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22 Janvier 2023
Si quelquefois un peu d'absence fait grand bien, quelquefois beaucoup d'absence fait grand mal.
Madame de Sévigné - Œuvre : Lettre au comte de Bussy-Rabutin, le 17 juin 1687.
Sur cette mémorable photo...
On est le 31 juillet 1971...
A Chaudon, Eure-et-Loir. Le lieu de vie de ma grand-mère.
J'épouse Jean-Claude Langellier...
Et, à ma gauche, mon témoin, en jolie tunique Bouquin couleur rubis : c'est Philippe Morand...
A la fin de la messe..
Il sonnera lui -même les cloches de la petite église Saint-Médard.
Et, après la fête, il passera le reste de la nuit à La Louise, où papa, dégrisé, au petit matin, lui demandera qui il est.
Philippe...
Nous nous sommes rencontrés l'été 1968 à Bournemouth...
Eté 1968...
Celui de toutes les outrances...
J'ai décidé - unilatéralement - de prolonger mon séjour dans ma famille anglaise de juillet à août...
Papa supplie Chouket de venir me rejoindre.
Pour veiller au grain.
Aussitôt dit, aussitôt fait.
Seulement voilà...
Francis Senghor a décidé, lui aussi, de venir à Bournemouth.
Il a loué une immense baraque avec 9 de ses potes.
Il roule en Alpine blanche.
Joue tous les soirs au casino.
Et fume beaucoup de hasch.
Chouket a aimé son frère Guy à la folie...
Alors, tout cela n'est pas simple.
Quant à moi...
Je papillonne...
Je suis au bord de ma majorité.
La liberté n'est pas loin !
Fringuée Gudule, cheveux longs frisés attachés le plus souvent en catogan ou en chignon bas, sexy et drôle.
Les petits amis ne manquent pas.
Tant anglais que français.
A commencer par Daze, le proprio du Kilt où nous passons nos soirées.
J'ai aussi un lourd crush pour le barman : un jeune noble breton : Bernard Hersart de la Villemarqué de Kermarec.
Il se lancerait bien, mais méfiance ! Je suis de "la bande à Senghor" !
Je flirte beaucoup mais ne dépasse jamais la limite autorisée à toute jeune fille de bonne famille.
Qui se doit d'arriver pure au mariage.
Et puis, un jour, surgit ce beau grand brun bouclé...
Qui ressemble à Julien Clerc dans "Hair".
Je deviens rapidement sa petite amie.
Régulière.
Il a un jeune frère, Frédéric, qui, lui, est là depuis un an, pour suivre les cours de la King School.
Sa petite amie, Marie-Christine, est une ravissante brunette, très stylée, avec quelque chose d'Ava Gardner.
Avec Philippe, on vit différemment nos vacances d'étudiants.
Il m'emmène à Christchurch prendre le thé. Avec, au menu, scones et crème fraîche.
Nous prenons même le train pour Londres, histoire de voir de plus près à quoi ressemble Carnaby Street.
Philippe n'est pas un flirt de vacances.
A Paris, nous allons nous revoir.
Il va me sortir.
Je me souviens d'une délicieuse soirée où nous sommes allés voir Brel dans "L'homme de la Mancha" au Châtelet.
Et d'une party déguisée où je porte le costume de Gigi, loué très cher par maman dans un magasin de la rue Cadet.
Philippe est en costume noir XIXe et chapeau melon.
Il boit trop et finit par vomir par la fenêtre du superbe appartement où nous sommes invités.
Je suis furieuse et j'accepte d'enfourcher (toujours en costume de Gigi) la belle Harley Davidson d'un autre pote...
Folle jeunesse !
Il y aura beaucoup d'autres folles soirées chez les Morand.
Au cours de l'une d'entre elles..
En juin 1969, avec Chouket, j'avale ma première (et dernière) pilule d'amphétamines.
Oui, ce sera l'unique et la dernière.
Je vais danser toute la nuit sur un petit podium et me réveiller le lendemain matin avec d'horribles ampoules aux pieds.
Jamais plus.
Seulement voilà...
En avril de cette année-là...
Je suis tombée raide amoureuse de Jean-Claude Langellier.
L'été 1970...
Alors que mon élu est au service militaire à Hourtin, et, à cause d'une lettre ridicule, nous frisons la rupture.
C'est ce moment précis, que Philippe choisit pour me demander ma main.
Nous marchons sur les quais de Seine.
Mme Morand mère, directrice d'une petite agence de pub, aurait apprécié ce mariage.
Seulement voilà...
Mon Langellier, je vais l'épouser en juillet 1971.
Et Philippe sera mon témoin.
Maman, toujours romantique, jure d'avoir vu, à l'église, couler des larmes sur ses joues.
L'automne 1972, l'agence Publicis Conseil où je bosse, propose un week-end à Londres pour un prix dérisoire.
Nous prévenons Philippe.
Serge de Filippi et sa famille en sont aussi.
Et...
Jean-François Poussard...
Un rédacteur créatif, très en vogue à l'époque, qui bosse avec Serge.
Poussard est un bel être trouble et bisexuel, entre autres...
Au premier petit déjeuner londonien...
Il se pointe avec mon Philippe, et, à peine arrivé dans la salle à manger, lui roule une pelle mémorable. Et le remercie publiquement pour la délicieuse nuit.
Je suis éberluée.
Mais, je me ressaisie vite car je l'aime comme il est, mon Philippe.
Début décembre 1972...
Un soir, à la maison, Poussard, mon Langellier et lui avalent du LSD avant d'aller voir Santana en concert à l'Olympia.
A part quelques joints, moi, je suis restée sobre, juste pour le cas où...
Et surtout pour conduire notre Coccinelle.
Plus tard, il vivra une longue et belle histoire d'amour avec Olivier.
Philippe aussi est devenu concepteur rédacteur dans la publicité.
Philippe et moi, nous ne nous sommes jamais quittés.
Il a été de toutes nos fêtes.
Philippe, en chemise blanche, au fond, soirée adieu de la Rue de Braque, juin 1988.
Mon déménagement pour l'Eure-et-Loir a certes espacé nos rencontres.
Et, c'est terrorisée que je lis, en novembre 2008, l'un de ses posts sur Facebook : un sale cancer de la gorge le mine.
"Enfin je te répond,
Il partira "over the rainbow" le 31 décembre.
Le lendemain de son anniversaire.
Emmenant avec lui tout un pan de mon insouciante jeunesse...
Philippe !
Liliane Langellier
« A la robe de pourpre, à la folle jeunesse »
Frédéric, Olivier et Philippe