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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

8 décembre 1980. Assassinat de John Lennon à New York...

"Rêver seul ne reste qu'un rêve. Rêver ensemble devient la réalité."
John Lennon

Le 8 décembre 1980 à New York, John Lennon est accosté par un fan, Mark Chapman (25 ans), qui demande à son idole un autographe. Lennon lui donne. Le soir même, Lennon est tué de 4 balles tirées par Chapman. Ce dernier expliquera son geste par le désir de devenir célèbre.

 

 

La dernière interview de John Lennon aujourd'hui 8 décembre 2020 dans L'Obs...

A l’occasion du quarantième anniversaire de la mort de John Lennon, le 8 décembre 1980, nous republions ici les extraits du livre d’entretiens de Jonathan Cott, « Rencontres avec John et Yoko », parus en avant-première dans « le Nouvel Observateur » du 9 mai 2013.

Il est 7 heures, ce matin du 5 décembre 1980, quand John Lennon s’assied dans le canapé gris perle du bureau de Yoko Ono à New York. Face à lui, Jonathan Cott, journaliste américain du magazine « Rolling Stone » qui réalisa sa première interview du chanteur douze ans plus tôt, en 1968, et qui, au fil des années, est entré dans le cercle très fermé de ses intimes. Cette fois encore, Jonathan introduit une cassette vierge dans son magnétophone. Il ne sait pas que l’entretien, fleuve, sera le dernier auquel participera Lennon qui, trois jours plus tard, sera assassiné.

Historique, l’entretien l’est aussi parce que le chanteur venait de passer cinq ans à pouponner à l’écart des médias, travaillant secrètement à « Double Fantasy », son nouvel album. Le plus grand songwriter du XXe siècle n’est alors plus, comme on va le découvrir dans cet entretien qui paraît aujourd’hui dans sa version intégrale, l’apôtre du pacifisme, de la méditation et de l’amour universel : furieux contre la presse qui s’acharne contre lui, amer, il y confie ses angoisses de père, et ses pannes d’inspiration. Un testament extraordinaire, qui offre un éclairage nouveau sur les dernières années de sa vie, et qui révèle un John Lennon inquiet, méfiant, irritable, paranoïaque – et presque incapable de composer une chanson.

Ma vie de père

[Jonathan Cott demande à John Lennon comment il a vécu ces cinq années de retraite médiatique.]

John Lennon. L’illusion que j’étais coupé de la société est une blague. J’étais juste comme tout le monde, je travaillais de 9 à 5 – à faire du pain, changer les couches et m’occuper du bébé. Les gens n’arrêtent pas de me demander : « Pourquoi tu as disparu, où est-ce que tu te cachais ? » Mais je ne me cachais pas. Je suis allé à Singapour, en Afrique du Sud, à Hongkong, aux Bermudes. J’ai été partout dans ce putain d’univers. […]

Mais tu n’as pas écrit beaucoup de chansons pendant ces années.
Je n’ai rien écrit du tout… Tu sais, ça a été un événement important pour nous d’avoir un bébé – les gens oublient peut-être à quel point il a été dur pour nous d’avoir un enfant et le nombre de fausses couches que Yoko a faites, et combien de fois elle a frôlé la mort… et en fait on a eu un enfant mort-né et plein de problèmes avec la drogue, un tas de problèmes personnels et publics créés par nous-mêmes et nos amis. Mais, bref. Nous nous sommes mis dans des situations stressantes, mais nous avons réussi à avoir l’enfant que nous essayions d’avoir depuis dix ans et, bon Dieu, pas question de tout foutre en l’air.

« Ce sont les mêmes trous du cul qui huaient Dylan »

J’ai été attaqué très très souvent… et depuis le début : « From Me to You » était « indigne des Beatles », n’oublie pas ça. C’est ce que disait le « New Musical Express ».

