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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 1.700 articles.

5 août 1962. Mort de Marilyn Monroe.

Soixante ans plus tard et toujours pas une ride : le mythe Marilyn ne s'écaille pas. Pour rester ainsi dans la postérité, il vaut mieux avoir été assassiné : Che Guevara vieillit mieux que Fidel Castro, J.F. Kennedy résiste davantage que Bill Clinton, John Lennon reste plus populaire que Paul McCartney. A défaut d'avoir été tué, on peut aussi accéder à la célébrité éternelle si on s'autodétruit en pleine gloire : James Dean, Janis Joplin, Jim Morrison...

Avec les deux, c'est encore mieux : le suicide avec un soupçon d'assassinat. Telle Marilyn Monroe, mythologie immédiate. Déjà un mythe de son vivant, peinte par Andy Warhol, immortalisée par les photographes, Marilyn est morte à 36 ans, la nuit du 5 août 1962, dans une mise en scène hollywoodienne : nue sur un lit de star, le téléphone dans sa main, une boîte de barbituriques à côté d'elle. Suicide ? Overdose accidentelle ? Meurtre maquillé en suicide ? Toutes les thèses ont été et sont encore avancées.

Une bombe politique. Idole mondiale, sex-symbol absolu, Marilyn était aussi une bombe dans l'Amérique des années 60 qui émergeait du maccarthysme, obsédée par la guerre froide et Cuba, avant de s'embourber au Viêt-nam. La star est liée au communisme ­ épouse de l'écrivain Arthur Miller, sympathisant du parti, qui a refusé de témoigner devant la commission des activités antiaméricaines pendant la chasse aux sorcières. Marilyn, soutenant son mari, a donc la réputation d'être une gauchiste. «Rouge», mais aussi proche de John et de Robert Kennedy. L'un est Président et l'autre ministre de la Justice. «Jack» est haï par l'extrême droite, qui le trouve trop modéré, et «Bob» par la mafia, qu'il veut démanteler. Mais Marilyn fréquente aussi la mafia : elle passe son dernier week-end avec Frank Sinatra et ses amis, parrains à Las Vegas.

Sulfureuse dans l'Amérique puritaine, elle a commencé en starlette nue affichée sur un calendrier, a continué avec la bouche d'aération de Sept Ans de réflexion qui soulève sa robe et dévoile ses cuisses, et a terminé en convoquant les photographes pour poser nue sur le tournage de son dernier film, Something's Got to Give de George Cukor. Tout cela suivi de près par les hommes du FBI. Les archives déclassifiées du FBI contiennent des rapports sur les fréquentations communistes ou mafieuses de la star, et signalent ses relations amoureuses avec les frères Kennedy ­ d'abord John puis Robert ­, notant les rencontres et les nombreux coups de téléphone. On sait donc qu'elle fut sur écoutes. De quoi alimenter les thèses de complot, qui s'amplifient quand Kennedy est assassiné, l'année suivante, dans les rues de Dallas, sans qu'on élucide jamais non plus ce meurtre. Les deux mystères resteront liés, historiquement et symboliquement.

Un scénario de cinéma. Les biographes ont écrit et réécrit la chronologie des dernières heures, ce contexte dramatique qui, tel un bon script, conduit le suspense vers l'issue fatale. L'actrice est au fond de la déprime, suicidaire, proche de la folie, voyant son psy tous les jours. Son ancien mari, Arthur Miller, vient de se remarier et attend un enfant, alors qu'elle avait fait une fausse couche. Marilyn a été virée par la Twentieth Century Fox du tournage de Something's Got to Give pour absence répétée. Elle ne dort plus sans médicaments. Le décor : sa nouvelle maison de Los Angeles, vide, la chambre sans meubles, les fioles de médicaments, le téléphone. Et dans les rôles secondaires et étranges : le psychanalyste omniprésent, le médecin qui prescrit les barbituriques, la femme de ménage qui contrôle sa patronne, les agents du FBI qui l'espionnent, les Kennedy qui essaient de couper les ponts.

