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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 1.700 articles.

La famille Dupont de Nogent-le-Roi

Certains rêves de tendresse partagée s'allient volontiers au souvenir d'une jeunesse.
Marcel Proust.

En recevant dernièrement la petite Sandrine Morille à la maison...

Auteur d'un livre récent rassemblant les souvenirs des Nogentais...

Lire sur ce  blog : Souvenirs de Nogentais.

Je lui exprimai ma surprise de ne pas avoir vu citer la famille Dupont.

Et oui, personne ne lui en a parlé.

C'est pourtant la famille la plus connue du bourg.

J'ai donc racheté sur Rakuten le livre de Christiane Dupont-Nangle "Le sel et les lèvres" paru chez Gallimard en 1972.

Et que j'avais malencontreusement prêté.

Là, je savais que je pourrais y trouver les plus jolis souvenirs de la famille Dupont.

………………..

Après quelques recherches généalogiques, je peux préciser que...

Joseph Dupont est né à Quintin (Côtes-d'Armor) le 5 mai 1909.

Il a épousé Isabelle Haerlingen, une ravissante belge de Namur, née le 20 octobre 1911.

Les jeunes mariés se sont d'abord établis à Quintin.

Leur premier enfant, Astrid, prénom de la reine des Belges, est née en 1935 à Quintin.

On les trouve tous trois, lors du recensement 1936, Rue du Pont Marie à Nogent-le-Roi (page 14 du recensement).

Joseph Dupont est alors marchand de porcs.

On aperçoit la maison des Dupont à gauche.

 

Dix autres enfants ont suivi.

"A la maison, il fallait toujours partager en onze" Christiane Dupont en page 153.

Mon grand copain Loïc avait pour coutume de dire : "Je suis le dernier de six et l'aîné de cinq !"

De 1935 à 1950 : naissance de 11 enfants dont des jumeaux.

Dans cet ordre là :

Astrid, Joël, Christiane et Alain (jumeaux), Guy, Loïc, Maryvonne, Nadine, Florence, Armelle et François.

Quinze personnes dans la grande maison : les 11 enfants, les parents et 2 petites bonnes (Louise et Irma.)

De sacrées tablées le dimanche :

"C'était un dimanche, dans notre grande maison merveilleuse et délabrée qui date de 1830. Un repas qui n'en finissait pas, avec M. le Curé. Nous en étions au dessert. Une des spécialités de ma mère, une délicieuse tarte aux pommes qui nous permettait de goûter à tous les pommiers du verger. On mangeait la tarte avec ses doigts. Ma sœur Nadine jouait au piano la Sonate au Clair de lune à l'étage au-dessus. La jeune fille qui jouait de l'harmonium à l'église disait : c'est le meilleur piano du pays. (…) François faisait rebondir une balle dans l'entrée."

Et, sans aucuns doutes, la maison la plus jolie de Nogent-le-Roi :

"Il (NDLR son fiancé Thomas) a entrevu une grande maison aux volets gris-blancs avec des petites mansardes décrépies et une marquise, des barrières séparant la cour avec une rangée de tilleuls, une pelouse en ovale avec un rocher au milieu et son jet d'eau toujours en panne, des dépendances, quelques étables, un ravissant pigeonnier au toit qui tombait en ruine, une niche abandonnée avec une marmite bosselée où poussait la capucine, un portique sans anneaux, rouillé mais imposant, un puits avec une margelle et une tête de lion sculptée, de la mauvaise herbe poussant entre les graviers…"

Une grande famille catholique.

Très.

"Ta mère a frappé dans ses mains. ça devait être l'autorité d'une mère de famille nombreuse pour se faire entendre. Il doit être l'heure d'aller vous confesser. (…) Une église où se reflétait le bleu de Chartres dans les vitraux. Elle était si belle. La façade du porche restait toute droite sans architecture et faisait une transition avec les autres parties flamboyant gothique. On avait dû arrêter les travaux à cause de la révolution.

(…) Après nous avons dîné. Il y avait des pommes de terre bouillies et un pot-au-feu. Presque le repas des pauvres. Les Bretons se nourrissent de pommes de terre et même si c'est un repas de fête, on ne changera pas à la maison la tradition du samedi soir : celle du pot-au-feu. (…)

En revenant de la messe de minuit, autour de la table, près du sapin, ta mère avait mis des petites assiettes fleuries, une bûche de Noël et une bouteille de vin blanc.

Dans les familles chrétiennes on n'aimait pas faire le réveillon la veille de Noël mais au 31 décembre. Noël, c'était vraiment la fête des enfants. Et puis, mon père n'aurait pas voulu qu'on mange les huîtres sans lui. Elles étaient dans le frigidaire pour le repas de Noël.

La crèche et le sapin étaient éclairés et tes petites sœurs ont allumé des bougies qui faisaient des étincelles avant d'aller se coucher. Le seul moment de l'année où elles avaient le droit de jouer avec le feu. Ta mère leur a dit : on va avancer vos moutons parce que vous avez été sages."

