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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 1.800 articles.

Robert Doisneau, "À L'IMPARFAIT DE L'OBJECTIF"...

C'est toujours à l'imparfait de l'objectif
Que tu conjugues le verbe photographier.
Jacques Prévert.

De prime abord, photographier c'est soulager l'autre, quand l'occasion se présente, d'une image de passage.

Ainsi, Robert Doisneau ne résiste pas aux oeillades du hasard. S'il s'agit de figer le temps et de retenir la jeunesse, l'entreprise est aussi intense que vaine car c'est le temps qui finit par gagner.
De ce fait, il se veut plus observateur que créateur avec l'apprentissage de la patience, donc de la sagesse.
Ensuite, les images ne sont pas stériles, elles continuent à fermenter. Le pouvoir magnifique de certaines peut fabriquer les gribouillis de la gadoue.
C'est ainsi que la banalisation de la violence est malsaine. C'est pourquoi la pollution visuelle des images publicitaires nous envahit dans le but de nous manipuler comme celle d'une prose iconographique poursuit l'objectif de nous mettre en état de choc.
En outre, la standardisation des visages ne doit pas négliger la véritable beauté qui échappe aux modes passagères. Elle se détache du joli, du mignon et du charmant. Nul ne peut capturer la beauté rayonnante qui pétrifie le témoin se trouvant sur son passage. Son mystère est le silence, un seul mot la fait disparaître. En particulier, Robert Doisneau succombe à l'envolée des ouvrières à la sortie des usines de bonneterie de Troyes. Nulle part ailleurs, il n'a jamais vu autant de jolies filles au mètre carré.
De plus, il n'y a pas de vérité étalon. Le profil de cette vérité peut être modifié à l'infini si l'on ose quitter les postes d'observation confortables.
Aussi, la photographie se transforme en calligraphie du présent quand elle impose aux regards ce qu'ils refusent de voir.
Dans les bistrots où traîne la crainte de la déchéance, l'information circule, les opinions se frictionnent. Nos contemporains, prisonniers dans leur automobile, seuls dans leur aquarium à roulettes, recourent aux sondages pour savoir ce que pensent leurs voisins.
Après, si Maurice Baquet est son professeur de bonheur, François Cavanna lui apprend qu'il suffit d'une journée pour devenir amis d'enfance.
Les rencontres s'enchaînent avec Jacques Prévert, Léger, Léautaud, Utrillo, Picasso, Braque, Brassaï entre autres et Henri Cartier-Bresson souffrant d'une mystérieuse allergie à sa propre image.
Il travaille pour VOGUE, supportable grâce à Edmonde Charles-Roux. Un milieu snob qui à force de raffinement souffre d'anémie. Les mondanités lui apprennent que les ragots aigres sont comme le Bleu de Prusse sur la palette d'un peintre : même présentés à la parisienne, sur un ton badin, ça s'étale et ça salit tout.
Enfin, le photographe se laisse porter par l'amour des promenades solitaires avec la pollution romanesque qui le gagne.
L'immobilité est un luxe dans la ville où tout est mouvement. Alors, en vieillissant, la ville ainsi que la mémoire se peuplent de fantômes. Et avec le temps, il faut faire son apprentissage de futur fantôme.
Ces souvenirs et portraits nous apprennent que si Robert Doisneau sait photographier, il sait écrire.

Quatrième de couverture

"Quand j'ai sauté en marche dans la photographie, elle était en bois. Aujourd'hui, la voici devenue quasiment électronique. Je reste le nez à la portière avec la même curiosité que le premier jour."

Celui qui a vu défiler le XXe siècle devant son objectif jamais ne se prenait au sérieux, et c'est lui tout entier, sa verve, sa drôlerie, sa tendresse, qu'on retrouve dans ces textes, fruit d'un échange épistolaire de cinq années avec Jean-Luc Mercié, l'éditeur original du livre (chez Belfond, en 1989).

Ici, souvenirs, anecdotes, portraits s'ordonnent comme autant de prolongements poétiques des images de Doisneau. Et si on voit défiler Cendrars, Braque, Brancusi, Léautaud, Picasso, Léger ou Cavanna, on retourne aussi au temps où le photographe, qui travaillait avec du magnésium en poudre, était reçu à la cuisine avec un verre de rouge...

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