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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 1.700 articles.

Gone With The Wind, le film de Victor Fleming (1939) d'après le roman de Margaret Mitchell...

"There was a land of Cavaliers and Cotton Fields called the Old South. Here in this pretty world, Gallantry took its last bow. Here was the last ever to be seen of Knights and their Ladies Fair, of Master and of Slave. Look for it only in books, for it is no more than a dream remembered, a Civilization gone with the wind."

Le saviez-vous ? : Clark Gable a failli quitter (deux fois) le tournage de « Autant en emporte le vent »

Vous pourriez imaginer Autant en emporte le vent sans le charme et le charisme de Clark Gable ? Impossible. L’interprète de Rhett Butler est indissociable du film, comme Vivien « Scarlett » Leigh. Ensemble, le duo mythique a tellement fait rêver qu’il est difficile de songer au classique de Victor Fleming autrement qu’avec leurs traits. Et pourtant, il aurait pu en être autrement. Déjà parce que la phase de casting fut mouvementée mais aussi parce que Clark Gable a failli claquer la porte à (au moins) deux reprises !

A l’époque, Clark Gable n’avait plus rien du jeune premier abonné aux seconds rôles comme c’était le cas aux débuts des années 30. Il avait acquis un statut de star qui le rendait assez puissant dans l’industrie d’alors, régie par les tout-puissants patrons des studios. Même s’il avait raté de peu le rôle de Tarzan (battu par un Johnny Weissmuller jugé plus musclé et meilleur nageur), il avait enchaîné les triomphes comme La Belle de Saïgon face à la sulfureuse Jean Harlow, Les Révoltés du Bounty de Frank Lloyd ou, entre les deux, le délicieux New-York Miami de Frank Capra, qui lui vaudra d’ailleurs un Oscar alors que l’affaire était pourtant sacrément mal engagée. Car, chose importante pour la suite de notre histoire, il faut savoir que notre futur Rhett Butler pouvait être doux comme un agneau, mais qu’il avait aussi son caractère. Un tempérament qu’il savait exprimer quand on lui chatouillait un peu trop les pieds. Pour le film de Capra par exemple, Clark Gable était alors sous contrat avec la MGM. Las de jouer toujours les mêmes rôles, il commença à harceler son boss Louis B. Mayer (le genre de nabab dont on évitait traditionnellement de casser les pieds) et à bouder les propositions qu’on lui soumettait. Pour le calmer, Mayer décida de le « louer » à la modeste Columbia, à la recherche d’un comédien pour jouer dans un film d’un jeune réalisateur sicilien. Personne ne voulait tourner dans New-York Miami, Clark Gable s’y est retrouvé contraint et forcé. Première rencontre entre la star et le réalisateur, Capra explique à Gable qu’ils sont censés faire un film ensemble et lui demande s’il préfère lire le script ou qu’il lui raconte l’histoire. Réponse d’un Gable (très éméché ce jour-là) : « Mon pote, je m’en branle ». Ambiance.

Tout ça pour dire que oui, Clark Gable avait son petit caractère. En 1938, les choses avaient un peu changé. L’acteur était désormais surnommé le « King of Hollywood », surnom ironique lancé par son ami Spencer Tracy et que Gable trouvait stupide. « Toute cette histoire de King est ridicule, je suis juste un gars qui a été au bon endroit, au bon moment » disait-il. En tout cas, parce qu’il était le « Roi », il allait tourner dans LE film du moment. Un film qu’il ne sentait absolument pas au départ, craignant d’y être ridicule. Quand le tournage a commencé, les tensions sont vite arrivées. Le réalisateur George Cukor ne s’intéresse qu’à ses comédiennes, Clark Gable se sent isolé. Puis le tournage vire à la catastrophe, Cukor navigue à vue, improvise, accumule du retard. Il sera viré. Et pour le remplacer, c’est à Clark Gable que l’on soumettra une liste de remplaçants potentiels (preuve de son influence). Ce dernier réclamera son ami Victor Fleming, alors embourbé sur Le Magicien d’Oz. Changement d’ambiance. Fleming, ce fut le contraire. Il ne s’intéressait qu’à son pote Gable et martyrisait ses actrices (comme il avait martyrisé Judy Garland). Mais au moins il avançait, très sereinement puisqu’il n’avait pas vraiment de pression. D’une, on l’avait réclamé et de deux, il avait prévenu le producteur David O’Selznick dès le départ à la lecture du scénario : « David, votre putain de scénario, c’est une vraie merde« .

