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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 1.700 articles.

1er avril 1994. Mort du photographe Robert Doisneau.

Toute ma vie je me suis amusé, je me suis fabriqué mon petit théâtre.
Robert Doisneau

Doisneau. La cheminée de Madame Lucienne.

Il n'est pas un jour sans que je publie une photo de Robert Doisneau sur Twitter ou sur Facebook.

J'ai toujours été happée par la magie du noir et blanc.

Et de cette magie-là, Robert Doisneau en est le prince.

Difficile de dire quelle est ma photo préférée ?

Choisir parmi sa série de bignoles typiques...

Ou parmi les bistrots parisiens.

Doisneau. Bistrot cloisonné. Paris 1950.

Ou encore parmi le petit peuple des Halles de Baltard.

Celles que j'ai connues étant enfant.

Et dont l'odeur me saute au nez quand je les regarde.

Chez Doisneau, ça grouille, ça vit, ça rigole et ça pleure...

Il y a du génie du regard chez cet homme-là.

Et savoir regarder est un art.

C'est tout le petit peuple de la rue qui hante ses portfolios.

Doisneau. Les Halles. Un petit endroit discret.

C'est aussi mon enfance qui me saute à la gorge.

"On est de son enfance comme on est d'un pays", écrivait Antoine de Saint-Exupéry.

Merci Monsieur Doisneau pour ce beau voyage dans un monde disparu.

Pas si lointain mais déjà presque oublié.

Liliane Langellier

 

Le photographe français Robert Doisneau naît le 14 avril 1912 à Gentilly dans le Val de Marne. Il décède le 1er avril 1994 à Paris.

Robert Doisneau grandit dans un univers petit-bourgeois qu’il exècre. Formé à l’Ecole Estienne, il obtient un diplôme de graveur lithographe et devient dessinateur de lettres à l’Atelier Ullman, spécialisé dans les publicités pharmaceutiques.

Enseignes qui ne renseignent pas, cinq photographies de Robert Doisneau, Vu, numéro 427, 20 mai 1936.

En 1931, il est engagé par le sculpteur André Vigneau comme opérateur. Entre deux missions, il arpente les rues de Paris et de banlieue, faisant de ces lieux son studio. Tout au long de sa vie, Robert Doisneau a été fasciné par la banlieue. Jean-François Chevrier parle du besoin de Doisneau de "fixer ce qui était en train de disparaître" et de laisser "le souvenir de ce petit monde qu’il aimait". Il admirait Eugène Atget qui avait bien plus tôt photographié Paris, ses rues, ses places publiques ou ses théâtres de boulevard. Son premier reportage sur le marché aux puces de Saint Ouen est publié en 1932 dans "Excelsior". Après avoir effectué son service militaire dans les Vosges, il retrouve Lucien Chauffard, rencontré à l’Atelier Ullman, au service photo des usines Renault à Boulogne Billancourt. Pendant 5 ans, il photographie les ateliers, les foules d’ouvriers, les chaînes de montage... Il est licencié en 1939 pour retards répétés.

Cette même année, Robert Doisneau rencontre Charles Rado, fondateur de l’agence Rapho, qui lui propose un contrat de photographe-indépendant. La réalisation de sa première commande est interrompue par la déclaration de guerre. Mobilisé à l’est pendant le début de la guerre, il est réformé en février 1940 et rentre à Paris. En juin, à l’arrivée des nazis, il quitte la capitale et se réfugie dans une ferme dans le Poitou pendant quelques mois. C’est dans cette région qu’il réalisera 10 ans plus tard quelques unes de ses photos les plus célèbres telles que "le ruban de la mariée". Pour survivre pendant cette période où les commandes sont rares, il fabrique des cartes postales en photographiant les monuments napoléoniens et les vend au musée de l’Armée. Il met également son talent de graveur au service de la Résistance en fabriquant de faux-papiers. En 1945, Robert Doisneau rencontre Blaise Cendrars à Aix-en-Provence grâce à Maximilien Vox qui l’envoie en commande pour "l’Album du Figaro". L’écrivain est l’un des premiers à s’intéresser au travail du photographe sur la banlieue et à l’encourager dans cette voie. L’ouvrage "La banlieue de Paris", publié en 1949 scelle cette collaboration et annonce les projets de Doisneau réalisés avec d’autres écrivains.

L’équipe de l’agence Rapho. Robert Doisneau (au centre avec le déclencheur à distance) entouré de Raymond Grosset, Eddy Van der Veen, Sabine Weiss, Emile Savitry, Ergy Landau, Serge de Sazo..., Noël 1953.

Phot. Robert Doisneau. © Robert Doisneau / Rapho.

L’Agence Rapho est relancée en 1946 par Raymond Grosset, Doisneau reprend alors sa place de photographe indépendant. Grâce à Grosset, Doisneau signe un contrat avec Vogue pour réaliser des photos de mode mais il n’est pas à l’aise dans ce milieu, il ne sent pas à sa place. Il préfère photographier le monde de la nuit et de la cloche avec Robert Giraud, rencontré en 1947. Ensemble, ils tenaient une rubrique à 4 mains pour "Paris-Presse L’intransigeant". C’est en sa compagnie qu’il réalise une grande partie de ses photos de bistrots des années 50, en traînant dans les quartiers des halles ou Mouffetard. Giraud connaît parfaitement le milieu, il présente à Doisneau nombre de personnages présents dans l’exposition tels que Richardot le tatoué, Pierrette d’Orient l’accordéoniste ou Anita, la jeune femme mélancolique. Robert Doisneau est un homme discret, attaché à son pays, parlant mal l’anglais et voyageant peu. Néanmoins, en 1960, il se rend aux Etats-Unis pour photographier Jerry Lewis sur un tournage à Hollywood et en profite pour faire des photos avec son ami Maurice Baquet à New York. Il réalise également un reportage en URSS pour le journal de la CGT "La vie ouvrière" (sur les réalisations du cinquantenaire du pays).

Dans les années 1980, à la demande de la DATAR, il explore à nouveau la banlieue, son espace de prédilection, en réalisant une mission en couleur. "Ma vie est télescopique, disait-il, une suite de rencontres heureuses ou malheureuses, une improvisation au jour le jour", En effet, au fil des années, Doisneau s’est lié à de nombreux artistes, écrivains, peintres, acteurs : de Jacques Prévert à Jacques Tati, de Saul Steinberg à Pablo Picasso, de Daniel Pennac au chanteur Renaud et Sabine Azéma, sa grande amie qui lui consacra un film pour ses 80 ans. Ces rencontres ont façonné l’histoire de sa vie. Le photographe décède à Paris en 1994 en laissant une oeuvre aux multiples entrées.


C’est toujours en ironisant sur lui-même, que Doisneau abordait son travail, qui n’était pour lui que l’antidote à l’angoisse de ne pas être. Jongleur, funambule, illusionniste pour encore plus de réalisme, tel est le paradoxe trompeur de celui qui voulait "réussir ses tours comme le font les artistes du trottoir", avec la lucidité pudique d’un artiste malgré lui.

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L
bonjour <br /> Doisneau, vous connaissez; mais Lucien CHAUFFARD , celui que les propres filles de Robert qualifient de "fil rouge" dans la carrière de leur père ?<br /> <br /> Lucien Chauffard - Photographe humaniste oublié<br /> @lucienchauffard.photographe<br /> · Artiste<br /> <br /> Bien cordialement
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