“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 1.700 articles.
24 Avril 2020
« C’est l’instinct de possession, encore, qui se retrouve au fond des crimes de foyer. »
Séverine
Ce matin...
C'est grâce à la brillante Sarah Sauquet Leca...
Tenancière de l'application Un Texte Une Femme...
Que je trouve ce post sur ma page Facebook :
« C’est l’instinct de possession, encore, qui se retrouve au fond des crimes de foyer. »
Le 24 avril 1929 la journaliste Séverine nous quittait. Première grande journaliste française, n’hésitant pas à aller sur le terrain, Séverine, née en 1855, fut un témoin privilégié des retentissements des grandes affaires politiques de son temps, qu’il s’agisse du boulangisme, du scandale du Panama ou de l’affaire Dreyfus.
Après la mort de Jules Vallès, son mentor qui lui mit le pied à l’étrier, elle dirigea seule le quotidien « Le Cri du peuple », écrivit dans "La Fronde", le quotidien féministe de Marguerite Durand, et milita pour les droits des femmes. Divorcée de son premier mari avec lequel elle avait été mariée, sans son consentement, elle refit sa vie avec Adrien Guebhard, un professeur de médecine réputé.
Sur l’application #UnTexteUneFemme, découvrez son article « Tueurs de femmes », dans lequel Séverine s’attaque aux féminicides.
Séverine jeune par Auguste Renoir
De son vrai nom Caroline Rémy, Séverine naît le 27 avril 1855 à Paris dans le XIIe arrondissement.
Elle reçoit une éducation classique par son père, ancien membre de l’Université. A 17 ans, elle quitte le domicile familial pour se marier avec un homme bien plus âgé, qu’elle découvre violent.
Elle s’enfuit dans l’année pour retourner chez ses parents. Elle rencontre ensuite Adrien Guébhard avec qui elle se met en ménage. Elle l’épouse en 1885, à la faveur de la loi sur le divorce. En 1879, à Bruxelles, elle rencontre Jules Vallès, communard en exil. Revenu à Paris, Vallès l’initie à l'édition et au journalisme. Avec le soutien financier de Guébhard, ils relancent Le Cri du Peuple.
Le Cri du Peuple, rue du Croissant.
Elle travaille d’abord comme secrétaire particulière de Jules Vallès, puis comme journaliste dans le quotidien.
Portrait de Jules Vallès dans Le Cri du Peuple, 17 février 1885.
Séverine dans son salon.
Vallès, mentor et ami de Séverine, meurt chez elle, en 1885.
Témoignage de Séverine sur Jules Vallès dans Les nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques.
Elle prend sa suite au Cri du Peuple, et devient ainsi la première femme directrice d’un quotidien en France. Elle quitte le journal assez rapidement suite à des désaccords avec le reste de l’équipe. Son parcours de journaliste est marqué par son investissement politique. Elle écrit partout où sa plume n’est pas censurée, notamment dans tous les grands journaux de l’époque, comme Les Temps Modernes, Les Temps nouveaux, L'Intransigeant, le Gil-Blas, Le Gaulois, Je sais tout, Le Matin ou encore l'Excelsior. Elle défend plusieurs militants anarchistes, comme Clément Duval, condamné à mort pour vol, et Germaine Berton qui a assassiné un membre de l’Action Française.
Le 9 décembre 1897, elle fonde La Fronde avec son amie Marguerite Durand. Elle y tient la rubrique Notes d'une frondeuse.
C’est le premier quotidien non-seulement destiné aux femmes, mais aussi conçu, rédigé, administré, fabriqué et distribué exclusivement par des femmes : journalistes, rédactrices, collaboratrices, typographes, imprimeuses, colportrices, etc. Marguerite Durand et Séverine entendent ainsi prouver que des femmes peuvent réussir dans le monde du journalisme, fortement dominé par les hommes, et qu'une entreprise de presse peut fonctionner sans recourir à leur assistance.
La Fronde N°1. 26 mai 1926.
Elles y défendent l’avortement, l’éducation mixte, l’égal accès à toutes les professions, mais aussi plus largement le progrès social. En 1899, Séverine couvre le procès en révision de Dreyfus et s’engage en sa faveur. Certains titres antidreyfusards lui ferment alors leurs pages.
Séverine, Marguerite Durand et Jeanne Brémontier à Rennes pendant le procès de Dreyfus (dessin).
Si elle commence par refuser de militer pour le droit des femmes, par antiparlementarisme et en accord avec ses idéaux libertaires, elle finit par organiser en juillet 1914 une manifestation mémorable de suffragistes.
Réunion concernant le suffrage des femmes, photographie de presse, agence Rol.
5 juillet 1914. Manifestation des suffragettes. Mme Séverine en tête du cortège. Photo Agence Rol.
La guerre interrompt le mouvement. Séverine s’investit, sur les traces de Jules Vallès, dans le pacifisme. Cette prise de position lui ferme encore une fois la porte de certains quotidiens, qui la jugent anti-patriotique. Sa dernière apparition publique, en 1927 au Cirque d’Hiver, sera pour défendre Sacco et Vanzetti, militants anarchistes accusés de meurtre aux Etats-Unis et condamnés à la chaise électrique.
L'Humanité du 21 août 1927.
Elle s’éteint deux ans plus tard à Pierrefonds, le 24 avril 1929, où une foule nombreuse assiste à ses obsèques. Sa résidence est alors rachetée par Marguerite Durand, qui la transforme en résidence d’été pour les femmes journalistes.
Pierrefonds : obsèques Mme Séverine, photographie de presse Agence Meurisse, Paris, 1929.
Elle est aujourd’hui considérée comme l’une des pionnières du féminisme français.
Séverine médaille.