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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

A partir du samedi 27 mai sur Arte... Qu’est devenue l’Arche d’alliance ? Documentaire de Thierry Ragobert...

Qu’est devenue l’Arche d’alliance ? Entre textes religieux, fouilles archéologiques et haute technologie, une captivante enquête pour élucider le mystère du coffre sacré qui contenait les tables de la Loi et remonter aux sources de la Bible…

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Selon la Bible, l'Arche d’alliance renfermant les tables de la Loi, les Dix Commandements dictés par Yahvé à Moïse, a accompagné le peuple hébreu dans sa conquête de la Terre promise. Au Xe siècle avant notre ère, le roi David l'aurait installée à Jérusalem, futur berceau du monothéisme. Mais après le siège de la ville et la destruction du Premier Temple par les Babyloniens en 587 avant J.-C., le coffre sacré disparaît à jamais. Depuis, l’Arche mythique aux pouvoirs mystérieux, qui aurait attiré la malédiction sur ceux, comme les Philistins, qui s’en seraient indûment emparés, ne cesse d'enflammer l'imagination des hommes et la convoitise des chercheurs de trésors. Mais a-t-elle seulement existé ? Et la Bible peut-elle être considérée comme un récit historiquement fiable ? Quand, par qui et pourquoi ce texte a-t-il été écrit ? Pour tenter d’élucider cette énigme millénaire, archéologues et historiens entreprennent d’explorer la paisible colline de Kiriath-Jearim, à quelques kilomètres de Jérusalem, qui aurait brièvement accueilli le précieux “sanctuaire portatif” avant son transfert dans la cité. Sur ce site biblique, le seul de la région à n'avoir encore jamais été fouillé, se dressent aujourd’hui une église et un couvent catholiques. Mais en Israël, où l’histoire ancienne relève de l’enjeu idéologique et religieux, la mission scientifique, menée par l'éminent archéologue Israël Finkelstein et le bibliste Thomas Römer, s’avère délicate. En croisant les compétences et les technologies innovantes, et en confrontant le terrain aux textes bibliques, les chercheurs vont pourtant accumuler d’édifiantes découvertes.

 
Labyrinthe foisonnant

Au-delà de la quête du coffre disparu chère à Steven Spielberg (Les aventuriers de l’arche perdue), cette enquête historique traverse plusieurs siècles, au fil d’indices et de vestiges collectés sur des sites antiques, pour remonter aux origines de la Bible et éclairer son récit. De l’expansion du royaume d’Israël sous le règne de Jéroboam II, au VIIIe siècle avant notre ère, à l’avènement du monothéisme en passant par les visées de Josias, roi de Juda, dont les scribes glorifient la capitale Jérusalem à des fins politico-religieuses, une plongée savante dans le foisonnant labyrinthe de l’Ancien Testament, pour décrypter les luttes de pouvoir et les intérêts que servaient aussi ceux qui l’ont écrit.

 

Au cœur d’un passionnant documentaire, Thomas Römer, bibliste et administrateur du Collège de France, codirige une mission scientifique pour mieux comprendre l’histoire de la mythique Arche d’alliance, le coffre qui, selon l’Ancien Testament, aurait contenu les tables de la Loi. Entretien.

 

Pourquoi l’Arche d’alliance continue-t-elle de susciter une telle fascination ?

Thomas Römer : C’est en partie lié, je crois, à sa disparition mystérieuse, qui intrigue puisqu’elle n’est plus mentionnée dans la Bible après la destruction du Premier Temple par les Babyloniens en 587 avant notre ère. Toutes sortes de théories se sont développées autour du destin de ce coffre insaisissable. Son transfert en Éthiopie a été évoqué, ainsi que son enterrement au fond du lac de Galilée. On l’a aussi cherché sous la cathédrale de Chartres et même les nazis s’y sont intéressés. Plus récemment, les aventures d’Indiana Jones ont contribué à nourrir ce fantasme millénaire.

