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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Moi, Charlotte Simmons de Tom Wolfe

Bon, admettons que ça soit totalement ça, les études : quatre ans pendant lesquels tu peux tout faire, tout essayer, sans qu’il y ait de … conséquences ? Pas de trace, pas de dossier, pas de blâme. Des trucs que si tu avais risqué ça avant, tes parents se seraient arraché les cheveux et t’auraient traitée comme une fille perdue.
Tom Wolfe

On ne parle que de ça chez nos cousins des States actuellement...

Mise à part l'histoire vulgairement croustillante de cette star du porno, Stormy Daniels, une blondasse aux très gros seins, qui se répand sur les plateaux télé pour raconter son sex date avec le président Trump.

L'histoire qui passionne aujourd'hui les Ricains, c'est celle de Brett Kavanaugh.

Juge proposé par Donald Trump à la Cour Suprême des Etats-Unis pour remplacer Anthony Kennedy.

C'est une élection d'importance, car les juges sont nommés à vie.

Et le vote du 9e juge est crucial pour dépasser les 4/4 (4 conservateurs et 4 progressistes) lors des votes sur des sujets importants comme le droit à l'avortement, le mariage gay, etc...

Et voilà qu'une certaine Christine Blasey Ford accuse le futur juge de l'avoir agressée sexuellement à Yale, en 1982, soit 36 ans auparavant.

Voilà qui écorne sérieusement l'image des sacré saintes écoles du savoir américaines...

Pourtant...

Pourtant Tom Wolfe nous avait décrit pareil et idem dans son roman "Moi, Charlotte Simmons", paru en 2004.

Retour sur un roman épais, long, difficile mais tellement tellement ricain...

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D’origine modeste, Charlotte Simmons est une sage et prude jeune fille qui débarque de Sparta, ville perdue des montagnes de Caroline du Nord à la prestigieuse Dupont University, véritable Olympe de la connaissance.

"Le comté d'Alleghani est tellement haut perché dans les contreforts occidentaux de la Caroline du Nord que les golfeurs assez intrépides pour aller jouer dans le coin disent qu'ils vont faire du golf de montagne. La principale source de revenus régionale se trouve dans les pépinières à sapins de Noël et la construction de maisons de vacances pour estivants. Sparta est l'unique ville de tout le canton."

Dupont University... Une véritable ville à elle toute seule. Où Elle va côtoyer la crème de la crème de la jeunesse américaine, les enfants de l’élite.

"Des jeunes en short et tee-shirt mauve avec "Dupont" en lettres jaunes sur la poitrine aidaient les arrivants à décharger et empilaient d'énormes tas sur les chariots qu'ils poussaient vers le bâtiment."

Très brillante intellectuellement, elle est également jolie et attirante...

Mais elle est aussi vierge et pleine de principes moraux. Ce qui l'isole des autres. Et plus particulièrement de sa "room mate" Beverly Amory de Groton.

"Le jour viendrait où Beverly et sa snob d'amie la regarderaient avec une admiration éperdue, s'en voudraient de ne pas avoir recherché sa compagnie quand elles en avaient la possibilité. Et à ce moment-là, elle leur tournerait le dos à jamais."

Et voilà qu’elle découvre petit à petit une vie universitaire qui n’a pas grand-chose à voir avec ce qu’elle avait imaginé : le Temple du Savoir de Haut Niveau est, dès la nuit venue, un lieu de débauche, de sexe, de bacchanales en tout genre où la drogue circule librement et où l’alcool coule à flots…

"Il n'y avait pas de cousin Doogie, à Dupont, pas d'abri familial. Elle était obligée de tremper en permanence dans le vice et le stupre. Même dans sa chambre, censé être un havre réservé au repos et au calme."

Au début, elle bataille, elle résiste à toutes les tentations, repousse les avances des garçons jusqu’au jour où…

"Quand ils sont parvenus à leur étage, Hoyt l'a entraînée par la main dans le couloir. Entrelacés à ceux de Charlotte, ses doigts étaient brûlants. Il ne l'a regardée qu'une seule fois avec un sourire où la nervosité se mêlait à l'adoration. Il n'a pas dit un mot jusqu'à la porte. Une fois entrés,  il l'a refermée en poussant le loquet si résolument que le loquet a claqué comme un coup de feu."

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Ce livre est une satire cinglante de la vie des étudiants dans une faculté privée américaine de grande classe. On sent que Wolfe a visé Harvard, Yale, Princeton, Berkeley… et a cherché à montrer tous les travers, les inégalités, les faux-semblants et surtout la mentalité délétère des classes sociales privilégiées.

C'est un véritable travail de journaliste.  Très informé des mœurs étranges de cette nouvelle aristocratie qui ne se veut que cool c'est-à-dire en perpétuel hédonisme et uniquement préoccupée de jouissance et de consommation.

Tom Wolfe use de son habituel humour décalé et pas forcément très politiquement correct et démonte bien des perversions du système.

En particulier, celle des fameux sportifs- étudiants (très sportifs et très peu étudiants) dont on trafique les résultats scolaires parce que le sport donne une belle image de la fac et également celle de ces fraternités huppées, sorte de sociétés secrètes dans lesquelles le top du top peut quasiment tout se permettre en attendant d’accéder aux postes clés de la société.

Tom Wolfe se révèle un véritable maître du roman social, une sorte d’ethnologue de notre époque. Malgré son épaisseur (650 pages), « Moi, Charlotte Simmons » est un livre qui se « dévore » tant les personnages sont attachants et l’intrigue passionnante.

L’auteur a encore progressé depuis « Acid Test » (sur la genèse du mouvement psychédélique dans les années 60), « Embuscade à Fort Braggs » (sur l’homosexualité et l’armée) et surtout depuis « Le bûcher des vanités » (sur les golden boys et le racisme) : plus aucune lourdeur, ni reprise, ni redite...

Un style fluide, ciselé, agréable, digne des grands classiques.

Alors, Wolfe, nouveau Balzac ou nouveau Zola ?

A vous de le dire....

Liliane Langellier

 

P.S.  50 voix pour. 48 contre. Samedi 16 heures (heure de Washington)

Le juge Kavanaugh devient Juge de la Cour Suprême.

 

 

P.S. 2 Cet article est le 230ème article écrit sur ce blog depuis août 2014.

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Pour 81.378 pages vues.

Tom Wolfe. Moi, Charlotte Simmons.

Tom Wolfe. Moi, Charlotte Simmons.

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