Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Robert Hébras, dernier survivant du massacre d’Oradour-sur-Glane, est mort...

Le 10 juin 1944, il réussit, blessé, à s’échapper de la grange où il avait été enfermé avec une soixantaine d’otages par les SS de la division Das Reich. Le massacre fera 643 morts. Robert Hébras, qui n’avait cessé depuis d’effectuer un travail de mémoire, s’est éteint samedi 11 février à l’âge de 97 ans.

 

Robert Hébras était né le 29 juin 1925 à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) et était le dernier survivant du massacre qui y fut perpétré le 10 juin 1944 (643 morts dont 260 mineurs, parmi lesquels 68 avaient moins de 6 ans). Il est mort samedi 11 février à 97 ans, ont annoncé dans un communiqué sa famille, Philippe Lacroix, le maire d’Oradour-sur-Glane, et Benoît Sadry, président de l’Association nationale des familles des martyrs d’Oradour-sur-Glane.

Robert Hébras avait 18 ans lorsque le régiment Der Führer de la Panzerdivision blindée Das Reich de la Waffen-SS investit le bourg. Les hommes furent parqués dans les granges, les femmes et les enfants dans l’église. Pour le jeune Robert, ce fut la grange Laudy, avec une soixantaine d’otages, sous la garde d’un détachement et de deux mitrailleuses. Après une heure d’attente, la fusillade éclata. Suivit l’inspection du charnier pour achever les blessés au pistolet et incendier le bâtiment. Il n’y eut que six blessés survivants, cachés sous l’empilement des cadavres.

Le jeune apprenti mécanicien, atteint à la poitrine, à une jambe et à un bras, réussit à s’extirper et à ramper hors de la grange. Il aurait préféré, expliqua-t-il plus tard, être abattu d’une rafale plutôt que de mourir torturé par le feu. Il parvint à échapper aux rondes des SS et à gagner un hameau proche. Il y apprit la mort de sa mère et de deux de ses sœurs, Georgette et Denise, brûlées dans l’église. Son père et sa troisième sœur, absents du village ce jour-là, avaient échappé au massacre.

Le rescapé gagna ensuite le maquis, puis l’armée pour participer aux combats de la Libération. Au sortir de la guerre, il reprit son métier, ouvrit son propre garage, fonda une famille, eut un fils puis trois petits-enfants. C’est alors qu’il entreprit le « travail de mémoire », qu’il allait mener toute sa vie.

Témoignage de survivant

Comme survivant, il témoigne au procès devant le tribunal militaire de Bordeaux, du 12 janvier au 12 février 1953, de vingt-trois ex-SS (neuf Allemands et quatorze Alsaciens). Deux condamnations à mort (dont celle d’un Alsacien) furent prononcées, un Allemand fut acquitté, les autres étant condamnés à des travaux forcés de cinq à dix ans. La semaine suivante, « dans un souci de cohésion nationale », le Parlement vota l’amnistie pour les condamnés alsaciens. Ce vote suscita deux colères antagonistes, et un contentieux durable entre le Limousin et l’Alsace.

Robert Hébras en fut lui-même victime. En 2012, la réédition de son livre Oradour-sur-Glane, le drame heure par heure (Chemins de la mémoire, 1992), dans lequel il évoquait des enrôlés « soi-disant de force dans les unités SS », entraîna une plainte des Associations alsaciennes des évadés et incorporés de force. La cour d’appel de Colmar condamna l’auteur à 1 euro de dommages et intérêts pour diffamation et 10 000 euros de frais de justice. Le 16 octobre 2013, la Cour de cassation annula la condamnation au motif que ces propos « ne dépassaient pas les limites de la liberté d’expression ». Ce qui ne lui épargna pas la vindicte des historiens négationnistes, ni des menaces de mort anonymes.

Parallèlement, Robert Hébras s’était donné un objectif plus ambitieux que celui de témoin : travailler à la réconciliation franco-allemande à partir du village, dont les ruines conservées en l’état sont le lieu le plus fréquenté du Limousin (300 000 visiteurs par an, selon l’office régional du tourisme), notamment par des collégiens et étudiants allemands, pour lesquels il était un guide attentif.

En 1983, il assista à Berlin-Est au procès et à la condamnation (prison à vie, libération pour raison de santé en 1997) de l’un des organisateurs du massacre, l’Obersturmführer Heinz Barth, qui vivait sous une fausse identité en RDA. Il retourna ensuite à plusieurs reprises donner des conférences dans les universités allemandes. Chevalier, puis officier de la Légion d’honneur (2001), titulaire du prix autrichien de la Mémoire de l’Holocauste (2008), de l’ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne (2012), il reçut le 4 septembre 2013 le président de la République fédérale Joachim Gauck, accompagné par François Hollande. Le 10 juin 2017, il accueillit Emmanuel Macron à l’occasion du 73e anniversaire du massacre.

Il a publié plusieurs livres. Notamment, outre Le Drame heure par heure (1992, Les Chemins de la mémoire), Avant que ma voix ne s’éteigne (avec le journaliste Laurent Borderie, Elytel, 2014), il a participé à plusieurs films-documentaires, entre autres Une vie avec Oradour, de Patrick Séraudie (2011), et Der Fall Oradour, Enquête sur un crime de guerre, de Ute Casper (2014).

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article