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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Catherine Nay. Souvenirs, souvenirs...

Souvenirs, souvenirs
Je vous retrouve dans mon cœur
Et vous faites refleurir
Tous mes rêves de bonheur.
Johnny Hallyday

C'était le temps...

Le joli temps d'avant...

Quand, d'une passion unique et bouleversante entre deux êtres, pouvait naître un journal...

L'Express.

Et que, ses fondateurs, Françoise Giroud et Jean-Jacques Servan Schreiber y bossaient encore.

Et oui, elle a eu le grand bonheur de connaître ça, Catherine Nay...

Mais, commençons par le commencement.

Qui débute dans un train.

Où la toute jeune fille entrevoit une créature de rêve qui fume à la fenêtre du couloir.

"Elle a écrasé son mégot dans le cendrier fixé à la paroi du wagon, disparue comme elle était venue. Je ne l'ai plus revue. Mais cette apparition allait changer ma vie. Embarquée dans ces rêveries, une évidence s'imposait à moi : je serais moi aussi journaliste."

C'est ainsi qu'au milieu des années 50, à l'âge de l'adolescence, nait une vocation.

Pourtant, le début de sa vie est somme toute assez banal.

Une enfance dans la bonne ville de Périgueux.

Un père "Pago", gadzart, grand gaulliste devant l'Eternel, qui dirigeait les ateliers SNCF.

Et, qui lui donne très rapidement le goût de la lecture.

Et des grands auteurs : Balzac, Flaubert, Stendhal, Jules Verne, Alexandre Dumas, Chateaubriand.

Et Victor Hugo :

"Lis donc Choses vues c'est une belle leçon de journalisme."

Elle est la seule fille avec deux frères aînés et des jumeaux.

Avec une mère "Miette", femme à la maison, douce et bienveillante.

Qui lui donne un vrai conseil de vie "Il y a deux choses que tu dois coûte que coûte éviter : Back Street et Le Puits de solitude."

Entendre dépendre financièrement d'un homme et être lesbienne.

Et il y a aussi la merveilleuse grand-mère "Maman Nane".

Veuve d'un poilu tué à Douaumont en mars 1916.

Et qui avait eu le cran de reprendre l'entreprise à la mort de son mari.

Elevée dans une école libre, la vie de Catherine s'écoule doucement entre cinémas, théâtres, et morceaux de grande musique joués par sa mère au piano.

C'est lors de sa communion solennelle, qu'elle commence à souffrir de sa grande taille, plus spécialement à la sortie de la cathédrale Saint-Front, où elle ferme la marche, dépassant de deux têtes ses petites camarades.

"J'ai quitté Périgueux parce que j'étais trop grande."

Le bac en poche...

Elle part donc à Paris, avec son amie Monique, étudier à l'institut des sciences techniques et humaines, pour préparer son entrée à HEC-JF.

Elles habitent deux chambres, rue Saint-Lazare, à côté de l'église de la Trinité, dans un appartement vide dont le propriétaire vit à l'étranger.

Elle travaille mollement mais excelle (déjà !) dans la contraction de texte.

Rate le concours d'entrée, et déclare tout de go à ses parents "Je serai journaliste".

En plus de cours à la faculté de Droit, elle participe, pour la première fois, au journal de Jean de Préaumont, un élu UNR du XVIIe arrondissement. de Paris.

Elle n'a déjà, à l'époque, qu'une seule idée en tête : rentrer à L'Express.

Et, pour ce faire, rencontrer quelqu'un qui y travaille.

Ce sera chose faite à un diner où elle rencontre André Gobert, directeur artistique du journal, et sa femme Monique Gilbert, journaliste-écrivain, qui y travaille aussi.

Grâce à eux, elle décroche un stage de six mois au service politique du magazine dirigé par Jean Ferniot.

Sa première rencontre avec Françoise Giroud est catastrophique :

"Je la saluai d'un "Bonjour madame" le plus respectueux possible. Pour toute réponse, elle a planté son regard droit, à hauteur de ma poitrine, faisant comme si elle n'avait rien entendu. Glaciale."

C'est la famille Servan Schreiber qui possède L'Express à l'époque.

Jean-Jacques, bien sûr.

Qui, a raflé tous les prix d'excellence à l'école et qui, à dix ans, crée son propre journal.

A fait Polytechnique et écrit dans Le Monde à vingt-cinq ans.

Mais aussi sa sœur Christiane Collange, la patronne de Madame Express (vingt pages du journal, presque un état dans l'état).

Et encore son autre sœur préférée, Brigitte Gros, résistante, qui avait participé à la libération de l'Alsace dans l'armée du général de Lattre de Tassigny, spécialiste de l'urbanisme et des transports.