Avec quelquefois un vent de révolte bien breton :

"Je me suis faite au contact de la vie et des rencontres, le temps des vacances en Bretagne, dans ce petit port qui évoque pour moi tant de souvenirs. C'était le seul moment de l'année où j'étais libre comme le vent. Ma mère disparaissait du bord de la mer pour aller assister à un mariage de la famille du comte de Paris à la chapelle royale de Dreux. Elle était royaliste dans le sang. M. Le Curé dans ce temps-là avait une paroisse à Dreux et lui filait une invitation en douce. Je m'en donnais à cœur joie en bordure de mer dans les petites boîtes où l'on dansait pieds nus avec la musique de Louis Armstrong ou Petite Fleur de Sydney Bechet."

Et oui, tous les étés, les Dupont louent la même petite maison de pêcheurs à Saint-Pierre-de-Quiberon.

Kerhostin. La plage en 1956.

"Mon père marchait insouciamment au milieu de la rue, son journal grand ouvert, à trois mètres de ma mère, ses espadrilles lui lâchant les pieds. Nous refaisions la route ensemble pour nous arrêter à la terrasse de chez Penec où l'on s'extasiait sur le côté carte postale du petit port breton."

Tandis que toute l'année, les enfants sont en pension à Chartres.

Oui, en Beauce.

Où l'avenir se compte en hectares :

"Je revois le groupe de notre classe à une soirée donnée par notre pensionnat dans les salons du Grand Monarque à Chartres. Nous étions déjà des grandes et jacassions comme des pies en lorgnant les garçons. Ils venaient du pensionnat situé entre la prison et la cathédrale de Chartres, et s'ils avaient l'air embarrassé de leurs grandes mains, ils étaient encore plus gauches en dansant. Je croyais que les premières en classe ou les plus jolies avaient du succès. En fait, c'étaient les filles riches, droites comme des balais, celles dont le père possédait 250 à 400 hectares de terres. Déjà à la pension on murmurait entre nous : Hélène aura sûrement une grosse dot et Anne apportera la ferme de ses parents en mariage. Elle est fille unique. C'était le règne de la Beauce et de la paysannerie, l'aristocratie du fumier, qui côtoyait les professions libérales, médecins non spécialisés, notaires ou colonels en retraite. Elle n'était pas toujours cultivée. Chez eux on cultivait mieux les champs que la mémoire. Je me souviens du gringalet à boutons qui m'a invitée en me tenant par le petit doigt pour danser la valse et qui m'a glissé à l'oreille avant de prendre son tourbillon : j'ai vu "L'Annonce faite à Marie" à la Comédie-Française. C'est de Saint-Exupéry je crois. Il devait avoir des petits avions qui lui couraient dans la tête. Par la suite, je n'avais plus le courage d'affronter ces soirées où je n'ai jamais rencontré un peu de finesse chez un garçon, à l'exception d'un peut-être, mais celui-là s'est fait prêtre."

Joseph Dupont a vendu peu à peu tout son patrimoine pour pouvoir mettre ses onze enfants en pension.

Et, on peut vraiment dire que les Dupont ont reçu une vraie éducation.

Ils ont tous eu des destins étonnants.

Christiane et Nadine ont écrit des livres.

Guy a été journaliste aux Potins de la Commère à France-Soir.

Puis, s'est occupé du bridge au Figaro.

"L'exemple de Guy Dupont illustre bien la formule " Le journalisme mène à tout, à condition d'en sortir ". Ancien journaliste à France Soir, rédacteur, reporter, puis chroniqueur judiciaire, il se consacre à plein temps, depuis 1984, au journalisme de bridge. Il est l'auteur d'une quarantaine de rubriques par mois, dans Le Figaro, Le Figaro Magazine, Le Quotidien du médecin, Télé Loisirs, le correspondant " bridge " de l'AFP (Agence France Presse), et le rédacteur en chef de TV Bridge, une émission consacrée au bridge sur Internet (www.canalweb.net)."

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Les enfants Dupont ont tous fait de beaux mariages.

Tous sauf Loïc, celui que je connaissais le mieux et qui avait fait des études dans la Marine à Brest.

Suite à des péripéties que je ne peux conter ici, il s'est échappé de son navire marchand lors d'une escale sur une île asiatique.

Ce sont les religieuses locales qui ont réussi à retrouver et à joindre sa famille à Nogent.

C'est lui qui est resté le dernier avec sa maman Isabelle dans la jolie maison.

Et a veillé sur elle jusqu'à ses tous derniers instants.

Il nous a quittés, il y a maintenant 4 ans.

Et je viens d'apprendre que l'auteur du livre, Christiane Dupont-Nangle s'est éteinte en février dernier.

Ainsi va la vie...

Mais la vie de Nogent, elle, ne peut certes pas aller sans évoquer les Dupont !

Liliane Langellier

P.S. Lire sur ce blog : "Requiem en Fa moqueur".

 

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