Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 1.800 articles.

La Bande du Drugstore, le livre de François Armanet...

« Minets : faux beatniks, dandy haïssant tout ce qui est français – la bande du drugstore est avant tout anti-yéyé. »
Jean Monod, Les Barjots, 1968.

Avec « La bande du Drugstore », livre et film, François Armanet revisitait la jeunesse d’un Parisien qui avait eu 16 ans en 1966, élève du lycée Charlemagne, membre de cette coterie de garçons coquets comme des filles ayant installé leur quartier général au Drugstore des Champs-Elysées. Grâce à lui, la légende s’est fixée : tribu de dandys français, goût britannique extraverti en Morris Cooper vermillon et chemises de Jermyn Street, l’honneur placé dans le pli de pantalon, la marave comme tumulte et les filles comme détail ornemental. Pionniers du rock anglais à Paris, ne jurant que par Them et les Kinks, les frimeurs du Drugstore étaient prometteurs, si l’on songe que s’y croisèrent Jean-Paul Goude et Gérard MansetAntoine Gallimard et Benoît Jacquot, Fabrice Luchini et Boris Bergman. 

Caméléons du possible. François Armanet en rappelle ici les riches heures, mais ce n’est qu’un échauffement. Le cœur de sa rétrospection se situe moins dans la peinture d’une secte éphémère que dans l’étude de ses dérivations : ou comment les minets du Drugstore, endiablés par l’air du temps, multimutèrent à partir de 1967. Ces fondamentalistes de la chemise rayée entrèrent alors dans les vertiges d’une nouvelle ère, dont l’on nous peint ici les contradictions explosées : d’un côté, le puritanisme gauchiste des maos issus de Mai 68, lesquels prolongeaient à leur manière l’esprit de caste, la morgue et l’étiquette des drugstoriens. Mais, en même temps, et chez les mêmes individus, la montée d’une culture libertaire délaissant Carnaby Street pour le LSD californien : lecture de Bakounine et d’Engels, mais blue-jeans de cuir à la Jim Morrison. L’auteur a vécu cette époque comme un sandwich de vertiges. Au long d’une éducation sentimentale passant par des rixes avec les CRS, des motos Triumph et quelques filles-fleurs, il marque bien ce qui restait alors de feu rimbaldien dans la jeunesse française. Leur ordre de la Libération, c’était le concert des Rolling Stones au Palais des sports en 1970, ou les obsèques du jeune militant Pierre Overney. Voilà qui fait le prix de cette brillante fresque : retracer de l’intérieur les flamboyances qui animèrent ces caméléons du possible. Vinrent ensuite Mitterrand, la Bourse et Bernard Tapie. Mais ceci est une autre histoire.

« Minets : faux beatniks, dandy haïssant tout ce qui est français – la bande du drugstore est avant tout anti-yéyé. » Jean Monod, Les Barjots, 1968.

Le terme « minets » apparaît vers 1965 et désigne de jeunes parisiens épris de culture anglaise. Des lycéens de Janson de Sailly ou des étudiants de Sciences-Po qui écoutent les Who et Animals. À une époque où la musique est omniprésente et évolue constamment, les minets n’écoutent que de la pop-anglaise ou de la soul. Parmi ces jeunes, une cinquantaine passent tous leurs jeudis après-midi au drugstore des Champs-Elysées. Ces jeunes forment « la bande du drugstore ».

Leur silhouette est à la fois androgyne et rebelle. Passées par les école catholiques où l’uniforme est de mise, les minets se retrouvent donc dans un style anglo-saxon, neutre. Non pas le style Preppy des étudiants de Cambridge, mais plutôt le style provincial. Des vêtements robustes et élimés, rien n’étant plus déclassant que des vêtements neufs.

Les membres de la bande du drugstore portent les classiques du vestiaire anglais :

  • un blazer à boutons dorés (avec un écusson que l’on aura choisi le plus british possible);
  • une veste en tweed à motif pied-de-poule ou en flanelle;
  • des chemises en oxford à col boutonné, viennent du marché aux Puces de St-Ouen;
  • des trench-coats en gabardine, souvent choisis plusieurs tailles en-dessous;
  • des costumes cintrés en velours viennent de chez Renoma et O’Brial;
  • des cinq-poches en corduroy (les jeans sont laissés au rockers) portés près du corps et courts afin de mettre en valeur une paire de Clarks, des boots à zip de chez Carvil ou des mocassins JM Weston;
  • des pulls shetlands à col rond arrivant au-dessus de la ceinture. Jaune canari, rose bonbon, bleu pale, ces pulls sont choisis dans des couleurs vives.

La bande du drugstore fut une véritable sous-culture. Le mouvement né en 1965, connut son apogée en 1966 avant de disparaître dès 1968. Malgré la brièveté de leur existence, ces minets laisseront à la postérité une silhouette ainsi qu’une image de l’adolescence, indéfectible.

Quatrième de couverture :

"J'ai pas peur des petits minets / Qui mangent leur Ronron au Drugstore".

Au coeur des années 60, la crème des minets a fait du Drugstore des Champs-Elysées le rendez-vous de la frime. Les mecs du Drug étaient les mieux sapés et les plus enragés d'une génération qui ne croyait qu'en elle et s'imaginait tout réinventer : la drague, les michetons, les boums, les "bidons", la casse, les boîtes, les premiers joints, les vacances en Angleterre, les mini shetlands, les mocs Weston et les Morris Cooper.

La bande du Drugstore retrace les 400 coups de trois lycéens que tout oppose, sauf le Drug. Une éducation sentimentale d'avant la pilule, bercée d'Otis Redding et des Yardbirds. La fureur de vivre adolescente d'une France qui s'ennuie.

François Armanet est rédacteur en chef au Nouvel Observateur (après avoir été rédacteur en chef à Libération). Il est l'auteur d'une encyclopédie sur le cinéma de Hong Kong, Ciné Kung Fu (Ramsay, 1987, avec Max Armanet) et de trois romans : La Bande du Drugstore (Denoël, 1999 ; rééd. «Folio», 2003), Enragé (Denoël, 2003 ; rééd. Pocket, 2008) et Kung-fu (Grasset, 2007). Il a réalisé le film La Bande du Drugstore (Festival de Berlin, 2002), un long-métrage sur les minets des années 1960.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article