Bref, on en arrive à ce jour de tournage où tout a failli capoter… une première fois. Parce que l’on était dans l’Amérique des années 30, la ségrégation alors en vigueur était également pratiquée sur les plateaux des studios. Sur Autant en emporte le vent, les comédiens noirs s’en plaignaient entre eux mais beaucoup avaient une famille à nourrir et ne pouvaient se permettre de faire des vagues, sachant pertinemment qu’ils n’avaient que peu d’importance et seraient remplacés dans la minute s’ils l’ouvraient. C’est un figurant du nom de Lennie Bluett (un soldat dans le film) qui décida de tenter sa chance, soutenu par deux camarades. Prenant son courage à deux mains, le jeune « acteur » est allé voir Clark Gable dans sa loge afin de lui exposer le tracas qui agitait les siens. Mais pourquoi Clark Gable et pas quelqu’un d’autre ? Tout simplement parce que le comédien semblait totalement insensible à ces sales histoires de ségrégation, lui qui avait noué une chaleureuse amitié avec Hattie McDaniel, qui campait le rôle de l’adorable Mama. Lennie Bluett lui a expliqué vouloir lui montrer quelque chose. Clark Gable l’a suivi et a découvert les toilettes du studio où les figurants noirs faisant la queue alors que ceux voisins, réservés aux blancs, étaient déserts. Pris d’une colère monstrueuse devant la stupidité de la chose, Clark Gable appela immédiatement Victor Fleming au téléphone en marmonnant que ça n’allait pas se passer ainsi. « Si vous ne virez pas ces panneaux immédiatement, je vous préviens, vous n’avez plus votre Rhett Butler« . Autant vous dire que les panneaux symbolisant « WC pour les blancs » et « WC pour les gens de couleurs » ont été vite dégagés. Et la ségrégation pris fin immédiatement sur le tournage. Opposé à ces pratiques et au racisme de l’époque, Clark Gable réitérera d’ailleurs sa prise de position le 15 décembre 1939, jour de l’avant-première officielle du film à Atlanta. Ce soir-là, dans la capitale de la Géorgie, État bien sudiste par excellence, Hattie McDaniel fut interdite de projection car le cinéma n’accueillait pas les « gens de couleurs ». A nouveau pris d’une colère bouillonnante, Clark Gable décréta que si son amie ne pouvait pas venir, très bien, lui ne viendrait pas non plus. Et autant dire que l’absence de la star du film ne serait pas passée inaperçue. Finalement, ce fut Hattie McDaniel elle-même, dans un élan de classe absolue, qui vînt le raisonner et le convaincra de rester et de se rendre à l’évènement. Craignant la réaction de sa star le soir des Oscars en février 1940 où Hattie McDaniel devait recevoir une statuette (devenant ainsi la première personne de couleur oscarisée), le producteur David O’Selznick a pris les devants et s’est chargé d’appeler l’hôtel Ambassador où se tenait la cérémonie, pour demander une faveur exceptionnelle. En effet, l’établissement refusait catégoriquement la présence de gens de couleur dans ses murs. O’Selznick réussit à obtenir, à défaut qu’Hattie McDaniel puisse être assise à la table de l’équipe du film, qu’au moins elle soit présente et puisse récupérer son Oscar.