Son petit frère Jean-Louis, qui a lancé le magazine L'Expansion.

Et pour couronner le tout, sa mère que tout le monde appelle "Mme Emile", prénom de feu son mari.

Et qui veillait aux cordons de la bourse.

Mais...

La seule, l'âme du journal, reste, pour Catherine, Françoise Giroud.

"Elle avait même édicté un certain nombre de règles : soigner la première phrase. L'attaque était capitale "Inutile d'avoir du talent à la cinquième ligne si le lecteur vous a lâché à la quatrième." (…) Faire court, soigner la chute. La conclusion du papier devait répondre à la promesse implicite faite au lecteur dès la première ligne."

Grosse déception.

Au bout de ses six mois de stage, en 1966, Jean Ferniot lui annonce qu'il ne la garde pas sans lui expliquer pourquoi.

Elle bosse quelques temps au nouveau Candide.

Et...

Enfin, fin juin 1967, Georges Suffert l'appelle :

"Je te cherche depuis ce matin : Jean Ferniot a quitté L'Express, il est remplacé par Claude Imbert qui est d'accord pour t'engager au service politique. Tu as rendez-vous avec Jean-Jacques mardi à 16 heures."

Elle va devoir s'occuper du parti gaulliste.

Tout en sachant que JJSS détestait de Gaulle.

Et qui conclut l'entretien par : "A droite, il n'y a que deux hommes intéressants : Giscard et Chalandon."

A L'Express, c'est l'âge d'or !

Tirage hebdomadaire à 500.000 exemplaires.

Avec 250.000 abonnés.

"Y travailler ouvrait toutes les portes. Les hommes politiques, les chefs d'entreprise, la société civile, tous jugeaient gratifiant d'y retrouver leurs propos avec leurs photos."

L'arrivée de Claude Imbert est une véritable bénédiction pour la rédaction.

Elle partage, à cette époque, le même bureau que Michèle Cotta.

Qui sera et restera sa meilleure amie.

Dans son chapitre "La coccinelle bleue", Catherine nous raconte son mai 68.

Qu'elle a détesté.

Et, pour cause :

"J'ai détesté Mai 68 parce que j'étais folle amoureuse d'Albin Chalandon. Difficile dans ce chaos de prévoir un rendez-vous. Il me fallait une heure de marche pour regagner mon studio, je ne le voyais plus. Lui-même était très pris. La faute à ce Cohn-Bendit. Je le détestais".

Et oui Catherine Nay a rencontré Albin Chalandon, un haut fonctionnaire, huit mois plus tôt aux assises de l'UNR-UDT, à Lille.

Où elle était partie en  délégation avec Claude Imbert, Georges Suffert, Michèle Cotta et Irène Allier.

Elle a 25 ans.

Il en a 48.

Elle est grande, belle, distinguée.

Avec de longues jambes qui lui montent jusqu'aux oreilles et qui font rêver tous les mâles de l'Assemblée nationale.

Elle est l'une des amazones du journal (avec Cotta, notamment…)

Lui, il a de la classe et un charme fou.

Et porte le frac comme personne.

Quelques jours plus tard, il l'invite à déjeuner au George-V.

Et lui raconte son maquis dans la forêt d'Orléans.

La division Leclerc et l'investissement de l'Assemblée nationale aux côtés de Maurice Clavel et d'autres.

Catherine reste méfiante, car ce député, secrétaire général de l'UNR est marié.

Très marié.

Avec la princesse Salomé Murat.

Et père de trois garçons.

"Dix jours plus tard, Albin m'a réinvitée à déjeuner. Et j'acceptai. Et puis, le rythme de nos rencontres, d'abord hebdomadaire, a doublé de fréquence. Entre nous, c'était clair. Il y avait affinité. Alors un soir, il y eut plus, forcément !"

La relation s'installe.

Et puis, un jour de 1970, Albin arrive avec une petite valise, sa femme l'avait mis à la porte.

Cette relation dure encore aujourd'hui.

Puisqu'Albin Chalandon a épousé Catherine Nay en 2016.

Après la mort de son épouse. Dont il n'avait jamais divorcé.

Voilà….

Les personnages sont en scène.

Avec Albin et Catherine, c'est la grande union du monde politique et du monde journalistique...

Après L'Express, pour elle, ce sera Europe 1 en 1975.

A la grande époque d'Etienne Mougeotte, de Jean Boissonnat, d'Alain Duhamel, d'Anne Sinclair et d'Ivan Levaï.

A la folle époque où les journalistes radio portaient en bandoulière des Nagra qui pesaient 7 kilos…

Elle cumule, à partir de septembre 1980, avec la rédaction d'un portrait hebdomadaire dans Jours de France.

