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2 Octobre 2021
Mercredi 25 octobre 1989, on ne trouvait pas le Nouveau Détective à Dijon. C'est donc par télécopie, envoyée depuis le ministère de la justice, que les magistrats de la cour d'appel et, au premier chef, M. Maurice Simon, ont pris connaissance de " l'interview exclusive " publiée le jour même par cet hebdomadaire.
Dans les propos qui lui sont prêtés sur deux pages, le juge chargé de l'affaire Grégory s'exprime longuement. Il laisse entendre que Mme Christine Villemin, inculpée de l'assassinat de son fils, pourrait être mise hors de cause et que le crime aurait été commis par plusieurs personnes.
Le magistrat serait arrivé à " trois hypothèses " mais " se refuse à procéder à des inculpations et à des arrestations dans le but de faire craquer les prévenus ". Il précise que Bernard Laroche _ le premier inculpé qui a été tué par Jean-Marie Villemin _ " a peut-être enlevé " l'enfant. " De là à être son assassin, il y a un pas que, pour le moment, je ne peux pas franchir ".
Le juge fait ensuite état de nombreuses menaces qu'il aurait reçues et dont certaines visaient aussi sa famille. " Ce qui me trouble, c'est que, seuls, Albert et Monique Villemin [les grands-parents de Grégory] connaissent l'existence de ma famille ", précise le juge.
La première polémique sur l'authenticité de cette " interview " naissait aussitôt. M. Simon, que nous avons joint par téléphone, reconnait avoir rencontré le journaliste du " Nouveau Détective ", M. Jean-Paul Pradier, samedi 22 octobre : " Je l'ai rencontré dans la rue. Il m'a dit qu'il avait quelque chose à me demander et qu'il en avait pour cinq secondes. Par politesse _et c'est là mon erreur _ je l'ai reçu dans mon bureau. Cette rencontre n'a jamais eu le tour d'un entretien et rien de ce qui a pu être dit n'était destiné à être publié. D'ailleurs, je n'ai pas l'habitude de donner de réponses sur le fond ".
Selon le magistrat, le journaliste, qu'il connaissait de vue pour l'avoir fréquemment rencontré sur le terrain, lui aurait parlé " de sa vie ". M. Pradier, de son côté, explique, au contraire, que le juge Simon, qu'il souhaitait interroger sur les menaces dont il serait l'objet, lui avait fixé un rendez-vous le vendredi 21 octobre pour le lendemain à 10 heures.
Selon lui, il ne peut y avoir eu de " malentendu " sur le but de leur rencontre. Les questions " préparées par la rédaction en chef " de l'hebdomadaire, figuraient sur le carnet de notes du journaliste. L'entretien était cordial : " J'avais les larmes aux yeux tellement j'étais bien, explique M. Pradier, et j'étais plein d'admiration pour ce monsieur si aimable ; il m'aurait demandé de ne rien publier, je l'aurais fait ; je n'ai pas cherché à lui créer d'ennuis. "
De rédactionnelle, la polémique n'a pas manqué de devenir judiciaire. Sitôt connue l'existence de cet entretien, le ministère de la justice demandait des explications au parquet général de Dijon, dont le procureur général, M. Bruno Estrangin, après avoir rencontré M. Maurice Simon, publiait le communiqué suivant : " L'interprétation donnée par le rédacteur aux propos prêtés à M. le président Simon ne correspond pas à l'état de l'information. Les investigations se poursuivent pour tenter de faire la lumière dans ce dossier particulièrement complexe. Elles ne permettent actuellement aucune conclusion définitive. "
Violation du secret de l'instruction
Mais les avocats de Mmes Marie-Ange Laroche et de sa soeur Murielle Bolle, Mes Paul Prompt, Gérard Welzer, Hubert de Montille et Jean-Paul Teissonnière, convaincus de la gravité des accusations, directes ou sous-entendues contre leurs clientes, ont écrit au garde des sceaux pour lui demander audience " dans les plus brefs délais ", afin de l'entretenir de la situation créée "par les débordements médiatiques auxquels donne lieu l'instruction en cours (...) et du rôle qu'assume dans ces débordements le président Simon."
En clair, ces avocats estiment que la parution de l'"interview" du juge Simon n'est qu'un exemple supplémentaire des violations répétées du secret de l'instruction, qui les ont conduits à porter plainte contre plusieurs journaux présentant des thèses défavorables à leurs clientes et qu'ils estiment inspirées par le magistrat-instructeur. L'une de ces plaintes, pour violation du secret de l'instruction, a été confiée par la Cour de cassation à la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, qui l'a confiée à son tour à M. Albert Moatty. Celui-ci a convoqué Mme Laroche et sa soeur pour le 27 octobre. Les avocats ont annoncé qu'ils s'apprêtaient à porter de nouvelles plaintes contre Paris-Match et le Nouveau Détective.
Au ministère de la justice, on n'entend pas, pour le moment, donner une suite favorable à la demande d'audience de ces quatre avocats. Si l'incident parait regrettable, on note qu'il n'y a pas grand-chose dans cette affaire, depuis son commencement, qui ne soit dans le domaine public et l'on estime que rien ne prouve que M. Simon ait perdu son objectivité et sa sérénité.
Toutefois, le procureur général de Dijon a été chargé, après consultation du dossier, de déterminer si des personnes privées ont été atteintes par une éventuelle violation du secret professionnel. M. Simon, de son côté, nous a précisé qu'il s'expliquerait désormais _ après avoir répondu à sa hiérarchie _ devant les juges chargés des plaintes pour violation du secret de l'instruction.
Première révélation
Le juge Simon est convaincu de l'heure du crime :
"C'est après 17 h 30 que l'enfant aurait été noyé" dit-il. Une heure qui innocenterait Christine Villemin, la mère de Grégory, car, à 17 h 30, Christine participait aux recherches."
Deuxième révélation
Grégory a été assassiné par plusieurs personnes :
"J'ai trois hypothèses parmi lesquelles je ne peux encore trancher" dit-il. Mais toutes trois évoquent Bernard Laroche. Il a peut-être enlevé Grégory, dit le juge, mais de là à être son assassin, il y a un pas que je ne peux pas encore franchir. Je n'ai aucunes preuves."
Troisième révélation
Le juge affirme avoir reçu des menaces contre lui et contre ses petits enfants.
"Or, ajoute-t-il, seuls les grands parents de Grégory connaissent l'existence de ma famille."
Monique et Albert Villemin déjà entendus à plusieurs reprises par le juge.
Nationalité : France Biographie : Par elle-même : J'ai d'abord travaillé 10 ans à France 2 comme grand reporter à la rédaction et au magazine Envoyé Spécial. Puis j'ai rejoint Canal + pour ...
A visionner pour le reportage "Gregory Instruction Simon"...
"Mais en juin 2017, la machine judiciaire est relancée. Monique Villemin a été identifiée comme étant l’un des corbeaux de l’affaire. Des nouvelles expertises avaient permis d’établir que la grand-mère de Grégory était l’auteure d’une lettre de menace envoyée au juge Simon en 1989. Elle laissait entendre que la responsable du meurtre de son petit-fils Gregory n’était autre que Christine Villemin. « Vas-tu passer 1990 ? Ça, c’est notre affaire ! », annonçait la missive."
JUSTICE L'affaire Grégory Polémique sur les déclarations du juge Simon au " Nouveau Détective "
Le Monde.fr - 1er site d'information sur l'actualité. Retrouvez ici une archive du 27 octobre 1989 sur le sujet JUSTICE L'affaire Grégory Polémique sur les déclarations du juge Simon au " Nouve...
L'article du Monde du 27 octobre 1989...