Plus léger (et plus drôle), la seconde fois où Clark Gable menaça de quitter le tournage, ce fut pour une question de « larmes » le jour où il a fallu tourner cette scène émouvante où Rhett Butler est effondré aux côtés de Melanie Wilkes (Olivia de Havilland) après la fausse couche de Scarlett. Pour rappel, lors d’une petite empoignade entre les deux époux en haut des escaliers, Scarlett avait voulu frapper Rhett qui avait esquivé le coup, provoquant involontairement sa chute. Une chute qui entraînera ladite fausse couche. Le lendemain, Rhett culpabilise et s’en veut à mort alors que son amie Melanie Wilkes essaie de le consoler. Cette scène posa un énorme souci sur le tournage car Clark Gable… refusait de la tourner ainsi ! En effet, le comédien ne voulait pas pleurer devant la caméra, à plus forte raison pour une femme, estimant que cela risquait d’entacher son image d’homme viril. Très mal à l’aise, Gable menaça encore une fois de quitter le plateau, voire le film. Il fut rattrapé de justesse par Olivia de Havilland qui trouva les mots pour le rassurer et le convaincre de rester et de jouer la scène. C’est d’ailleurs elle qui racontera cette amusante anecdote des années plus tard. Sacré Clark Gable, petit macho à la fierté affirmée, mais grand homme des grands combats.

Alors que se profile la Guerre de Sécession, la belle du Sud Scarlett O’Hara enrage de voir l’homme qu’elle aime, Ashley Wilkes, épouser Melanie Hamilton. Scarlett se marie à son tour, par dépit. La guerre éclate et les hommes sont mobilisés…

La Cause perdue et le déclin du Sud.

Dans son témoignage sur la Guerre de sécession, l’ancien président de la Confédération Jefferson Davis écrit en 1881 : « [Les] instincts serviles[des esclaves] les rendaient heureux de leur état.[…] Jamais il n’y eut de lien plus heureux entre travail et capital. Le tentateur arriva […] et les induisit en erreur avec le mot magique de « liberté ». Il leur mit des armes entre les mains, et il a incité leur nature humble, mais émotive, à commettre des actes de violence, à verser le sang [et à] détruire leurs bienfaiteurs. »

À l’issue de la défaite, Davis enracinait ainsi les anciens États sécessionnistes dans le mythe de « la Cause perdue » : un ensemble de croyances qui tendent à peindre le Sud en idéal de chevalerie et les planteurs en maîtres bienveillants. C’est la seule supériorité du Nord en ressources et en effectifs qui avaient permis de vaincre l’armée de Robert E. Lee. Une armée rassemblée pour défendre les droits des États (par opposition au droit fédéral) et pour lutter contre les agressions répétées à l’encontre du mode de vie sudiste. 

De bien des manières, Autant en emporte le vent adhère au mythe de « la Cause perdue », via l’influence de Naissance d’une nation de D. W. Griffith (1915) dont il se présente parfois comme une variation plus policée et débarrassée de l’encombrante apologie du Ku Klux Klan – il diffère sur ce point du roman de Margaret Mitchell, paru en 1936. 

Des Noirs heureux ?

Dès les premiers plans du films, on voit des esclaves heureux et qui se montreront, après la défaite du Sud, fidèles à leurs anciens maîtres. Ils ont également (la domestique Mammy par exemple, mais aussi la flemmarde et écervelée Prissy, interprétée par Butterfly McQueen, et dont Malcolm X avouait que chaque fois qu’elle se lançait dans son numéro, il voulait disparaître sous terre) le relief comique souvent associé aux Noirs dans le cinéma hollywoodien de l’âge classique. 

Plus largement, le déclin du Sud, sa défaite et la période de la Reconstruction font l’objet de vignettes caractéristiques : l’ex-Confédération ployant sous les taxes ; l’invasion des Carpetbaggers (profiteurs venus du Nord) ; la rêverie mélancolique d’Ashley Wilkes sur le Sud et son art de vivre (le même Ashley aurait, évidemment, affranchi les esclaves de Twelve Oaks à la mort de son père…). 

Tout a été dit des scènes emblématiques du film (le siège et l’incendie d’Atlanta…), de sa production et de son succès hors normes. Le film vaudra à l’actrice Hattie McDaniel le privilège d’être la première comédienne noire à remporter un Oscar (meilleur second rôle, devant Olivia De Havilland). On lui avait interdit de paraître à la première du film à Atlanta, le 15 décembre 1939. Deux mois plus tard, elle viendra chercher en personne sa statuette aux Oscars après avoir été reléguée à une table séparée au fond de la salle. 

 

 

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