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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 1.900 articles.

Les Harkis. Le film de Philippe Faucon....

Quand on a épousé un Drouais qui a vu, au début des années soixante, les familles algériennes débarquer avec leurs pauvres bagages en gare de Dreux...

Quand on a écrit sa thèse de journalisme sur "Les Chamards"...

Banlieue de Dreux où de nombreuses familles algériennes ont emménagé après la fin de la guerre d'Algérie, en 1963/1964.

Sans oublier la Cité des Fleurs aux Rochelles.

On ne peut qu'être sensible au sujet des Harkis.

Une récente exposition à Dreux a abordé le sujet.

Un film de Philippe Faucon vient de sortir.

Critique de Clarisse Fabre du journal Le Monde (qui a classé ce film dans la rubrique "A ne pas manquer") :

Philippe Faucon raconte, avec un art du minimalisme, le piège qui s’est refermé sur les combattants algériens ayant rejoint l’armée française.

Les Harkis, de Philippe Faucon, porte au sommet l’art de l’esquisse sur un sujet infiniment complexe et douloureux, la fin de la guerre d’Algérie. Présentée à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, en mai, cette tragédie se concentre sur les années 1959-1962, lorsque les harkis, ces Algériens ayant combattu aux côtés de l’armée française, comprennent que l’Etat français ne tiendra pas ses promesses d’assurer leur sécurité, une fois le camp levé, notamment en les rapatriant en France – les abandonnant avec leurs familles aux représailles des Algériens du Front de libération nationale (FLN). Après La Trahison (2005), chronique de la désillusion d’un lieutenant français pendant la guerre d’Algérie, Philippe Faucon revisite ce conflit peu documenté au cinéma – citons Le Petit Soldat (1963), de Jean-Luc Godard, Avoir 20 ans dans les Aurès (1972), de René Vautier, etc.

Quelques dates sur l’écran installent la dramaturgie, ouvrant le compte à rebours d’un piège annoncé, tandis que les personnages avancent inéluctablement vers leur destin, dans la désolation des montagnes arides – le film a été tourné au Maroc, pendant la pandémie de Covid-19, à un moment où les frontières algériennes étaient fermées.

Précision et justesse

Philippe Faucon chasse le film de guerre pour mieux en faire ressentir les odeurs : de poudre lorsqu’un instructeur, interprété par Omar Boulakirba, initie sommairement au tir de jeunes paysans qui n’ont jamais tenu que la pioche ; de sang lorsque l’un des harkis finira égorgé – hors-champ, sans effets de manche. C’est aux comédiens, algériens et marocains (Mohamed Mouffok, Amine Zorgane…), véritables blocs de silence, dont il faut saluer la performance, qu’il revient de porter cette douleur muette des harkis. Il faudra attendre un certain temps avant que l’un des protagonistes ne finisse par lâcher un « Vive l’Algérie ! ».

Les jeunes hommes s’enrôlent dans l’armée pour des raisons diverses, et pas seulement par conviction profrançaise, nous dit Faucon, dont l’œuvre, une chronique de l’exclusion sociale, est traversée par un souci constant de précision et de justesse, de La Désintégration (2011), film visionnaire sur les attentats de janvier 2015, à Fatima (2015) ou Amin (2018). Dans Les Harkis, il y a ce paysan endetté, qui, la mort dans l’âme, dit au revoir à sa femme et à son fils, endossant l’uniforme kaki par nécessité économique. Il va se « blinder » pour tenir, conscient d’être devenu un traître aux yeux du FLN.

Dans l’armée française, il y a aussi ce garçon qui va prendre la relève de son frère mort (décapité par des Algériens), jusqu’à récupérer son fusil. Une simple image, la remise de l’arme, fait ressentir l’horreur de n’être qu’un numéro. Théo Cholbi incarne avec un bel entêtement l’un de ces lieutenants qui ne supportaient plus de devoir mentir à leurs hommes, alors que la rumeur de discussions entre le gouvernement français et des émissaires du FLN se répandait. Il finira par désobéir, son angoisse mentale irradiant tout le récit. On ne serait pas étonné que ce film, et sa succession de tableaux à vif ne soient un jour adaptés sous forme d’un roman graphique.

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