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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Senantes. Place des Carnutes. De la pornographie aux tradis cathos...

Il y a un temps pour le diable et un temps pour le Bon Dieu.
Proverbe créole.

Je ne sais pas si les murs ont des oreilles...

Mais j'aimerais assez qu'ils soient dotés de la parole et de la faculté de raconter.

Et les murs de la grande maison de la Place des Carnutes à Senantes auraient de quoi raconter.

Je vais vous la faire à l'envers.

Oui, je vais commencer par les tradis cathos...

Quand j'écris "tradis", j'écris "tradis" et non "intégristes".

Pour moi, Les intégristes ce sont les fadas de Saint Nicolas du Chardonnet et de Mgr Lefebvre.

Mais ce mot est un mot fourre-tout où se retrouve le pire et le meilleur.

Je lui préfère donc, dans le cas présent "tradi" qui désigne une certaine pratique de la religion et qui, à mes yeux, n'est nullement péjoratif.

 

1/ La famille de Morales

Cela date des années 1998/2013...

Sacrée famille !

Un papa, une maman et...

9 enfants.

Une famille qui a eu l'estime de toute la paroisse nogentaise.

Un modèle, pour certains !

Le papa d'abord.

Il se nomme Richard Garcia Bosch de Morales de Sola.

Il travaillait dans l'administration pénitentiaire.

Et est désormais juge au Tribunal de Grande Instance de Cayenne.

Plus précisément à Saint-Laurent-du-Maroni.

C'est un bel homme brun aux cheveux ondulés et au charisme indéniable.

Royaliste, d'origine espagnole (le roi d'Espagne, Alphonse XII, serait le père biologique de l'arrière grand-père paternel de Richard)..

Il appartient à l'ordre des Chevaliers du Saint-Sépulcre.

Ordre très fermé.

Dont la devise est "Deus Io Vult !" (Dieu le veut !)

Ordre dont les membres ont la particularité d'être les seuls autorisés à porter la couronne d'épines du Christ lors des fêtes pascales.

A la Sainte-Chapelle de Paris.

La maman ensuite...

Heidi de Morales.

Née Adriaensen

Vieille noblesse belge.

cf Dictionnaire généalogique et héraldique des familles nobles du royaume de Belgique.

Heidi est belle. Très belle.

Tout en blondeur.

Digne de son prénom.

Elle n'est pas non plus sans évoquer ces pieuses princesses moyenâgeuses...

Aux longues nattes blondes...

Qui attendaient le retour de leur aimé (des Croisades, of course) en filant la laine dans leur château glacé.

Le papa de Heidi est lui aussi très pieux.

On l'a surnommé "Jésus-Christ" à la paroisse.

Cheveux longs et pieds nus dans des sandales, hiver comme été, il avait pour coutume de servir le prêtre comme enfant de choeur à la petite messe grégorienne du matin.

Messe dos au peuple.

Heidi et Richard ont eu 9 beaux enfants.

Les garçons deviendront tous enfants de choeur.

Et scouts d'Europe.

On imagine facilement la grande maison résonnant de leurs rires mais aussi de leurs prières.

Et, comme il n'y avait pas de chauffage central..

Toute la petite maisonnée se retrouvait souvent l'hiver à dormir dans la grande pièce, devant le feu de l'âtre.

La seule trace qui reste d'eux aujourd'hui à Senantes...

Est, au cimetière du village, la petite tombe de Thomas, leur fils handicapé, mort en 2005, à l'âge de 7 ans.

 

2/ Les éditions pornographiques Bielec (Elvifrance)

Annette et Georges Bielec.

1965/1998.

J'ai connu Annette Bielec quand je me suis occupée en 1996 du bulletin municipal de Chaudon.

C'est elle qui en assurait la mise en page.

Les Bielec et Elvifrance.

Sujet difficile à traiter s'il en est...

Alors pour éviter que l'on dise que j'ai fantasmé...

Je reproduis donc ci-dessous ce que j'ai trouvé sur la toile et vérifié.

"Georges Bielec est né le 21 octobre 1936 à Mondeville, dans le Calvados. Après ses études secondaires, il devient acteur, suit les cours d'art dramatique René Simon et, jusqu'à l'âge de 25 ans, joue au théâtre et au cinéma. Le succès ne venant pas, il décide d'abandonner le métier de comédien et, en octobre 1961, entre au service des ventes de l'Express. C'est là qu'il fait la connaissance d'Annette Savary qui deviendra son épouse et sera le second pilier - méconnu ! des futures éditions Elvifrance.