Ils ont écrit ça ?
Absolument. « Indigne des Beatles. » Bon Dieu, je suis désolé. Peut-être que ce n’était pas aussi bon que « Please Please Me », je ne sais pas, mais « indigne »… Je n’oublierai jamais celui-là parce qu’il me paraît toujours intéressant. Et tu sais à quel point les articles étaient mauvais pour nos albums Plastic Ono ? Ils nous ont littéralement mis en pièces ! « Lamentations simplistes et apitoiements sur leur propre sort » – c’était le point principal. Ce sont les mêmes trous du cul qui huaient Dylan quand il est passé à l’électrique. […]

« Imagine » a été accepté, mais pas les paroles de la chanson, qui ont été qualifiées de naïves, parce qu’on essayait d’imaginer qu’il n’y ait pas de pays ni de nationalités. […]
Mais je ne suis pas le seul. Prends Mick [Jagger], par exemple. Ça fait vingt ans qu’il sort un travail consistant de qualité et tu crois qu’ils vont le lâcher pour autant ? Est-ce qu’ils diront jamais : « Regardez-le, il est numéro un, il a 36 ans et il vient de sortir une magnifique chanson : “Emotional Rescue” ? »

Elle m’a plu, elle a plu à beaucoup de gens. Et que Dieu aide Bruce Springsteen quand ils décideront qu’il n’est plus Dieu. Je ne le connais pas […] mais j’ai entendu d’excellentes choses sur lui venant de gens que je respecte, et il est possible que je sorte du lit pour aller le voir. Pour le moment ses fans sont contents. Il leur a raconté des histoires de soûleries, de filles, de bagnoles et le reste, c’est à peu près le niveau qui leur convient. Mais quand il en viendra à faire face à son succès et à vieillir et à devoir produire encore et encore, ils se retourneront contre lui et j’espère qu’il survivra à ça. Tout ce qu’il a à faire, c’est de me regarder, ou Mick.

Il y a des hauts et des bas – évidemment, mais est-ce qu’on est des machines ? Qu’est-ce qu’ils demandent à ce type, qu’il se tue sur scène ? Est-ce qu’ils veulent que moi et Yoko on se tue sur scène ? Qu’est-ce qui ferait plaisir à ces petites merdes ? […]

« Je déprime »

Je ne suis pas le meilleur père du monde. Je fais de mon mieux. Mais je suis un type très irritable et je déprime. J’ai sans cesse des hauts et des bas, et il a fallu qu’il [son fils] supporte le fait que je sois alternativement absent et présent. Je ne sais pas à quel point cela l’affectera plus tard, mais j’ai été physiquement présent. Nous sommes tous égoïstes, mais je pense que les soi-disant artistes sont complètement égoïstes : penser à Yoko ou à Sean ou au chat ou à n’importe qui plutôt qu’à moi – moi avec mes hauts et mes bas et mes petits problèmes – est un effort. Evidemment, il y a une récompense et une joie, mais quand même…

Donc tu combats ta propension naturelle à l’égoïsme.
Ouais, comme l’habitude de me droguer ou de mal manger ou de ne pas faire d’exercice. C’est aussi dur que ça de donner à un enfant, ce n’est pas naturel du tout. Peut-être que c’est la manière dont on est tous élevés, mais c’est très dur de penser à quelqu’un d’autre, même son propre enfant, de vraiment penser à lui.

Ce dont j’ai pris conscience en lisant « Lennon Remembers » [une interview légendaire] ou la nouvelle interview de « Playboy » [en septembre 1980], c’est que je n’arrêtais pas de me plaindre, d’exprimer combien c’est dur d’écrire une chanson ou de la souffrance que c’est d’écrire – que presque toutes les chansons que j’ai écrites ont été une véritable torture.

La plupart ?
Absolument. Je pense toujours qu’il n’y a rien, que c’est de la merde, que ce n’est pas bon, que ça ne vient pas, c’est mauvais… et même quand ça vient, je pense : « Mais qu’est-ce que c’est que ça ? » On dirait un peu un problème de constipation. C’est tout bonnement stupide. Je pense : « C’était dur, je n’étais pas en forme à l’époque » [rires] et puis je réalise que j’ai toujours dit ça à propos de chaque séance et de chaque chanson, tu sais, excepté pour les dix chansons et quelques que les dieux te donnent et qui viennent de nulle part.

