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21 Mars 2020
C'est encore sur le compte Twitter de notre historienne Mathilde Larrère.
Et elle ajoute tout de suite en P.S. :
"Les images qui illustrent ce tweet montrent des enfants au travail mais pas toujours en France, celle-ci, par exemple (en appel de l'article), date de 1911, USA, mine de charbon."
1) L’industrialisation naissante avait eu massivement recours à la main d’œuvre infantile.
Les données recueillies dans les années 1840 chiffrent à 150 000 le nombre d'enfants ouvriers, soit 15% de la population ouvrière !
2) Très pratique les enfants, pour le patronat !
ça coute pas cher, ça gueule pas, ça fait pas grève…
C’est tout petit… dans les mines, ça se glisse dans les galeries étroites. Avec leurs petites mains, ça fait des travaux de précision…
3) Et les salaires ouvriers étaient tellement bas que, pour les familles, faire travailler les minots, c’était obligatoire si on voulait bouffer...
(à nouveau, la photo est une photo américaine, 1910. il n'y a peu d'illustration du travail des enfants en France au début du XIXe siècle)
4) Des mômes sacrifiés, avec d’interminables journées de travail, dans des conditions déplorables…
Combien de corps brisés dès l’enfance…
Evidemment pas le temps d’aller à l’école dans ces conditions…
6) Dans les années 1840, plusieurs milieux tirent la sonnette d’alarme : les médecins d'abord, qui constatent les dégâts sur les corps...
7) Les militaires ensuite, commencent à se dire qu’on va manquer de chair à canon car les fils d’ouvriers se font tous réformer.
Les industriels protestants qui, eux, n’engagent pas trop d’enfants et souffrent de la concurrence des patrons catholiques, qui n’ont aucun scrupule à le faire...
8) En Europe, le travail des enfants était déjà limité depuis 1819 pour l’Angleterre, 1831 pour la Prusse.
9) Le gouvernement finit par proposer une loi en 1841, adoptée le 21 mars.
Elle interdisait le travail des enfants avant 8 ans.
Limitait à 8 heures la durée de travail des enfants de moins de 12 ans, à 12 heures, celle des enfants de moins de 16 ans.
10) Dimanches, jours fériés, temps de repos devaient être accordés aux enfants (aux adultes non, hein !). et le travail de nuit interdit.
11) Bon comme ça, ça sonne pas mal !
En plus c’était la 1ère entorse dans le libéralisme dominant ! l’Etat intervenant dans les entreprises et les familles...
Oui… mais…. c'est pas si simple...
12) La loi prévoyait plein d’exemptions.
Déja les « manufactures à moteur continu » n’étaient pas concernées par la loi, donc toutes les usines modernes où travaillaient les enfants...
13) Ensuite la loi ne concernait que les entreprises de + de 20 salariés, soit une minorité en France où dominait encore la petite entreprise.
En gros entre les nouvelles usines et les entreprises trop petites qui dominaient le tissu industriel… Il ne restait pas grand chose.
14) Qui plus est, les amendes prévues pour les contrevenants sont assez faibles... et peu dissuasives.
15) Et cerise sur le gâteau (mais pourrie la cerise), l'Etat s'est privé d'un rouage essentiel pour faire appliquer la limitation du travail des enfants, une inspection indépendante. Donc ça n'a pas changé grand chose….
15 bis) en 1856 Hugo dénonçait encore le travail des enfants dans son poème Melancholia :
16) Pour cela il faut attendre 1874 avec la création de l’inspection du travail et une nouvelle loi contre le travail des enfants.
Mais surtout l’instruction obligatoire de Ferry en 1882…
17) Et dans de nombreux pays dans le monde les enfants continuent de travailler de nos jours...
Et, là, j'ai une pensée toute spéciale pour ma petite mère, Jeannette Majorel...
Qui, à l'âge de 9 ans a été placée chez une patronne fleuriste.
La patronne avait dit Oui pour l'école mais Non pour le catéchisme.
Donc, contrairement à ses sœurs, Jeannette n'a pas fait sa communion solennelle.
Liliane Langellier
Jeannette, Germaine, Maurice, Yvonne Majorel