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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Mes années Giscard...

Lorsque Valéry Giscard d'Estaing est élu, en ce printemps 1974...

Nous sommes mariés depuis déjà 3 ans et habitons un studio près de la Place Monge.

A deux pas du marché Mouffetard.

Au 9, rue du Puits de l'Ermite, Paris 5e.

Au croisement avec la rue de la Clef.

Au premier étage.

Au-dessus du bougnat Marcillac. Qui possède le seul téléphone de tout son immeuble.

C'est une seule pièce aux murs blanchis avec une seule fenêtre et des bibliothèques des deux côtés.

Il y a une jolie cheminée blanche qui descend du plafond et la kitchenette est dans l'un des placards.

Côté boulots...

Mon Langellier est responsable de nuit dans une boîte de photocomposition, en autogestion à Montmartre, rue Véron, Ere Nouvelle.

Un ancien gymnase où Colette pratiquait la gymnastique.

Je suis assistante du directeur du personnel de Publicis Conseil, Jean Cailloux.

Après son incendie en septembre 1972, les services généraux de l'agence ont déménagé rue du Pont à Neuilly.

Le jeudi 23 mai...

Nous sommes en week-end de l'Ascension à Chaudon avec Olivier Baudry.

Nous déjeunons tous trois chez Bigard au bas du village.

Je porte un jeans, une tunique bleue gris à l'ancienne ceinturée sous la poitrine, une capeline en paille avec des fleurs, et des chaussures compensées très hautes.

En sortant du restaurant, je perds l'équilibre, chute et on me constate une double entorse.

A la demande de mon boss, c'est Serge de Filippi qui sera chargé de conduire ma Coccinelle orange (of course) avec des stickers de papillons violets pour aller chaque jour à l'agence.

Il est hors de question que je m'absente car nous sommes en plein calcul des médianes de salaires. A transmettre dare-dare au ministère.

A la Pentecôte, nous invitons d'autres potes à La Louise.

Tout ce petit monde descend en bas du village et me laisse au jardin sur ma chaise longue où, ne pouvant me relever toute seule,  je chope de douloureux coups de soleil.

Mais le résultat est un superbe bronzage.

Comme tous les midis, je déjeune au Newton, un petit café près de l'avenue Marceau où se trouve, en attendant la reconstruction du 133 Champs-Elysées, le gros des forces de Publicis Conseil.

J'y retrouve presque toujours Serge de Filippi et les photographes de l'agence Gamma toute proche.

L'un  d'eux, Jean-Claude Francolon décide de me photographier en traversant l'avenue avec mes béquilles. Maurice Lévy qui arrive justement à ce moment-là n'en croit pas ses yeux.

Je suis bronzée, plutôt gironde et très rigolotte.

Le soir...

Avec un mari qui bosse la nuit...

 Je m'ennuie.

Jean Cailloux et Serge de Filippi m'emmènent plusieurs fois au Petit Journal, en haut du boulevard Saint Michel.

Grâce à eux je découvre le jazz avec passion.

Milton Mezzrow et sa rage de vivre, Armstrong, Billie Holiday and so on...

Je suis totalement envoutée par Serge....

Son physique à la Charles Bronson et sa personnalité de peintre charismatique.

En tout bien tout honneur.

Même si je prends le risque, sur le conseil de mon mari, de l'inviter seul à diner dans notre petit studio.

Sainte Prudence devait veiller sur moi.

Langellier a, hélas, lui, de bien mauvaises fréquentations.

Des ouvriers du livre cégétistes virulents qui me tapent sur le système avec leurs longues barbes et leurs frusques sales de hippies de comédie.

Pour eux, je suis et reste la petite bourgeoise.

Les conflits succèdent aux conflits, et je décide de virer mon époux dans un studio que nous prête Baudry rue de Seine.

Cela ne durera que quinze jours, avec des entrevues houleuses à la Palette, au coin de la rue de Seine et de la rue Jacques Callot.

Le serveur aura du mal à comprendre si je suis mariée ou si je rencontre subrepticement mon amant...

En juillet, la soeur la plus proche de maman, la tante Germaine, se meurt, après un AVC mal soigné, à l'asile d'aliénés de Villejuif.

Sa mort m'attriste tellement que Langellier décide de m'emmener une petite quinzaine à Collioure.

Nous avons tout vécu dans ce studio.

Un dégât des eaux usés au plafond de notre salle de bain juste avant de sortir un 31 décembre.

Un feu par inadvertance, le jour où... Jean-Pierre et sa très snob épouse Xavière rentraient de l'ambassade de France au Laos.

Ils ont trouvé chez nous les bougnats dans la fumée.

"So typic !" a dit ma belle-soeur.

En 1976...

Notre vie change car nous trouvons un appartement de trois pièces au 20, rue Larrey.

C'est un 5ème étage sans ascenseur.

Mais il a un adorable petit balcon avec vue sur la Place Monge.

Où je peux mettre glycine et rosier.

C'est Marcillac le bougnat qui nous déménage.

Et je vois encore notre superbe canapé lit blanc trônant sur son camion noir de charbon.

Nous passons désormais la plupart de nos vacances chez les De Filippi à Coutainville.

Côté parents, ce n'est pas la joie.

Maman a découvert enfin une preuve des (nombreuses) tromperies de son époux.

C'est trop bête...

Il a acheté trois ballotins de chocolat au Pralin, le meilleur faiseur de Boulogne, avenue Jean Jaurès.

Une pour elle, une pour moi et une pour... Léone.

Une rousse fleuriste qu'il fréquente aux Halles. Quand il attend "la cloche" pendant des heures (de 13 à 17 heures) en tapant le carton au Manteau Bleu.

Voilà qu'elle découvre la troisième boîte dans le coffre de la voiture et la piétine de rage.

Le week-end de Pâques à Chaudon est plus qu'orageux.

Je dois partir le mardi matin pour une petite semaine à Coutainville.

En me faisant le henné le dimanche soir, Maman pigne.

Et finit par me raconter que, juste avant ma naissance, en 1946, son cher Fernand avait pris à l'imprimerie une jeune maîtresse de 16 ans.

Ils avaient frôlé la rupture définitive.

Elle, pendant ce temps, avait trouvé consolation dans les bras d'un richissime mandataire suisse des Halles.

Elle me confie que j'étais en fait le fruit de leur réconciliation.

Tout cela me tourne et retourne dans la tête.

Et, alors que je réintègre notre nouvel appartement...

Mon premier coup de fil avec notre premier téléphone de la rue Larrey sera pour savoir si oui ou non je suis bien la fille de mon père.

Ah qu'elles furent donc belles mes années Giscard...

Folle jeunesse et folles découvertes.

A nulles autres pareilles.

 

Liliane Langellier

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