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10 Septembre 2022
L'article d'Audrey Fournier. Le Monde.
Olivia Colman enfile une dernière fois le costume de la reine Elizabeth II, pour une quatrième saison quasi parfaite de la série, créée par Peter Morgan et diffusée sur Netflix, qui revient notamment sur l’arrivée de Lady Di dans la famille royale.
Il serait tentant de chausser les lunettes de l’actualité pour regarder la quatrième saison de l’ambitieuse saga royale créée par Peter Morgan. Fresque retraçant le règne d’Elizabeth II, The Crown fascine – au même titre que Downtown Abbey quelques années auparavant – par sa description de la permanence lorsque celle-ci est soumise aux forces contraires d’un monde en mutation. Mutation qui tend, au fil de la seconde moitié du XXe siècle, à s’accélérer. C’est d’autant plus évident dans ces dix nouveaux épisodes qui voient la reine (interprétée, pour la dernière fois, par Olivia Colman), quinqua puis sexagénaire, se heurter à des drames personnels autant qu’à l’entrée du Royaume-Uni dans une période de fortes turbulences.
Celles-ci sont d’abord politiques. L’assassinat, en 1979, de Lord Mountbatten, oncle du prince consort, par l’Armée républicaine irlandaise (IRA), introduit dans le premier épisode, le sujet des violences interreligieuses en Irlande du Nord, qui teinteront la politique intérieure du pays jusqu’à la fin des années 1990. Ces turbulences sont également économiques. Le choc pétrolier de 1973 a précipité le Royaume-Uni, comme nombre d’autres pays européens, dans une période de récession et de chômage de masse. Du côté des Windsor, le célibat du prince Charles, qui se morfond de ne pas avoir épousé son amour de jeunesse, Camilla Shand, devient embarrassant.
Sans surprise, cette saison, qui s’étale sur une large décennie, conserve le parti pris narratif des précédentes : chaque épisode prend appui sur un événement, qu’il soit intime ou politique. Plus efficace que jamais, ce découpage embrasse la chronologie sans perdre ni ennuyer, notamment grâce à un montage d’une intelligence rare.
La Dame de fer et Diana
Très attendue dans le rôle de l’inflexible et très conservatrice Margaret Thatcher, Gillian Anderson s’impose ici, après The Fall et Sex Education, comme une actrice à la plasticité étonnante. Ses rencontres avec la reine, de moins en moins feutrées au fil du temps, fournissent quelques-unes des meilleures séquences de cette saison, notamment lorsqu’elles mettent en scène l’entrechoquement de l’aristocratie et des common people. Les difficultés de la Dame de fer pour s’imposer au sein d’un parti tory qui tient du « boy’s club », réussissent même, à certains moments, à la rendre presque sympathique. Il est dommage que son rôle délétère dans la gestion de la crise nord-irlandaise ne soit qu’effleuré mais, après tout, The Crown est une fiction.
Réflexion sur le pouvoir, l’Etat et son incarnation, la série montre également dans cette saison qu’elle reste une merveilleuse saga familiale. L’introduction de la jeune Diana Spencer (Emma Corrin) chez les Windsors, par le biais d’un mariage arrangé qui ne dit pas son nom, pousse la maison royale à constater son retard sur la société. Face à elle, le costard taillé par les scénaristes au prince Charles, enfant gâté jaloux de la popularité de son épouse, est ravageur.
A ces tourments familiaux, la reine oppose une surdité paradoxale : sensible aux troubles de l’époque et à la nécessité pour la monarchie d’avancer au même rythme que le reste du monde, elle nie pourtant le mal-être de ses enfants, refusant d’entériner le renversement des valeurs à l’œuvre sous ses yeux. Précis, fermement dirigés – rien ne dépasse, c’est parfois dommage –, les acteurs insufflent à cette partition intime une mélancolie magnifique.
Audrey Fournier
The Crown Season 4 | Official Trailer | Netflix
Bend. Or Break. As the 1970s are drawing to a close, Queen Elizabeth (Olivia Colman) and her family find themselves preoccupied with safeguarding the line of...
Official Trailer.
The Crown, créé par Peter Morgan. Avec Olivia Colman, Tobias Menzies, Helena Bonham-Carter, Gillian Anderson, Emma Corrin (RU, 2020, 10 × 50 min).
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