Ses expériences dans la presse se multiplient. En octobre 1965, il entre à l'Union des Éditions Modernes du groupe Filipacchi et participe aux lancements de Pariscope, Photo, Son magazine, etc. Il crée même les éphémères Éditions de la Maltorne qui publient un journal illustré pour enfant intitulé Bisou (9 numéros, dessinés par Philippe Oldfield, d'octobre 1969 à juin 1970). Mais ce qui l'amène à la bande dessinée, c'est sa collaboration, à partir de décembre 1964, aux diverses sociétés d'éditions de Max Canal (Edi-Europ, Idées Images, les Éditions de Poche). Tandis qu'Edi-Europ continue de principalement publier des récits de guerre en petit format destinés aux jeunes lecteurs (Tobrouk, Torpilles, Alerte, Rafales…), Georges Bielec devient officiellement, en 1968, le directeur des publications Idées Images dont les photoromans sexy et les magazines de pin-up (Help, Relax, Reflets, Candi…) sont entièrement rédigés par Annette. Mais l'événement majeur de l'époque, pour ce qui nous intéresse, est que les Éditions de Poche, parallèlement à la publication de toute une série de photoromans policiers (Hold-up, Trafics, Razzia, la Main Noire, la Mafia… ), s'orientent vers la BD pour adultes avec notamment leurs premiers pockets érotiques d'origine italienne (Teddy boy, Demoniak, Messaline, Goldrake, Kriminal… ). Détail d'importance : parmi ces titres, Messaline et Goldrake proviennent d'une toute jeune maison d'édition milanaise, Erregi ("R et G" prononcé à l'italienne, du nom des deux associés qui la dirigent, Giorgio Cavedon et Renzo Barbieri).

Survient l'événement qui va tout déclencher. Canal n'a pas payé à Erregi certains droits de reproduction. Cavedon et Barbieri, en colère, décident de dorénavant publier eux-mêmes leur matériel en France. Pour ce faire, en 1969, ils contactent Georges Bielec et, le 28 avril 1970, font enregistrer au registre du commerce la création d'Elvifrance, S.A.R.L. au capital de 20.000 F dont le siège social et les bureaux sont au 7 villa Robert-Lindet à Paris . Financièrement, par le biais d'une autre société, Elvipress, Elvifrance appartient donc aux deux éditeurs italiens. Georges Bielec a cependant une totale liberté de manœuvre. Au fil des ans, il dirigera la production française comme il le souhaite, essayant d'autres créneaux que celui du pocket, créant ou achetant son matériel à qui bon lui semble, serait-ce aux principaux concurrents italiens de la maison mère.

Isabella (dessiné par Sandro Angiolini sur des scénarios de Cavedon lui-même) et Jungla (dessiné par Stelio Fenzo et Mario Cubbino sur des scénarios de Trivellato) sont les premiers titres à paraître en France, en juin 1970. Suivent, pêle-mêle, Lucifera, Goldboy, Jacula, Lucrèce, etc., et les Filles de papier, un livre de Jacques Sadoul qui fait suite à son Enfer des bulles paru chez Losfeld et avec lequel, en mai 1972, le nom d'Elvifrance fait son entrée au Journal officiel, à la rubrique des publications interdites par le ministre de l'Intérieur (loi du 16 juillet 1949 dite "sur les publications destinées à la jeunesse"). Une simple prohibition aux mineurs sans conséquences, mais qui inaugure une longue, très longue série - Elvifrance allant devenir l'éditeur quantitativement le plus interdit de toute l'histoire de la presse et du livre en France avec, en vingt-deux années d'existence, 532 titres interdits aux mineurs, 176 titres interdits d'exposition et 36 titres interdits, de plus, de toute publicité .

[...]

Il arrive qu'à propos de la loi de 49, certains refusent de parler de "censure", arguant du fait que la censure, telle qu'elle est définie par les dictionnaires, est un contrôle exercé par les pouvoirs publics au préalable - alors que les interdictions pratiquées en France ont lieu après parution. Pourtant, le onzième alinéa de l'article 14, en obligeant les éditeurs ayant eu trois titres interdits d'exposition dans l'année à ne plus pouvoir mettre en vente de "publication analogue" sans l'avoir déposée à la Commission un trimestre avant sa sortie, répond bien à cette définition. Ces obligations draconiennes ont d'ailleurs fait que, dans la pratique, aucun éditeur n'a pu supporter de se soumettre longtemps au dépôt préalable. Certains, comme Régine Deforges et Éric Losfeld, s'y refusèrent en avançant qu'aucun livre n'est "analogue" à un autre - et ils furent traduits en justice pour cela. D'autres, très nombreux, préférèrent fermer boutique et fonder une nouvelle société d'édition (discrètement, car la loi prévoit que cela ne suffit pas pour échapper aux obligations du dépôt). Elvifrance fut l'unique éditeur à ne pas céder à la fuite et à tenir tête pendant des années, avec ténacité et quoiqu'il advienne, aux membres de la Commission.

En attendant, s'il y en a qui apprécient les pockets Elvifrance, ce sont les lecteurs. A la fin des années 70 et au début des années 80, la filiale française se retrouve même leader par rapport à sa maison mère italienne. Pour exemple, la production 1977 a représenté, au prix de vente public, 70.000.000 F de chiffre d'affaire pour les marchands de journaux, sur lequel Elvifrance s'est acquitté de 10.369.740 F de TVA . La société a alors dix-huit employés à temps complet et seize à temps partiel. Vingt à trente titres paraissent chaque mois. Ceux qui se vendent le mieux sont parfois réédités (la série les Grands classiques de l'épouvante est consacrée à ces rééditions) et ont alors l'avantage, étant déjà parus précédemment, de ne pas être soumis au dépôt préalable (la Commission accepte de ne recevoir qu'un courrier annonçant leur parution).

