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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 1.800 articles.

Pierre Lemaître : Miroir de nos peines.

C'est, et de loin, celui que j'ai préféré dans la trilogie de Pierre Lemaître.

A en retrouver mes habitudes d'étudiante...

Oui, à en lire jusqu'à 2/3 heures du matin sous la couette.

A ne pas le quitter.

Jusqu'à ce que j'en ai fini avec lui.

Et pourtant on peut dire que le premier volume de cette trilogie, "Au-revoir là-haut" m'avait séduit.

Mais là...

Il me faut quand même avouer que cette période de L'Exode de juin 1940 est inscrite dans mon ADN.

Ma petite mère a dû partir avec l'usine Gaudron Aviation.

Où elle était entrée car il était devenu trop dangereux de vendre des fleurs sur sa petite voiture.

Place Marcel Sembat.

Avec les bombardements de l'usine Renault au pont de Sèvres.

Ma tante, Germaine, est partie, elle avec son usine Carnaud Basse-Indre.

Elle était très enceinte.

Et elle a accouché sous un camion.

Quelque part sur la route.

Revenons à notre livre.

Tout cela débute par trois jolies citations en exergue :

"Pour tout ce qui arrivait, quelqu'un d'autre était coupable."

de William McIlvanney (Laidlaw)

"L'homme partout où il va, porte avec lui son roman."

de Benito Perez Galdós.

"Pour émouvoir puissamment il faut de grands déplaisirs, des blessures et des morts en spectacle."

de Corneille, "Examen d'Horace'.

 

Le récit, lui, commence au 6 avril 1940.

Avec M. Jules, le propriétaire de La Petite Bohème, le restaurant où travaille notre Louise.

Mais oui, souvenez-vous, Louise, la petite fille qui était devenue copine avec nos deux héros de la Grande Guerre...

Louise est diplômée de l'Ecole Normale d'Institutrices et a été nommée à l'école communale de la rue Damrémont.

Elle bosse au noir dans le restaurant de M. Jules pour arrondir ses fins de mois.

L'un des clients fidèles du petit restaurant est appelé "Le docteur".

Et le moins que l'on puisse dire est qu'il a un comportement des plus étranges.

Et que sa proposition à Louise n'est pas banale :

"Vous voir nue avait-il dit calmement. Juste une fois. Seulement vous regarder. Rien d'autre."

Elle ose demander dix-mille francs à son admirateur.

Qui lui donne rendez-vous.

"Il proposa l'hôtel. ça faisait maison de passe. Elle accepta. Il devait avoir prévu sa réponse parce qu'il lui tendit une page de carnet. 

- Vendredi, voulez-vous ? Vers dix-huit heures ? Je réserverai au nom de Thirion. C'est écrit sur le papier."

Tout cela ne se passera pas comme prévu.

Loin s'en faut.

Le docteur se flingue sur le lit une fois qu'il a vu Louise nue.

Ce qui la rend folle.

Et la fait se ruer sur le boulevard Montparnasse en courant.

Oui, vous lisez bien, nue, en courant sur un grand boulevard.

Ce qui finit à la police.

Bien entendu.

Moche, très moche pour une institutrice dont la moralité doit être irréprochable.

A la même date...

A l'autre bout de la France...

Gabriel s'ennuie ferme au Mayenberg.

Dans la ligne Maginot.

Où l'on attend vainement un ennemi qui ne vient pas.

Il y côtoie le caporal-chef Raoul Landrade.

Un drôle de zig.

Qui passe sont temps à magouiller en vendant et revendant de tout, et en pillant les autres au bonneteau.

Il a ça dans le sang, le Raoul.

La démerde bien franchouillarde.

Après sa fuite éperdue, Louise est hospitalisée.

Et, interrogée par le juge Le Poitevin.

Qui cherche à comprendre ce qui s'est vraiment passé dans cette chambre d'hôtel.

"- Je ne le connaissais pas vraiment...

Le juge éclata d'un rire sec.

- Ah bon ! Alors vous vous déshabillez devant le premier venu ?

Il se tourna vers le policier en claquant la main sur sa cuisse, c'est extraordinaire, vous avez entendu ça ?"

En plus, pour ne rien arranger, il y avait 15.000 francs dans l'enveloppe posée sur la table de nuit.

On quitte Louise pour suivre Gabriel.

On quitte Gabriel pour suivre Louise.

Qui vit son procès en compagnie de Maître Désiré Migault.

Un jeune et brillant avocat qui plaide Louise en victime et en légitime défense.

Un détail mais d'importance...

Louise est très très belle.

C'est une longue fille avec une jolie bouche pulpeuse et des yeux verts perçants.

Et, ce qui ne gâche rien, un très beau cul.

"Dès son entrée dans le prétoire, le charme de l'accusée avait frappé tous les regards. C'était une jeune femme frêle au beau visage grave, aux pommettes bien dessinées et aux yeux verts. Bien qu'elle fut vêtue d'un tailleur strict on ne pouvait ignorer qu'elle était admirablement faite, de haut en bas."

Son étrange avocat, Désiré, est un escroc de première bourre :

"Pendant la délibération, alors que Désiré était entouré de reporters, de journalistes et même de confrères, venus, à regret, le féliciter, le bâtonnier se fraya un chemin, et, passant son bras autour de l'épaule du jeune homme, l'entraîna à l'écart.

- Dites-moi, Maître, nous n'avons pas trouvé trace de votre habilitation auprès du barreau de Paris."

Du côté de Mayenberg, le gars Gabriel va remplacer le sous-lieutenant Darasse qui était chargé de l'Intendance.

Une aubaine pour Raoul qui envisage un nouveau commerce parallèle à grande échelle, cette fois.

"Gabriel n'eut pas le temps d'approuver, il était nommé sous-officier de détail.

- Le sous-lieutenant Darasse sera absent pendant trois mois, vous le remplacerez.

Gabriel, soufflé par la surprise, en avait le cœur battant, adieu la vie souterraine du Mayenberg, à lui les journées dehors, les allers-retours à Thionville, le grand air et la lumière."

Oui, ils vont tous prendre le chemin de l'Exode quand les Allemands vont arriver sur Paris.

Dans l'offensive du 10 juin.

Louise, en voiture avec Monsieur Jules.

Gabriel avec Raoul en déserteurs...

Désiré, en prêtre en soutane, un nouveau rôle de pure composition qui lui sied à merveille.

D'autres personnages, viendront, bien sûr, se greffer sur l'intrigue.

Quelle idée, mais quelle idée ils ont eu de partir ainsi sur les routes.

Et de risquer de se faire canarder par les Spitfires allemands et leurs sirènes hurlantes.

On se dit, avec le recul, que nous, on serait resté.

On n'aurait pas eu peur.

On aurait fait face.

Mais c'est avec le recul...

Ainsi jetés sur les routes...

Tous les personnages de Lemaître vont se révéler.

Et on a hâte, très hâte de savoir ce qu'il va advenir d'eux.

Je vous le répète, prendre ce livre en main, c'est ne plus le quitter.

Pierre Lemaître signe là, dans le troisième volume de sa saga, un ouvrage haletant dont on tourne les pages avec fièvre.

Le talent, c'est ça, coco !

C'est juste ça.

Liliane Langellier

 

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