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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 1.800 articles.

One Two Two de Fabienne Jamet.

La tolérance, il y a des maisons pour ça.
Paul Claudel.

Un livre pousse l'autre...

Après "La tondue", j'ai enquillé sur le livre de Patrick Buisson : "1940-1945. Années érotiques"....

Pour mieux comprendre l'image des femmes en 1940.

Juste le temps de découvrir, dans le chapitre 4, "L'ultime âge d'or des maisons closes" (page 172 à 220) que l'Occupation vit l'essor des bordels.

"Plus d'un Français sur cinq, né entre 1922 et 1925, a encore recours à ce type d'initiation au début des années quarante. Le bordel, au même titre que la caserne, fait figure d'institution, d'étape obligée dans le parcours d'un jeune homme."

Le Maréchal Pétain, très longtemps célibataire, a eu recours aux maisons qui ont égayé sa vie de garnison.

Quant à moi, je suis fascinée par les univers clos : abbayes, béguinages, harems, bordels...

Et oui, les bordels en font partie.

Et, comme Patrick Buisson citait souvent l'ouvrage de Fabienne Jamet, je me le suis trouvée à un prix raisonnable sur Rakuten.

Je pensais avoir tout lu sur le sujet (je suis une fan inconditionnelle d'Alphonse Boudard) mais que nenni !

Le livre de Fabienne Jamet, prostituée de haut vol, épouse de Marcel Jamet, patronne du One Two Two m'en a encore appris de  bien belles.

 

1/ L'établissement

Un immeuble de 7 étages aux volets continuellement fermés.

Situé au 122 rue de Provence.

Pas loin du boulevard Haussmann et du magasin Le Printemps.

Doit son nom aux hommes qui l'évoquait en langage codé devant leurs bourgeoises "Rendez-vous au One Two Two" pour 122.

Il est ouvert en 1924 par Marcel Jamet et sa femme Doriane, une ancienne d'un autre claque : Le Chabanais.

A l'époque, trois maisons closes sont mondialement connues à Paris :

 - Le Sphinx, 31, boulevard Edgar Quinet, Paris 14e (tenu par Manouche, une ennemie personnelle de Fabienne Jamet)

- Le Chabanais au 12, rue Chabanais, Paris 12e,

et le One Two Two.

Doriane abandonne l'établissement pour suivre son amant en 1939.

Elle est alors remplacée par Georgette Pélagie, dite Fabienne

Une jeune femme tombée dans la prostitution dès sa plus tendre jeunesse.

Belle, mince, très mince, avec de grands yeux verts, Fabienne conquiert vite le cœur de Marcel Jamet qui l'épouse en 1942.

Le claque fonctionne de 14 heures à 5 heures du matin.

Dès leur arrivée, les sous-maîtresses dirigent les clients (préalablement triés) vers "le salon de choix".

Où ils peuvent trouver chacun femme à leur goût.

Pour les filles, il y a un réfectoire et un cabinet médical.

Le restaurant "Le bœuf à la ficelle" est alors renommé dans le tout Paris.

Une grande table en forme de fer à cheval peut tenir jusqu'à 60 convives.

Au menu : caviar, bœuf à la ficelle, of course, fromages, omelette norvégienne, le tout arrosé de champage Bollinger ou Pommery.

Les clients peuvent y venir pour dîner et se montrer, sans obligation de consommer une femme.

Les jeunes femmes servent nues sous un tablier blanc avec des hauts talons et une fleur de camélia dans les cheveux.

Le plus grand repas fut, sans aucun doute, celui du mariage de Marcel et Fabienne.

En 1942.

En pleine Occupation.

56 invités.

34 magnums et 176 bouteilles consommées.

Alors que les Parisiens crèvent la dalle.

Avec leurs tickets de rationnement.

 

2/ Les chambres.

Une fois le choix effectué, le client, la fille et la gouvernante montent en ascenseur dans les chambres.