[...]

Quelques publications à la présentation différente sont essayées : des pockets en couleurs (Mortimer, Terrificolor, les Mercenaires…), des séries d'albums couleurs (Cosmine, les Amazones, Nathanaël…), voire même des produits totalement atypiques de la maison (Seconde main, un hebdomadaire payant de petites annonces gratuites au tournant des années 70-80, ou encore l'Os à moelle hebdo, relançant avec Jacques Pessis le fameux journal de Pierre Dac en 1984.)

A la suite des premières interdictions d'exposition de 1973, les éditions Elvifrance ont commencé à diffuser elles-mêmes, par distributeurs commissionnaires, leurs titres exclus des N.M.P.P. C'est ainsi développé, ce qui est un fait exceptionnel dans la presse, un important réseau de diffusion directe . Mais, concurrencer les N.M.P.P. sur leur propre terrain nécessite des infrastructures nationales et énormément d'énergie (il faut traiter chaque kiosquier comme un client indépendant, lui établir des factures, lui faire parvenir ses exemplaires par transport S.N.C.F.…) Le réseau de diffusion direct cesse au début des années 80 .

[...]

Les années 80, parallèlement au développement de la cassette vidéo, voient le marché du pocket chuter. Alors que les tirages de la fin des années 70 oscillaient entre 60 et 80.000 exemplaires, ils tombent à 30-40.000 . [...] Et il faut bien se faire une raison : hors du pocket à l'italienne, il n'est point de salut - même si celui-ci se vend de moins en moins. La dernière grosse série d'interdictions, celle de Pasqua, en décembre 1987, sonne le glas. Dans les années 90, Georges Bielec tente de trouver de nouveaux débouchés auprès des jeunes avec des pochettes d'auto-collants (les séries Monsters et Zombis) et un journal sur le skate-board (Sticker-skate), mais, dans le domaine de la BD, n'essaie plus d'innover. On remarque juste quelques tentatives de paginations différentes (des pockets très épais ou très minces) qui demeurent sans suite. Les invendus, qui jusqu'alors servaient à l'exportation et aux reliures, sont devenus si nombreux qu'il faut les pilonner (la solde risquant de casser davantage le marché du frais) puis, lorsqu'ils se multiplient encore, les recycler sous de nouvelles couvertures - une pratique honnie, auparavant, dans la maison . On est bien loin du temps où la mention "réédition" en couverture indiquait fièrement que, non seulement on avait épuisé le premier tirage, mais qu'on savait pouvoir en épuiser un second…

Le 15 avril 1992, Elvifrance et Novel Press, une filiale des dernières années, déposent leur bilan.

En juillet 1993, Georges Bielec, qui souffrait de problèmes de circulation sanguine, décède à l'hôpital à la suite d'un pontage."

[Texte de Bernard Joubert]

 

Quel destin que celui de cette maison !

Abriter tour à tour le Diable et le Bon Dieu....

Elvifrance a été la maison d'édition pornographique la plus censurée de France.

Je me demande si nos petits Morales savaient tout cela quand ils ont emménagé Place des Carnutes.

A Senantes.

Une histoire à en repeindre tous les murs à l'eau bénite.

Vade retro, Satanas !

Gageons que les nouveaux habitants sauront, eux, faire la part des choses.

 

Liliane Langellier

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R
Chère madame, toute la famille se joint à moi pour vous remercier pour ces quelques mots sur notre vie à Senantes, dont nous gardons toutes et tous un souvenir ému. Merci aussi d'avoir fait mémoire de notre petit Thomas qui repose en cette terre. Nous gardons dans nos coeurs Senantes et adressons par ce moyen, si vous le voulez bien, notre amical souvenir aux senantaises et aux senantais, bien à vous, Richard de Morales
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L
Cher Monsieur de Morales...<br /> Je vous remercie de vos commentaires qui m'ont fait chaud au coeur, car, lors de la publication de cet article, j'ai dû faire face à deux paroissiennes très en colère, prétextant que je révélais là votre vie privée.<br /> Ce n'était certes pas le cas. Juste une vue de simple paroissienne sur votre belle famille.<br /> Je crois aux "Clins Dieu" et le fait que vous ayez été nommé à Cayenne en est un.<br /> Puisque je m'occupe de l'affaire Seznec depuis 1992.<br /> Vous pouvez le lire sur mon blog : "Affaire Seznec Investigation".<br /> Amicalement à vous.<br /> Liliane Langellier
R
Chère madame, toute ma famille se joint à moi pour vous dire notre grand étonnement à la découverte de votre article sur notre ancienne maison de Senantes. Nous vous remercions en tous cas pour ce que vous écrivez. Nous gardons dans le coeur un grand souvenir de notre vie à Senantes, où nous avons mis en terre un trésor de notre famille, ainsi que vous avez la délicatesse d'en faire mention: notre petit Thomas. Toutes nos pensées les plus amicales aux senantaises et senantais, que nous n'oublions pas, bien amicalement, Richard de Morales
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