 

Dernière scène de la vie de Marilyn : elle a avalé des pilules, puis répondu au téléphone. Peter Lawford, beau-frère des Kennedy, l'attend pour dîner. Elle lui a dit qu'elle ne peut pas venir, mais, inquiet, il contacte l'avocat de Marilyn. Il appelle à 21 h 30 : la femme de ménage affirme que tout va bien. Pourtant, l'actrice est déjà mourante dans la chambre. Finalement, la domestique s'inquiète et, à 3 heures du matin, téléphone au psychanalyste. A 3 h 40, le psy et un médecin découvrent Marilyn morte sur son lit. Ils n'appellent la police qu'une heure plus tard. Une autopsie rapide, et le coroner conclut à «un probable suicide».

«Qui a tué ?» Les spéculations ont commencé très vite. Dès 1963, un article dans Photoplay titre : «Un an après, l'assassin de Marilyn Monroe est toujours libre !» L'«assassin» n'est pas nommé par le magazine, on y apprend seulement que ce serait un homme important, marié, qui a poussé Marilyn au suicide en refusant de divorcer pour elle. Les Kennedy sont ainsi montrés du doigt. L'extrême droite s'empare bientôt de l'affaire, insinuant même que les Kennedy ont commandité l'assassinat. Maurice Ries, président d'une association «pour la préservation des idéaux américains», explique que Marilyn s'apprêtait à révéler publiquement son histoire d'amour avec Robert Kennedy, et que la famille avait décidé de s'en débarrasser. Cette thèse est publiée en 1964 dans un journal anticommuniste, sous le titre «L'étrange mort de Marilyn Monroe». Et les «informations» sont distillées dans la presse : autopsie falsifiée, absence de barbituriques dans l'estomac de la morte...

JFK est assassiné en 1963, son frère Robert en 1968, la mort de Marilyn devient de plus en plus suspecte. Avec la biographie romancée de Norman Mailer, Marilyn, parue en 1973, la thèse du complot prend de l'ampleur. Mailer lâche à nouveau le nom de Robert Kennedy, mais sous-entend que Marilyn aurait pu être tuée par la CIA, qui voulait piéger le ministre de la Justice. Tout en admettant que l'actrice s'est «probablement» suicidée...

 

Secrets d'Etat. L'histoire ne s'arrête plus. «Qui a tué Marilyn Monroe ?», titre le magazine Oui en 1975. L'auteur, Anthony Scaduto, s'appuie sur un journal intime qu'aurait tenu l'actrice et sur les enregistrements qu'elle aurait faits de ses conversations avec les Kennedy. Marilyn menaçant de révéler des secrets d'Etat sur la guerre froide... Les livres se succèdent et les «preuves» affluent : le cadavre était couvert de bleus, le journal intime a disparu dans la nuit, les écoutes téléphoniques ont été effacées. Le procureur de Los Angeles, qui a rouvert l'enquête, conclut pourtant en 1982 qu'aucune de ces affirmations n'est fondée et demande à ce qu'on «laisse Marilyn Monroe reposer en paix».

Cela n'y fait rien. L'énigme relance les limiers vers des réponses qu'ils monnayent grassement et qui, année après année, renforcent le mythe. Ainsi, le journaliste anglais Anthony Summers publie, en 1985, Déesse, les Vies secrètes de Marilyn Monroe, voyant un complot du FBI fomenté pour tuer la malheureuse. Plus récemment, contre-mythe Kennedy oblige, les publications du genre penchent davantage pour la thèse de la mafia. Mais un magazine américain vient de revenir à la piste Robert Kennedy, jusqu'à imaginer, comme le livre de James Haspiel, le ministre étouffant l'actrice avec un oreiller. Soixante ans après sa mort, le «mystère» continue d'alimenter la légende de celle que son dernier mari, Arthur Miller, décrivait simplement comme «la fille la plus triste du monde».

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