Qu’en dit la Bible ?
Selon le récit biblique, cette arche, qui contient les tables de la Loi reçues par Moïse sur le mont Sinaï, est transportée par les Hébreux lors de la conquête de la Terre promise jusqu’au sanctuaire de Silo, dans le nord d’Israël. Lors d’une guerre, les Philistins s’en emparent, mais elle leur attire une telle série de désastres qu'ils se résignent à la rendre aux Hébreux. Elle parvient ainsi à la ville israélite de Bet Shemesh où la colère divine s’abat à nouveau sur les habitants, qui auraient tenté de l’ouvrir. Pour s’en débarrasser, ils l’envoient sur la colline de Kiriath-Jearim − le site que nous avons fouillé − où elle est gardée par le prêtre Abiathar, avant que le roi David ne l’y fasse chercher pour l’installer à Jérusalem au Xe siècle avant notre ère. Salomon, le fils de David, enfin, l’aurait placée dans le saint du saint du Temple qu’il a construit.

Pourquoi vous lancer sur ses traces ?
L’idée n’était pas de retrouver l’Arche. Il s’agissait de comprendre le rôle de ce magnifique site biblique, encore jamais exploré, de Kiriath-Jearim, dans un pays, Israël, certainement le plus fouillé au monde. L’absence d’investigations archéologiques sur cette colline s’explique par la présence au sommet d’un monastère et d’une église, protégés par la France, puisque des sœurs d’un ordre français, qu’il a fallu convaincre, s’y sont installées dans les années 1920, sur les ruines d’un sanctuaire byzantin.


N’est-ce pas périlleux de s’attaquer à l’histoire biblique en Israël ?
Il a fallu rassurer les uns et les autres, mais l’implication de l’université laïque de Tel-Aviv, à laquelle appartient mon collègue, l'archéologue réputé Israël Finkelstein, avec lequel je coordonne cette mission, apportait la garantie d’une approche scientifique. Nous abordons la Bible comme un document, un puzzle élaboré au fil de différents contextes historiques et idéologiques que nous interrogeons. Bien sûr, déconstruire ce récit n’est pas toujours bien accueilli, mais les religieux, même orthodoxes, ont des réactions plus nuancées qu’on ne le croit.

Qu’avez-vous mis au jour au cours de cette mission ?
Des photos aériennes de la colline laissaient déjà deviner une plate-forme façonnée par l’homme. Notre découverte majeure concerne un mur de fortification trahissant la présence d’un ancien bâtiment ou d’un sanctuaire, qui aurait accueilli l’arche, légitimant le lieu sur le plan religieux. Les hautes technologies, comme la mesure de l’exposition des pierres à la lumière, permettent de le dater du VIIIe siècle avant notre ère, soit près de deux siècles après la date de l’installation de l’Arche à Jérusalem par David selon le récit biblique. À l’époque, deux royaumes coexistaient : celui du Nord, Israël, et celui du Sud, Juda, avec Jérusalem pour capitale. Le mur de Kiriath-Jearim a probablement été construit par le roi Jéroboam II, sous le règne duquel le royaume du Nord a connu sa plus forte expansion. Selon moi, c’est Josias, roi de Juda, profitant plus tard de la disparition du royaume du Nord, qui, au VIIe siècle avant notre ère, fait transférer l’arche à Jérusalem, mais il dicte à ses scribes qu’elle s’y trouve depuis David, le fondateur sacré de la dynastie du Sud. La Bible écrite dans cette perspective "sudiste" légitime ainsi l’autorité politico-religieuse de Jérusalem. Cette hypothèse reste à vérifier.

Ce récit a-t-il aussi vocation à accompagner l’avènement du monothéisme ?
Pas dans l’immédiat, mais la mise en valeur de Jérusalem en tant que seul sanctuaire légitime va contribuer à construire l’idée que Yahvé, le dieu de cette cité, est le seul qu’Israël doit vénérer. On passe d’abord par une étape de monolâtrie, où l’on ne nie pas encore expressément les autres cultes. Le monothéisme se mettra en place plus tard, après la destruction du Temple.


Dans le film, vous êtes ému lors de l’exhumation d’une petite figurine…
C’est, semble-t-il, la tête d’une statuette d’Ashera, une divinité féminine des royaumes d’Israël et surtout de Juda, qui, au regard de sa taille, servait dans le cadre du culte familial. Elle témoigne ainsi d’une activité religieuse dans les maisons autour du site et donc aussi de l’importance de ce lieu. Il est rare de trouver de petits vestiges aussi anciens dans des terrains en terrasse, l’érosion ayant fait son œuvre. Nous espérons en apprendre davantage à la faveur d’une troisième saison de fouilles.

Propos recueillis par Sylvie Dauvillier

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