Est-ce que celles que tu as écrites pour « Double Fantasy » sont venues plus facilement ?
Pas vraiment, en fait il m’a fallu cinq ans pour qu’elles sortent. Constipé pendant cinq ans, et après la diarrhée pendant trois semaines [rires].

« Ce qu’ils veulent, ce sont des héros morts »

Tout au long de ma carrière je n’ai choisi – à part un concert, disons, avec David Bowie ou Elton John – que deux personnes : Paul McCartney et Yoko. OK ? J’ai fait entrer Paul dans le groupe de départ, les Quarrymen, et lui a amené George et George a amené Ringo. J’avais mon mot à dire, mais la première chose que j’ai faite, c’était de faire entrer Paul McCartney dans le groupe. Et la seconde personne qui m’ait intéressé autant en tant qu’artiste et que personne avec qui je pourrais travailler, c’était Yoko Ono. Ce n’est pas un mauvais choix. […]

Dans « Woman », tu parles aussi de la façon dont Yoko t’a permis d’exprimer tes sentiments et tu la remercies de te « montrer le sens véritable du succès ».
Il y a un trou du cul qui a écrit un grand article sur moi dans « Esquire ». Ce type passe vingt mois à poursuivre des vaches, des jardiniers et des actes notariés. Je suis occupé à faire un disque et ce trou du cul regarde les vaches. Bordel, mec, de quoi est-ce qu’ils parlent Qu’est-ce que j’aurais dû acheter ? Des esclaves ? Des putes ? [Rires.]

Dans leurs esprits qui sont des putains d’égouts, ils ne pensent qu’à vendre des magazines, des produits que les gens n’ont pas les moyens d’acheter, dont ils n’ont pas besoin et qu’ils sont obligés de remplacer tous les mois… et ils m’accusent de quoi ? Ce type est le genre de personne qui était amoureux de toi et qui te déteste maintenant – un amoureux éconduit. Je ne connais même pas ce trou du cul, mais il poursuivait une illusion, il a cessé de l’aimer et maintenant il hait une autre illusion. Ni l’un ni l’autre des hommes qu’il a décrits n’a jamais existé, ce n’est que dans sa tête. […]

Comme ces petits gosses de Liverpool qui ne nous aimaient que quand nous étions à Liverpool. Il y en a plein qui nous ont lâchés parce qu’on avait du succès à Manchester, pas vrai ? Ils pensaient qu’on était des vendus. Puis ce sont les Anglais qui n’ont pas apprécié notre succès mondial… Qu’est-ce que c’est que ça ? Ils n’aiment les gens que quand ils sont en train de monter, et une fois qu’ils sont en haut, ils n’ont rien d’autre à faire que de leur chier dessus. […] Ce qu’ils veulent, ce sont des héros morts, comme Sid Vicious et James Dean. Ça ne m’intéresse pas d’être un putain de héros mort…

« Je crois toujours à la paix, l’amour et la compréhension »

Je ne prétends pas être Dieu, je ne prétends pas avoir l’âme pure, je n’ai jamais prétendu avoir les réponses à la vie. Je fais juste des chansons et je réponds aux questions avec autant de sincérité que possible, mais seulement avec autant de sincérité que possible, pas plus, pas moins. Je ne peux pas répondre aux attentes des gens parce qu’elles sont illusoires. Je ne peux pas être un voyou à Hambourg et à Liverpool parce que je suis plus vieux aujourd’hui.

Aujourd’hui je vois le monde avec d’autres yeux. Mais je crois toujours à la paix, l’amour et la compréhension, comme a dit Elvis Costello. Qu’est-ce que ça a de si drôle, la paix, l’amour et la compréhension ? C’est la mode d’avoir les dents longues et de taper sur son prochain, mais nous ne sommes pas du genre à suivre la mode.

 

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