpaing.

A chacun d'entre nous d'y récupérer son petit morceau. Gare aux coupures, la romancière ne fournit pas l’adresse où s’acheter du sparadrap pour l’âme ! Pourtant la dédicace ne triche pas et annonce la couleur : « A Muguette (1919-2003) Corps non réclamé. »

Le talent d'Anna Gavalda, c'est de se tenir devant la vie des autres comme on se tient devant un Homard à l'armoricaine. Lentement, méticuleusement, talentueusement, elle décortique. Mais le tour de plume magistral qui fait prendre sa sauce : voilà que c'est notre carapace à nous qui craque. Et bien oui, on en a tous vécu des morceaux de ces vies-là. Tant pis pour l'eau salée, cela fera remonter l'indice de la consommation des ventes de kleenex. Pas simple de plonger dans ce roman. Et de nager sans voir. Car le plus dur à assumer reste la description des pièces du puzzle. Pas de cadeaux ! Dans le huis clos des 300 mètres carrés de cet "incroyable dédale hausmannien", du côté du Champs de Mars, une, deux, trois vies vont se côtoyer. Trois espèces aussi dissemblables que les habitants du zoo de Vincennes. Avec pour seul règlement intérieur : l'interdiction formelle d'épousseter les souvenirs de l'autre ou de prétexter d’un vieux chiffon pour éclairer un coin de buée du velux avec accès privé sur les blessures du voisin.

L'élément déclenchant de la rencontre : une méchante grippe de la jeune femme anorexique qui loue la soupente glaciale du 7e étage. L'aristo vendéen va réussir à surmonter ses névroses d'échec, assorties d’un bégaiement trop classieux, pour lui sauver la vie et l'installer, en tout bien tout honneur, dans la chambre de tante Edmée. Pas si simple quand le co-locataire est un cuisinier qui revendique haut et fort son rôle de super mâle, rustre et mal embouché. Façade : puisqu'il passe son seul jour de liberté à foncer en moto visiter Paulette, sa mémé rien qu’à lui, qu'il vient d'accepter, avec un cœur glaçon, de placer dans la plus laide "des maisons de vieux". Mémé Paulette qui a pourtant bien tenté de toutes ses forces de tenir coûte que coûte - en cachant les bleus de ses chutes - pour avoir le droit de continuer de vivre dans sa si jolie maison, avec son petit jardin du matin et son compagnon chat.

Comment ces trois-là vont-ils pouvoir se supporter avec leurs différences, leurs difficultés de vies et leurs malheurs respectifs en bandoulières. Pour peu qu'une quatrième surprise vienne rejoindre la bande ? Un vrai espoir pour vous donner envie de lire le roman : ils sont tous bourrés de talents inexploités et trop pleins d'amour à revendre.

«J'écris parce que je suis faite pour ça. Le bon Dieu m'a faite ainsi, et je m'incline modestement ! Je sais raconter des histoires, c'est mon petit don à moi.» «[Mes personnages] sont plutôt des gens cabossés. J'aime quand la vie déraille un peu. En l'espace de peu de pages, il faut qu'ils changent. Ce ne sont plus les mêmes à la fin. J'ai de l'affection pour les gens qui ratent et qui le disent.»

Et bien, après l’avoir lue, on ne peut que la croire sur parole l'ex-petite écolière de Coulombs.

Liliane Langellier

Editions « Le Dilettante » 22 euros (8 euros en livre de poche).

Du même auteur : « Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part », « Je l’aimais », « Trente-cinq kilos d’espoir » (pour enfants).

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G
Oui j'ai adoré ce livre et l'auteur
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