Reste pour l'auteur à nous conter sa vie.

Professionnelle, surtout.

Et parfois personnelle.

Ce qu'elle fait avec beaucoup de grâce.

Et beaucoup d'humour.

N'épargnant pas les petites anecdotes piquantes sur les hommes politique et sur leurs âpres luttes pour conquérir le pouvoir.

JJSS et son salaire annuel à L'Express de 3 Millions de Francs, par exemple... Et le fait que la moitié des profits du journal soit utilisé pour promouvoir son image et faire campagne.

Giscard et ses ridicules obsessions nobiliaires...

Olivier Guichard et ses chaussures faites main de chez Lobb (la Rolls des chaussures) offertes par ses nombreuses maîtresses...

Françoise Giroud et Simone Veil (mes deux idoles) se détestant alors qu'elles appartenaient toutes deux au premier gouvernement Giscard.

Chirac, obligé de plonger le soir ses mains dans la glace, parce qu'elles avaient doublé à serrer celles des autres...

Et s'affichant, en 1975, lors d'un voyage officiel en Inde, avec sa maîtresse, la journaliste Jacqueline Chabridon "Chabri", devant le Taj Mahal et la quarantaine de confrères présents.

Marcel Dassault, qui, sauvé de Buchenwald par le grand communiste Marcel Paul, subventionnait en remerciement et en lousdé la C.G.T. et le parti communiste.

La risible et légendaire pingrerie de François Mitterand...

La lutte fratricide Chirac-Balladur...

L'une de ces anecdotes m'a particulièrement marquée :

Quand Jean-Jacques Servan Schreiber a vendu L'Express à Jimmy Goldsmith, en 1977, il avait exigé le versement d'une partie de la somme en lingots d'or en Suisse.

Ce qui lui fut refusé.

Et, oui…

Les conseilleurs ne sont pas les payeurs...

Ou encore...

Faites ce que je vous dis...

Mais faites pas ce que je fais.

Liliane Langellier

 

Catherine NAY : Souvenirs, souvenirs...

352 pages.

Editions Robert Laffont.

21 € 50.

Bio express

1967 Entre à L’Express.

1968 Rencontre Albin Chalandon.

1975 Entre à Europe 1.

1980 Publie La Double Méprise (Grasset).

1984 Publie Le Noir et le Rouge (Grasset).

2007 Publie «Un pouvoir nommé désir» (Grasset).

2018 Réalise le documentaire De Gaulle et Pompidou, jusqu’à la rupture (France 3).

2019 Publie Souvenirs, souvenirs… (Robert Laffont).

Quatrième de couverture

" Je serai journaliste ", se promet très tôt la jeune provinciale de Périgueux. Pourquoi ce métier ? Par goût de l'écriture ? Pour partir en reportage et raconter le monde ? Non, pour être libre.
Après une enfance heureuse au sein d'une famille aimante et protectrice, Catherine Nay accomplit peu après son arrivée à Paris un rêve qui fut celui de tous les journalistes débutants dans les années 1960 : entrer à L'Express, la meilleure école de presse à cette époque, sous la double houlette de Jean-Jacques Servan-Schreiber et, surtout, de Françoise Giroud. Elle y trouve une sorte de seconde famille. La figure de Françoise Giroud, dont elle nous révèle ici des aspects inattendus, domine ces années. Elle incarne pour elle un modèle à la fois d'observatrice des moeurs de son temps et de femme de caractère.
Catherine Nay a obéi dans sa propre existence à ce même désir de liberté et d'indépendance. Elle évoque ici pour la première fois sa rencontre en 1968 avec l'un des grands acteurs de la Ve République, Albin Chalandon, resté cinquante ans plus tard le grand amour de sa vie.
Devenue familière des coulisses du monde politique, elle nous offre dans le premier volume de ses mémoires, entre portraits à vif et anecdotes savoureuses, un récit original et perspicace, plein d'humour, d'intelligence et de vivacité, des règnes successifs de Pompidou, Giscard et Mitterrand, jusqu'à l'élection de Jacques Chirac, une chronique intime de cet univers de passions où s'affrontent des personnages hors normes dont elle recueille les confidences, décrypte les facettes les plus secrètes ou les mieux dissimulées.
Sous le regard de cette enquêtrice aguerrie, le pouvoir apparaît tel qu'il est, avec ses rites, ses pratiques, ses grandes et petites rivalités : une comédie romanesque faite de sensibilités particulières, par-delà les idées et les convictions. Catherine Nay la raconte sans cacher ses coups de coeur ni ses partis pris.
Librement !

Catherine Nay. Souvenirs, souvenirs...
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