22 chambres au décor unique :

"Chaque chambre a ses femmes, mises en valeur sur des socles, avec des costumes et des éclairages adaptés. Les chambres sont décorées comme des décors de cinéma de toutes les époques et de nombreux pays du monde. Les initiés pratiquent « le voyage autour du monde », qui consiste à réaliser des figures inspirées par le Kama-Sutra, dans les chambres de différents pays, pour faire un tour du monde des plaisirs érotiques. Les principales chambres sont 6 :

  • La cabine de paquebot transatlantique, avec décor mer, hublot, chaise transat.
  • La chambre corsaire, avec un lit à baldaquin qui tangue avec le roulis, le mât pour s'accrocher et des jets de paquets de mer à grands coups de seaux d'eau par des assistantes
  • La cabine de l'Orient Express, avec le décor d'un compartiment du célèbre train avec la diffusion d'un enregistrement de train et en option l'irruption d'un contrôlleur qui pouvait se joindre à l'action.
  • Le grenier à foin, avec de la réelle paille.
  • La chambre igloo.
  • Le tipi des indiens d'Amérique.
  • La chambre provençale.
  • La chambre champêtre.
  • La chambre égyptienne avec Cléopâtre.
  • La chambre romaine, ambiance d'orgie de triclinium.
  • La chambre grecque, à l'antique au milieu des colonnes.
  • La chambre Renaissance avec les courtisanes de François Ier.
  • Les galeries des glaces, comme un petit Versailles avec d'immenses miroirs pivotants.

Les chambres des étages supérieurs sont consacrées aux plaisirs sado-masochistes. Comme le disait Fabienne Jamet : "Plus on allait vers le ciel, plus on se rapprochait de l'enfer" 7 :

 

3/ Les filles

Il y a environ 60 filles au One.

"40 à 65 femmes pour 300 clients par jour".

  • Jusqu'à 60 pensionnaires
  • Jusqu'à 200 passes par jour
  • 120 bouteilles de champagne par jour

Soit 4/5 clients par jour et 2 le dimanche.

A 20 francs la passe dont la moitié doit être reversée à la caisse.

Certaines passes peuvent être facturées jusqu'à 200 francs.

Et les filles touchent aussi sur les bouteilles de champagne consommées.

La crème de la crème avec une dure sélection à l'entrée en maison.

Mochetés et seins tombants s'abstenir.

Elles sont priées de s'habiller chic (même pour se déshabiller au plus vite) et achètent de la lingerie superbe.

"Mes filles ? De vraies princesses. Non seulement elles vivaient à l'extérieur avec un jour de congé par semaine, mais pendant leurs heures de travail, on leur offrait coiffeur, manucure, pédicure, lingère pour repasser leurs toilettes, sans compter les 12 douches de l'immeuble."

 

4/ Les hôtes de marque

"C'est un lieu fréquenté par la haute société, où l'on se rend tant pour y être vu (certains hommes y allant uniquement pour dîner avec leur compagne) que pour goûter du charme de ses « pensionnaires ».

 ……………………...

Le bordel, avec le confessionnal, est le lieu où se racontent tous les fantasmes.

Je pensais être au parfum (et oui, encore Boudard…)

Mais si je connaissais la déviance de Michel Simon (croutenard)

J'ai découvert les soupeurs.

Car Fabienne Jamet ne fait pas de cadeau.

Sous prétexte de raconter, elle balance.

Les noms. Les gens. Les fantasmes.

Et oui, l'âge d'or des bordels a bel et bien été l'Occupation.

Certaines ont été rasées pour avoir couché avec l'ennemi.

D'autres s'en sont mieux tirées.

Juste le temps pour qu'une ancienne prostituée, Marthe Richard, fasse voter la loi pour leur fermeture.

Le 13 avril 1946.

Lire sur ce blog :

"13 avril 1946. Le jour où le Parlement vote la fermeture des bordels".

Le One Two Two ouvrira ses volets pour fermer le 6 octobre 1946.

Et pour laisser la place à la Fédération Française de Tannerie Mégisserie.

Un tout autre genre de commerce de peaux.

Liliane Langellier

 

P.S. A lire dans Libération : One Two Two, le lupanar des SS

 

 

 

Le livre de Fabienne Jamet.

Le livre de Fabienne Jamet.

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